Face à l’érosion et à la montée des eaux, la côte bretonne fait face à une menace silencieuse. À Plounéour-Brignogan-Plages dans le Finistère, une commune particulièrement exposée à la submersion, on réfléchit à des stratégies adaptées pour protéger un littoral vulnérable, sans forcément monter des murs.
Un an après que la tempête Ciarán a frappé durement la côte bretonne, Plounéour-Brignogan dans le Finistère doit faire face à une autre menace : la montée inexorable du niveau de la mer. Ici, pas de digues imposantes ni de bétonnage massif, mais une approche plus subtile et réaliste. Sandrine Abgrall, maire déléguée de cette petite commune, et Alain Hénaff, géologue, nous expliquent leur stratégie pour protéger un littoral qui s'effrite sous la pression des éléments.
Cette rencontre s’inscrit dans le cadre d'une émission spéciale sur cette tempête qui sera diffusée ce samedi 2 novembre à midi sur France 3. Anthony Masteau y explore les nouvelles prises de conscience liées au dérèglement climatique. Comment des communes littorales comme Plounéour-Brignogan-Plages s’adaptent-elles à l’idée que la mer va inexorablement monter ?
La mer gagne du terrain
Brignogan a été l’une des premières victimes de Ciarán, et aujourd’hui, la mairie fait face à une menace plus silencieuse, mais tout aussi dévastatrice. "Les zones du Scluz et du Garot sont les plus menacées", explique Sandrine Abgrall. "Plus de 200 personnes et une centaine de logements sont en danger à long terme. Ça représente 6 % de notre population et 12 % des logements. Il faut agir, mais sans ériger des murs gigantesques."
Pas de mur de 4 mètres, mais des compromis
Contrairement à d’autres communes qui misent sur la construction de digues, Brignogan adopte une approche radicalement différente : laisser la nature faire son travail. "On consolide les infrastructures existantes, comme la digue du port de Pontusval, mais on n’en rajoute pas", affirme la maire déléguée. "Pas question de construire un mur de quatre mètres."
L'idée est simple : moins d’infrastructures massives, plus de flexibilité. Les zones à risque sont reclassées en secteurs inconstructibles, et les habitants doivent accepter que la nature ait le dernier mot. "Construire des digues ne fait qu’amplifier l’érosion", confirme Alain Hénaff. "Cela renvoie l’énergie des vagues ailleurs et détruit les plages à long terme."
La dune du Lividic, bouclier naturel
L’un des atouts majeurs de la commune, c’est la dune du Lividic, un rempart naturel contre les vagues. "La dune nous protège de la submersion", explique Alain Hénaff. "Il suffit de préserver sa végétation et elle continuera à jouer ce rôle, sans qu’on ait besoin de bâtir des murs." Des aménagements simples, comme des poteaux pour diriger les promeneurs, ont été installés pour éviter que la dune ne soit piétinée, et la mairie mise sur une gestion douce de cet écosystème fragile.
Le dilemme des maisons en bord de mer
Malgré ces efforts, la réalité reste brutale pour certains résidents : certaines maisons devront être abandonnées. "Il faut que les gens comprennent que leur maison de famille au bord de la plage, c’est probablement la dernière génération qui pourra en profiter", confie Sandrine Abgrall. "Ce sont des biens qui ont une valeur affective et financière, mais cela devient de plus en plus difficile."
Pour Alain Hénaff, il est temps d’accepter cette dure réalité : "Dire aux gens qu’ils devront abandonner leur terrain est une chose difficile à annoncer, mais c’est la vérité." La gestion de ces zones à risque se fera sur plusieurs décennies, mais le choc pour les familles sera réel.
Anticiper un avenir incertain
Pour la maire de Plounéour, l’enjeu est clair : "Je suis mère, et quand je pense à mes enfants, je sais qu’en 2100, ils vivront dans un monde où le niveau de la mer aura considérablement changé. Il faut donc anticiper, prévoir dès aujourd’hui."
Elle reste cependant optimiste et volontaire. "Nous ne voulons pas entrer dans une spirale d’anxiété. Nous préférons agir et proposer des solutions pour rendre cet avenir plus vivable. C’est un défi, mais nous sommes prêts."
À l'heure où les tempêtes sont de plus en plus violentes, le message de Brignogan est clair : s’adapter, ou subir. Loin des solutions traditionnelles de bétonnage, la commune choisit de travailler avec la nature, dans un geste à la fois humble et lucide. "Il faut accepter de changer", conclut Sandrine Abgrall. "Si nous n'agissons pas maintenant, demain sera trop tard."
Face à la montée des eaux, la commune de Plounéour-Brignogan-Plages opte pour des stratégies réalistes, où l'humain s'adapte à la nature plutôt que de la dominer.