Le tribunal correctionnel de Paris, qui juge les laboratoires Servier et l'Agence du médicament dans l'affaire du Mediator, doit entendre ce mercredi la pneumologue de Brest Irène Frachon, à l'origine de la révélation du scandale en 2010.
Plus de trois semaines après l'ouverture des débats, souvent arides, l'audition de cette lanceuse d'alerte est très attendue. En juin 2010, le Docteur Frachon, praticienne au CHU de Brest, avait publié "Mediator 150mg, combien de morts?" (éditions-dialogues.fr), fruit d'une enquête de trois ans sur les possibles méfaits de ce médicament, présenté comme un antidiabétique mais largement prescrit comme coupe-faim.
En 2007, cette spécialiste des hypertensions artérielles pulmonaires voit arriver dans son bureau à Brest une patiente obèse atteinte de cette pathologie rare et incurable, et qui a été exposée au Mediator. Plus tard, des collègues l'avertissent de cas de valvulopathies (défaillances des valves cardiaques) sur des personnes qui ont pris ce médicament. En mars 2009, Irène Frachon présente à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps, devenue ANSM après le scandale) 11 cas d'atteinte des valves cardiaques après exposition au Mediator. Elle poursuivra ensuite son enquête, notamment à travers une étude cas-témoins menée dans son département du Finistère, jusqu'au retrait du médicament le 30 novembre 2009, après trente-trois ans de commercialisation.
Son combat de longue haleine et sa ténacité ont inspiré un film, "La Fille de Brest" d'Emmanuelle Bercot, sorti en novembre 2016, mais aussi une pièce de théâtre, "Mon coeur", mise en scène en 2017 par Pauline Bureau. A son arrivée au tribunal, lors de l'ouverture du procès le 23 septembre, Irène Frachon avait dit attendre "ce procès pénal depuis des années".
La pneumologue s'est mise en congés du CHU pour pouvoir suivre les débats.J'ai été lanceur d'alerte, porteur d'alerte jusqu'à aujourd'hui. C'est au tribunal maintenant de prendre cette affaire, de voir le travail des juges d'instruction, d'entendre les témoins et de dire ce qu'il s'est passé
Le procès, qui voit comparaître les laboratoires Servier, neuf filiales du groupe et l'Agence nationale de sécurité du médicament ainsi que douze personnes morales, doit s'achever fin avril 2020.