Dans la nuit du 1er au 2 novembre 2023, la tempête Ciaran s'est abattue sur la Bretagne avec des rafales de vent à plus de 190km/h. Dans le Finistère et les Côtes d'Armor, les serres des maraichers ont particulièrement souffert. Trois mois plus tard, les agriculteurs ne savent toujours pas exactement de quelles aides ils vont pouvoir bénéficier pour reconstruire.
En bordure de champ de fraisiers, des armatures métalliques sont alignées, vestiges de serres. Plus loin, de nouvelles structures, plus solides, sont en construction. Trois mois après la tempête Ciaran, les maraîchers bretons sont toujours dans le flou concernant les aides qu'ils toucheront pour reconstruire.
Alexandre Le Bechec, 33 ans, est maraîcher à Trédarzec (Côtes-d'Armor). Associé avec son père et son frère, avec 10 salariés, il cultive en plein champ et sous serres sur 90 hectares des légumes bio, vendus dans leur boutique, à des grossistes et en circuit court.
La tempête Ciaran, qui a balayé la Bretagne dans la nuit du 1er au 2 novembre, en particulier le Finistère et les Côtes-d'Armor avec des pointes à plus de 150 km/h, a laissé des traces. Les vents ont plié sept serres tunnel et abîmé les plastiques des quatre autres, qui ont pu toutefois être rebâchées rapidement. En démontant pièce par pièce les serres les plus endommagées et avec l'aide de retraités bénévoles, ils en ont remonté deux autres.
"Il y en a pour plus de 150.000 euros" de dégâts, chiffre-t-il. Passé le choc, "abasourdi, le mot n'est pas assez fort", Alexandre Le Bechec a dû réfléchir rapidement à reconstruire. Se doter de nouvelles serres était indispensable pour lancer à temps les cultures d'été et limiter les pertes de production, explique-t-il.
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80 millions d'euros d'aides anoncées le 15 novembre
Le 15 novembre, le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau annonçait une aide de 80 millions d'euros pour les agriculteurs de trois régions sinistrées (Bretagne, Normandie, Hauts-de-France), dont 60 millions pour la reconstruction et 20 millions pour la trésorerie.
"On n'a pas eu de nouvelles jusqu'à la déclaration de Gabriel Attal" le 26 janvier du renforcement du fonds d'urgence pour la Bretagne, relate le maraîcher.
Il a fait le choix de faire construire des serres plus résistantes aux intempéries, mais beaucoup plus onéreuses, qui pourront être assurées, contrairement aux tunnels. "
On s'est retrouvé à prendre des décisions sans avoir les cartes en main", raconte Alexandre Le Bechec, avec le sentiment de "jouer l'avenir de (sa) boîte en trois clics" si le dossier de demande d'aides publiques était mal rempli.
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2 100 agriculteurs bretons concernés
Les guichets pour ces aides ont ouvert la semaine du 5 février pour la Bretagne. Dès la mi-novembre, la chambre d'agriculture recensait plus de 2.100 agriculteurs touchés dans la région, dont plus de la moitié dans le Finistère.
"Avoir une aide si tardive pour la reconstruction, une aide à la trésorerie censée arriver rapidement qui arrive si tard (...) ça ne passe pas très bien sur le terrain", relève Anthony Charbonnier, conseiller en environnement à la chambre d'agriculture de Bretagne.
Autre principe qui fait grincer des dents, celui du "premier arrivé, premier servi" pour la première tranche de 30 millions d'euros d'aides à la reconstruction, une mention vite retirée du site internet FranceAgriMer où sont déposées les demandes.
Une grosse inquiétude
Les 60 millions d'euros pour l'aide à la reconstruction suffiront-ils pour les exploitations agricoles des trois régions ? Il existe une "grosse inquiétude" que ce ne soit pas le cas, reconnaît Anthony Charbonnier. Une autre crainte porte sur les agriculteurs ayant engagé des travaux avant le 16 novembre, qui ne seront pas pris en charge, poursuit-il. Il faudra attendre fin mars pour y voir clair, selon lui.
Jonathan Chabert, maraîcher bio et porte-parole de la Confédération paysanne, a contribué à informer les agriculteurs touchés des aides mises en place. Il n'a recensé qu'une poignée de cessations d'activités chez des maraîchers pour l'instant, mais pour au moins un d'entre eux, "si le guichet avait été ouvert un mois après la tempête, je suis convaincu qu'il n'aurait pas arrêté".
"On doit tirer des leçons de la tempête Ciaran, du changement climatique, du déficit abyssal de l'assurance privée et de l'échec de l'assurance récolte", réclame-t-il, rappelant la revendication du troisième syndicat agricole en France d'un fonds mutuel et solidaire face aux risques climatiques.