Locaux saccagés, agents menacés: l'Office français de la biodiversité (OFB) sert de "bouc émissaire" dans la crise agricole, les syndicats se livrant à une "surenchère" à quelques semaines des élections professionnelles, déplorent des agents de l'établissement public chargé de la police de l'environnement.
Mi-novembre, des représentants de la Coordination rurale (CR), deuxième syndicat agricole, s'en sont pris à des agences de l'OFB, saccageant des bureaux dans la Creuse et menaçant un responsable.
"Pour la première fois depuis la création de l'établissement, des manifestants ont forcé l'entrée de nos locaux. Ces attaques, qui visent directement l'OFB et ses missions, sont inacceptables", a dénoncé le directeur général de l'établissement public, Olivier Thibault.
Mardi, Arnaud Rousseau, président du syndicat majoritaire FNSEA a pourtant promis des actions contre "tout ce qui entrave la vie des agriculteurs (...), les administrations, un certain nombre d'agences", suscitant inquiétudes et sentiment d'injustice au sein de l'OFB.
La ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a averti mercredi sur Sud Radio que "toute attaque qui vise l'intégrité physique de ces agents (...) sont inacceptables", citant le cas récent d'un agent dont une roue de voiture a été sabotée.
Bouc émissaire
"Si on a des critiques à l'égard de la loi, de la réglementation, il faut s'adresser à ceux qui la font, aux ministres, aux parlementaires", a-t-elle poursuivi, "mais on ne peut pas reprocher à un agent qui a une mission de service public d'exercer cette mission".
L'OFB sert de "bouc émissaire", déplore Guillaume Rulin, coordinateur national du syndicat EFA-CGC à l'OFB.
"On est sur une volonté d'empêcher les contrôles, pourtant garants d'une équité entre les agriculteurs qui respectent la réglementation et les autres", poursuit-il.
"Il y a une surenchère au syndicat qui sera le plus anti-réglementation, anti-OFB, en espérant récolter des voix lors des élections professionnelles" de janvier, déplore Thomas, agent à l'OFB ayant requis l'anonymat.
Instrumentalisation de la colère contre l'OFB ?
L'établissement, issu en 2020 de la fusion de l'Agence française de la biodiversité et de l'Office nationale de la chasse et de la faune sauvage, assure des fonctions de police administrative et judiciaire de l'environnement. Cela peut concerner l'arrachage illégal de haies, l'irrigation en période de sécheresse...
"On ne veut plus de l'OFB sur nos exploitations, ça suffit", déclarait récemment à l'AFP Christian Convers, secrétaire général de la Coordination rurale. Le syndicat agricole réclame le démantèlement de l'OFB et le désarmement de ses agents.
"On comprend très bien les motifs de colère des agriculteurs, qui ont des conditions de vie difficiles et des revenus pas à la hauteur de leur travail", indique Sylvain Michel, de la CGT Environnement.
Pour autant, "il y a une instrumentalisation de ce qui est appelé les contraintes environnementales", poursuit-il.
Les relations au quotidien avec les agriculteurs sont dans l'ensemble cordiales, assure Sylvain Michel, à l'instar des autres salariés de l'OFB interrogés.
Certains agents reconnaissent que des efforts sont à faire en termes de pédagogie à l'égard des agriculteurs, pour mieux expliquer le rôle de l'établissement public.
L'OFB était déjà dans le collimateur des agriculteurs lors des manifestations de janvier-février. Le port de l'arme par les 1.700 inspecteurs de l'environnement, qui contrôlent aussi chasseurs ou braconniers, avait été questionné par Gabriel Attal, alors Premier ministre.
Il est question à présent qu'ils interviennent l'arme cachée. "Ce qui est inquiétant, c'est que les personnes contrôlées dictent ce que font les agents", souligne Thomas, rappelant que 85 agents de l'OFB ou des agences dont il est issu, ont été tués par le passé en mission.
Pour tenter d'apaiser la colère agricole, la ministre de l'Agriculture Annie Genevard a aussi promis un "contrôle administratif unique", pour limiter les visites à une par an et par exploitation, même si à peine plus de 10% d'entre elles ont fait l'objet d'un contrôle en 2023.
"Ces contrôles, qu'ils concernent la gestion des aides ou la conformité aux normes agricoles, relèvent de la compétence d'autres structures", rappelle le syndicat national des inspecteurs de l'environnement Snape-FO.