Guirec Soudée a passé la ligne du méridien de Créach au large de l’île d’Ouessant à 10h49 ce jeudi matin. Il a ramé toute la nuit dans un ultime effort. Après 107 jours de mer, il est venu à bout de la traversée de l'Atlantique d'ouest en est. Seul, sans aucune assistance. Le récit de son exploit.
Ce jeudi 30 septembre 2021 à 10h49, 107 jours après son départ de Chatham au Cap Cod (Nord Est des USA), le 15 juin dernier, Guirec Soudée a réussi son pari et bouclé la traversée de l’Atlantique Nord à la rame.
En coupant la ligne d’arrivée fictive du parcours située sur la longitude du phare du Créac’h à Ouessant, il n’a certes pas battu le temps établi par Gérard d’Aboville 41 ans plus tôt, mais il a signé un véritable exploit : avaler plus de 5 000 kilomètres à la force des bras, privé d’informations météo, de moyens de communication et rationné en énergie presque de bout en bout.
Dans quelques heures, le navigateur de Plougrescant dans les Côtes d’Armor, touchera terre et livrera l’incroyable récit d’une aventure humaine hors du temps : un direct à suivre sur notre site internet et sur nos réseaux sociaux.
Un premier chapitre sur l’Atlantique Sud
C’est par une traversée de l’Atlantique d’Est en Ouest, des Canaries à Saint-Barthélemy, lancée le 15 décembre et achevée le 26 février, qu’a débutée la nouvelle aventure de Guirec Soudée : 74 jours à la rame, à bord d’un monotype océanique de 8 m de long pour 1,6 m de large, en solitaire et donc sans sa désormais célèbre poule Monique.
Son objectif dès qu’une fenêtre météo se présenterait, s’attaquer à l’Atlantique Nord et ramer dans le sillage de Gérard d’Aboville parti 41 ans plus tôt du même site pour rallier Brest en empruntant les courants du Gulf Stream.
Une entame marquée par une violente tempête
15 juin – départ : Une fenêtre météo s’ouvre enfin sur la face Nord de l’Atlantique et Guirec met le cap sur sa traversée retour. Mais la situation météo n’a finalement rien de favorable et très vite, le navigateur doit faire face à des courants sinueux et un vent de sud qui l’expédient vers le plateau continental canadien. Dix jours durant, il ramera contre le courant, faute de quoi il finira sa traversée en Nouvelle-Ecosse.
Une entrée en matière épuisante. Fin juin, il peut enfin faire cap à l’Est et gagner le grand large.
3 juillet – 18e Jour
La situation se gâte sérieusement. Frappé par une violente tempête, des vents de 45 nœuds, rafales à 60, et des creux de 7 mètres, son équipe perd sa position et la possibilité définitive de le joindre par téléphone satellite.
L’hypothèse d’un chavirage et de l’eau venue remplir l’habitacle de son bateau s’impose. La question de l’état du marin se pose : est-il toujours en vie ? Demande-t-il assistance ? Le Cross Gris Nez est alerté.
Par la coordination du CROSS Gris Nez et du RCC Boston, un cargo panaméen le Tsukuba Maru naviguant proche de la dernière position connue de Guirec, est contacté et se déroute pour mener l’enquête sur zone.
Malgré les 4 mètres de creux et les 25 nœuds de vent résiduels, l’équipage du cargo établit une liaison radio avec Guirec. Aucune assistance n’est demandée, Le bateau est redressé, il dit continuer à faire route vers la Bretagne et prie son équipe de ne « surtout pas s’inquiéter pour lui » !
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Cap sur une aventure… à la Moitessier
Une autre aventure débute alors, celle d’une attente à terre du moindre message capté par un autre bateau par voie VHF. Ces échanges sont aussi pour Guirec l’occasion de récolter des informations météo dont il est désormais privé et d’adapter sa stratégie pour essayer d’éviter d’aller se frotter à de trop grosses conditions ou tout au moins les anticiper.
Blanche de tout message du navigateur, la première quinzaine d’août est l’objet de toutes les angoisses… avant une nouvelle aussi brève que rassurante : « Je vais bien, je continue ma route ».
Routeur de Guirec, Maurice Uguen accompagnait déjà Gérard d’Aboville 40 ans avant. Il témoigne alors que le bond dans le passé est bien plus important. Il faut en effet remonter à l’époque de Bernard Moitessier pour retrouver ce mode si restreint communication et un marin qui envoyait alors à la fronde des missives sur le pont des navires de commerce qu’il croisait.
Le 2 septembre – 80e Jour
Un petit miracle se produit. Par l’entremise des officiers d’un cargo, Guirec est mis en relation avec sa famille par le biais d’un téléphone collé à la VHF.
L’occasion, au-delà de l’évidente émotion, de donner des nouvelles et une position : après 8 jours de marche arrière à cause des vents rencontrés à l’approche de la Bretagne, il se trouve alors à 500 milles dans l’Ouest – Nord Ouest de Brest. Il confirme également l’hypothèse du chavirage, une installation électronique très endommagée et surtout le fait qu’il lui reste assez de vivres pour tenir encore.
Le 24 Septembre – 103e jour
L’avion patrouilleur Atlantique 2 de la Marine Nationale survole Guirec et établit le contact avec Guirec. De ce dialogue mémorable, on comprend mieux ce qui s’est passé le 2 juillet. La tempête tropicale a chaviré l’esquif de Guirec, un hublot ouvert a permis à l’eau d’envahir la cellule de vie, contraignant Guirec à la quitter en pleine tempête. L’archétype du scénario catastrophe.
S’en sont suivies de longues heures dehors à tenter de redresser son bateau empli d’eau. « C’était chaud ! » leur dira Guirec qui est alors privé de ses moyens de communication, en dehors d’une VHF et d’un GPS portables.
Un dernier coup de tabac avant les retrouvailles avec la terre
Depuis, à l’approche des côtes, les rencontres de Guirec Soudée avec d’autres navires, de pêche ou de commerce, ont pu gagner en fréquence, permettant ainsi à l’équipe à terre d’avoir plus de nouvelles et d’en transmettre au marin.
Le week-end dernier, une première fenêtre semblait pouvoir s’ouvrir sur l’arrivée et les retrouvailles avec la terre. Mais c’était sans compter un premier coup de tabac automnal sur la pointe Bretagne et l’évidente impossibilité de laisser Guirec dériver à l’ancre flottante dans le rail d’Ouessant.
Grâce à la solidarité de plusieurs bateaux de pêche, le bulletin météo lui était transmis afin qu’il laisse passer le gros temps.
Presque une semaine plus tard, après 107 jours de solitude, le rameur est enfin de retour, à Brest, sur ses terres bretonnes. Une arrivée qui prendra des allures de récit hors du temps, tant seul Guirec Soudée sait ce qu’il a vécu pendant cette traversée de l’Atlantique Nord.