En Bretagne, les ostréiculteurs s’inquiètent des effets du réchauffement climatique sur leur activité. Certaines huîtres pourraient ne pas résister à la hausse des températures des océans. Alors, comment s'adapter ?
À Carantec, dans le Finistère, se trouve l’un des plus importants centres ostréicoles de Bretagne. La famille de Gireg Berder y élève des huîtres depuis quatre générations, directement sur le sol. Les effets d’une hausse des températures, il les perçoit déjà, notamment avec l'apparition des dorades royales : "Dans la baie de Morlaix, on a eu l'apparition de cette espèce par bancs qui peuvent être ravageurs. Typiquement, ces huîtres qui ont 18 mois sont le casse-croûte favori des dorades parce que la coquille n'est pas encore assez dure et il y a suffisamment à manger pour que ce soit intéressant".
Algues vertes et acidification
À cela s’ajoute la prolifération des algues vertes, conséquence d’une hausse des températures et de l’agriculture intensive : "La surquantité de cette algue-là fait que tout rentre en décomposition en dessous et détruit toutes les espèces présentes", conclut l'ostréiculteur.
Les conséquences du réchauffement n’en sont qu’à leurs débuts. La chaleur des eaux et le CO2 qui s’y accumule vont modifier la composition chimique des océans, les rendant plus acides.
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20% de croissance en moins
Dans un laboratoire brestois, les huîtres ont été soumises à différentes températures et taux d’acidité. Conclusion : les coquilles vont devenir plus fragiles. Ce que confirme Frédéric Gazeau, coauteur d'une étude CocoriCO2-CNRS-IFREMER : "Les organismes vont devoir dépenser beaucoup plus d'énergie pour former leur coquille et c'est de l'énergie qui ne va pas pouvoir être utilisée pour d'autres processus vitaux, comme la reproduction, la croissance des tissus organiques ou la prédation. L'étude qu'on a menée a montré quand même dès 2050 une diminution de l'ordre de 20% de la croissance".
Les huîtres vont devoir dépenser beaucoup plus d'énergie pour former leur coquille et c'est de l'énergie qui ne va pas pouvoir être utilisée pour d'autres processus vitaux, comme la reproduction, la croissance des tissus organiques ou la prédation.
Frédéric GazeauCoauteur d'une étude CocoriCO2-CNRS-IFREMER
Un constat qui inquiète beaucoup les ostréiculteurs. Comment s’adapter ? Gireg Berder cherche des solutions... Son idée : élever les huîtres comme ses ancêtres, à même le sol, sans poche, ce qui favorise le développement naturel des algues rouges capables de réduire l’acidification de l’eau : "L'oxygénation des algues va favoriser la croissance des huîtres et la filtration des huîtres va favoriser la croissance des algues. Ce sont toutes ces interactions-là qui, j'espère, seront la solution aux difficultés que l'on rencontre aujourd'hui", conclut-il.
Avec des élevages moins intensifs ou peut-être plus loin en mer, les ostréiculteurs vont devoir changer leurs pratiques s'ils veulent s'adapter face au réchauffement climatique.
(Avec F.Vallet et A.Sylvain)