"Tout était à terre" : Un an après, la tempête Ciarán hante encore cette maraîchère bretonne

Dix ans de travail balayés en quelques heures : la tempête Ciarán a frappé fort en Bretagne ce 1er novembre 2023. Un an après, la maraîchère Sabine Le Tual reconstruit à l’identique son exploitation, consciente que le dérèglement climatique pourrait frapper à nouveau.

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Un an après le passage de la tempête Ciarán, Sabine Le Tual, maraîchère bio en Bretagne, peine encore à se relever. Le souvenir des vents dévastateurs de cette "bombe climatique" reste vif, tout comme les séquelles matérielles sur son exploitation des Côtes d’Armor.

Alors que le dérèglement climatique s'intensifie, elle a choisi de reconstruire à l'identique, malgré la crainte que l’histoire ne se répète. Dans le cadre d’un reportage sur l’après tempête Ciarán, Anthony Masteau, journaliste à France 3 Bretagne, l'a rencontrée, en présence de Steven Tual, météorologue, pour un échange entre inquiétude et résilience.

Une tempête destructrice

“Le lendemain matin, c'était un choc. Tout était à terre, les serres étaient défoncées,” raconte Sabine Le Tual, visiblement encore marquée par les dégâts causés par la tempête Ciaran en novembre 2023. “Psychologiquement, ça a été très dur. Dix ans de travail balayés en quelques heures.” La ferme maraîchère bio, située à Plouguiel dans le Trégor, a subi des dommages considérables. “C'est mon outil de travail qui a été détruit. Il n’y avait plus rien à faire. Il a fallu repartir de zéro, et c’était très compliqué, économiquement et moralement.”

C'était un choc. Tout était à terre, les serres étaient défoncées.

Sabine Le Tual

Maraîchère bio

Pour Steven Tual, météorologue, Ciarán est l'une des tempêtes les plus puissantes de ce siècle en Bretagne. “Elle se situe juste au-dessus de la tempête de 1999, mais en dessous de celle de 1987. Ciarán est la plus forte que nous ayons connue au XXIe siècle.” Les serres de Sabine n'avaient aucune chance face à des rafales dépassant les 150 km/h à l'intérieur des terres et atteignant les 200 km/h sur le littoral. “Au-delà de 110 km/h, même des structures solides comme celles-ci ne peuvent résister.”

L'impact des “bombes météorologiques”

La tempête Ciarán n’a pas seulement détruit les infrastructures. Elle a laissé un sentiment de vulnérabilité face à ces phénomènes que les météorologues qualifient de “bombes météorologiques”. Steven Tual explique : “Une bombe climatique, c'est quand plusieurs facteurs se combinent pour créer une tempête explosive. Ciarán a pris naissance près du Canada, et en traversant l'Atlantique, elle s’est intensifiée au-dessus de la Bretagne. Ce sont ces vents puissants qui ont ravagé les terres.”

Sabine Le Tual se souvient parfaitement de cette violence. “Oui, ça a vraiment explosé ici.” Mais malgré la gravité du phénomène, Sabine a fait le choix courageux de reconstruire sa ferme à l’identique, espérant que le sort ne s’acharne pas à nouveau.

Reconstruire face au risque

Sabine a longuement hésité avant de se relancer. “J’ai réfléchi plusieurs semaines. La solidarité a été essentielle pour repartir, mais c'est toujours compliqué.” Elle montre fièrement sa nouvelle serre, reconstruite dans la même orientation que la précédente, bien que l’idée de changer n’ait pas manqué. “On recommence pareil, on se dit qu’on ne peut pas échapper à des vents aussi forts. Que ce soit dans un sens ou dans un autre, cela ne changera pas grand-chose. Alors, j’ai décidé de reconstruire à l'identique.”

Mais cette décision s’accompagne d’une anxiété qui est présente dans sa voix. Les tempêtes majeures sont désormais un risque omniprésent. Steven Tual souligne l’importance de l’anticipation : “Si on peut prévoir ces événements quelques jours à l'avance, comme avec Ciarán, Sabine pourrait par exemple démonter les bâches de ses serres pour limiter les dégâts.” Cependant, Sabine admet que l’avertissement donné pour Ciarán n’avait pas été pleinement pris au sérieux. “On pensait que c’était exagéré, on n’imaginait pas que ce serait si violent.”

Travailler avec un climat de plus en plus imprévisible

Le changement climatique est désormais un élément central dans la gestion des exploitations agricoles, et Sabine en ressent les effets au quotidien. “C’est de plus en plus compliqué. Les saisons sont plus courtes, les printemps plus froids, et les étés ne sont plus ce qu’ils étaient. Cette année, c'était particulièrement dur avec les maladies, les plantations, les sols détrempés. Quand il pleut tous les deux jours, c’est compliqué de travailler.”

Steven Tual confirme que ces phénomènes extrêmes deviennent plus fréquents et accentués : “Les hivers sont plus pluvieux, les sécheresses estivales plus marquées. Les pics de chaleur mettent en péril l'agriculture. Pour les tempêtes, il n’y a pas encore de consensus scientifique sur leur fréquence ou leur intensité, mais la Bretagne reste exposée.” Il rappelle également que l’urbanisation du littoral et des terres augmente les risques d'érosion et de submersion.

Vers une adaptation forcée

Sabine est bien consciente que le dérèglement climatique exige des adaptations. “Je suis plus inquiète, surtout l’hiver quand on annonce de nouveaux coups de vent. Il va falloir changer certaines choses dans notre manière de travailler.” Les maraîchers comme elle devront sans doute opter pour des variétés de légumes plus résistantes aux maladies et aux conditions climatiques extrêmes. “On ne peut plus continuer comme avant. Le climat impose des ajustements.”

La tempête Ciarán, avec son cortège de destructions, symbolise la nouvelle réalité climatique à laquelle la Bretagne et ses agriculteurs doivent faire face. Sabine Le Tual le sait : reconstruire, c’est aussi accepter qu’une nouvelle tempête puisse à tout moment tout balayer à nouveau.

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