Dix jours après le vol de six panneaux en langue bretonne à l'entrée de la ville de Vitré, la municipalité a décidé d'en installer des nouveaux. "Le breton est légitime à Vitré" assure la maire qui ne veut pas opposer les langues régionales. Des échanges sont en cours pour que le gallo ait aussi sa place à l'entrée de la cité.
"C'est injuste... Il faudrait aussi du gallo !" Croisé dans le centre-ville de Vitré, Patrick ne mâche pas ses mots. Du haut de ses 70 ans, ce Vitréen de naissance regarde d'un œil critique les choix de la municipalité.
Depuis début janvier, la mairie a commencé à installer des panneaux en langue bretonne à l'entrée de la cité. "Gwitreg" a ainsi trôné durant quelques semaines sous l'affichage officiel, mais début mars, les six premiers panneaux installés ont été volés.
Six panneaux volés
"Dérober la signalétique urbaine, c'est un délit !", s'insurge Isabelle Le Callennec, la maire de Vitré qui a déposé plainte. Le préjudice total est estimé à plus de 1.000 euros.
Si tout le monde condamne officiellement le délit (passible d'une amende et d'une peine d'emprisonnement), en coulisse, les langues se délient : était-ce bien pertinent d'afficher un nom breton en pays gallo ? Beaucoup parmi les 18.000 Vitréens se posent la question.
"Vitré est une ville bretonne !"
Droite dans ses bottes, Isabelle Le Callennec, la maire de Vitré justifie : "La Ville a signé la charte Ya d'ar Brezhoneg, le conseil municipal a voté à l'unanimité en mai dernier. La municipalité s'est engagée à mener plusieurs actions de promotion du breton, dont cet affichage en entrée de ville."
L'élue LR rappelle que l'office public de la langue bretonne travaille depuis plusieurs mois avec la municipalité : "C'est l'office de la langue bretonne qui a pris contact avec nous, comme tout récemment 'l'Institut du Galo' d'ailleurs, mais cela a fait l'objet d'un examen, puis d'un vote, ça ne se fait pas comme ça !"
Selon elle, le breton est tout à fait légitime en terres vitréennes. 80 enfants l'apprennent dans les écoles vitréennes (sur 2.200 élèves au total). "Vitré est une ville bretonne ! Par le passé, quand la Bretagne était indépendante, on a même eu un ministre des finances breton qui était originaire de Vitré (ndlr : Pierre Landais, maître des finances du duché de Bretagne au 15ème siècle). C'est à Vitré aussi qu'on a créé le Gwen ha du (ndlr : le drapeau breton a été créé en 1925 par Morvan Marchal). Vitré est totalement ancré dans l'histoire bretonne, mais c'est vrai que c'est le gallo qu'on parlait à Vitré par le passé" reconnaît Isabelle Le Callennec.
Pourquoi pas "Vitrë" ?
Pourquoi, dans ce cas, ne pas afficher aussi, comme d'autres communes le font déjà, le nom gallo à l'entrée de la cité ? Selon l'édile : "Cela s'étudie ! Nous avons commencé à discuter avec les promoteurs du gallo, nous allons poursuivre. J'ai proposé à un représentant de 'l'Institut du Galo' de venir nous rencontrer. Il y a même une date de proposée ! Ça prendra le temps qu'il faudra comme cela a pris du temps pour Ya d'ar Brezhoneg !"
Une charte du gallo existe aussi depuis 2015. Plusieurs villes bretonnes l'ont déjà signée : c'est le cas par exemple de Saint-Brieuc, Fougères, Argentré-du-Plessis ou encore tout récemment Montfort-sur-Meu.
En novembre 2022, un manifeste a aussi été publié pour qu'une signalétique en gallo soit instaurée sur les routes.
Aujourd'hui, pointés du doigt pour le vol des panneaux, les promoteurs de la langue gallèse du côté de Vitré se défendent : "Nous condamnons l'acte, évidemment. Cela ne nous intéresse pas d'enlever des panneaux", réagit Guillaume Gérard, en tant que membre du collectif "Du Galo en Bertègn".
"Nous ne sommes pas contre le breton, nous sommes pour le gallo en pays gallo ! Pour qu'il soit affiché publiquement en priorité dans le pays gallo" répète celui qui est aussi président de La Granjagoul, au côté de Nicolas Rozé, président lui de la Bouèze.
Bientôt des panneaux trilingues ?
Ensemble, ils ont contacté la mairie de Vitré, dès juin dernier et la signature de la charte en breton, pour défendre l'existence de la version gallèse. Des échanges sont en cours avec Philippe Maignan, le délégué à la promotion des langues de Bretagne au sein du conseil municipal de Vitré. Objectif : faire apparaître le nom de "Vitrë" à côté de la version bretonne au niveau des entrées principales de la ville.
Cela ne sera peut-être pas encore le cas mi-mai, lors de la Fête de la Bretagne que Vitré organise avec des associations faisant la promotion des deux langues régionales.
Aujourd’hui, la langue gallèse compte près de 200.000 locuteurs. C'est un peu moins que le nombre de brittophones (langue bretonne), qui est lui estimé à 207.000.