Mort de Steve Maia Caniço. Le commissaire de police a-t-il commis une faute ?

Dans la nuit du 21 au 22 juin 2019, Steve Maia Caniço se noyait dans la Loire, à Nantes, au cours d'une opération de police pendant la Fête de la musique. Le commissaire qui a dirigé cette opération est poursuivi pour homicide involontaire au tribunal correctionnel de Rennes, dont les magistrats ont mené l’instruction. Il encourt 3 ans de prison et 45 000 euros d’amende.

Il est le seul prévenu poursuivi pour la mort du Steve Maia Caniço. Le commissaire de police Grégoire Chassaing, 53 ans aujourd’hui, a mené l’intervention sur un quai de l’île de Nantes, dans la nuit du 21 au 22 juin 2019. Peu après 4h du matin, il commande une vingtaine de policiers chargés de faire cesser la musique techno qui est diffusée quai Wilson, comme depuis plusieurs années à l’occasion de la Fête de la musique.

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Sur cette zone inhabitée des bords de Loire, les « murs de son » de techno commencent à être démontés, mais l’un d’eux continue de diffuser de la musique malgré la demande de l'arrêter.  La tension monte et les policiers essuient des jets de pierre et de bouteilles en verre. Ils réagissent en saturant l’air de gaz lacrymogène.

Trente-trois grenades lacrymogènes seront utilisées au cours de l'intervention, ainsi que 10 grenades de désencerclement et 12 tirs de lanceurs de balles de défense (LBD). Dans le tumulte, et avec d’autres teufeurs, Steve Maia Caniço tombe dans la Loire. Le quai Wilson, à l'époque, n'était équipé d'aucun parapet, aucun garde-corps. L’animateur périscolaire de 24 ans ne sait pas nager. Son corps sera repêché non loin de là, plus d’un mois plus tard, le 29 juillet 2019. 

 Son téléphone portable précise l'heure de la chute

À la demande des magistrats nantais, l'affaire a été confiée à un tribunal hors de Loire-Atlantique. Ce sont des magistrats rennais qui ont mené les investigations, dans le cadre de cette information judiciaire "dépaysée".

L'enquête, notamment les données fournies par le téléphone de Steve, ont « établi avec précision et certitude » l’heure de la chute dans la Loire de M. Maia Caniço, a noté le procureur de la République à Rennes dans son réquisitoire. Le jeune homme est tombé du quai le 22 juin 2019, à 4 h 33 et 14 secondes, « dans le temps de l’intervention de police et postérieurement aux premiers usages de grenades lacrymogènes ayant eu lieu dès 4 h 31 ».

La responsabilité d'autres personnes écartée dans ce drame

Les deux magistrats rennais qui ont instruit l’affaire ont décidé d’un non-lieu à l'encontre du sous-préfet, Johann Mougenot. Ce dernier, qui avait participé aux réunions préparatoires pour sécuriser la Fête de la musique, avait d'abord été mis en examen. Mais « aucune faute caractérisée [n’ayant pu] être relevée à son encontre », il n’est plus poursuivi pour la mort de Steve Maia Caniço.

Un non-lieu est également décidé à l'encontre des personnes qui avaient été placées sous le statut de témoin assisté, notamment l'ex-préfet Claude d'Harcourt et la maire de Nantes Johanna Rolland.

"L'usage des armes par la police se fait dans des conditions très précises"

 La famille de Steve Maia Caniço ne voit rien à redire sur l'abandon des poursuites contre ces autres acteurs du dossier. Leur avocate, Me Cécile de Oliveira, explique que "depuis l'origine, la famille du jeune homme estime que seule l'opération de police est responsable de sa mort."

"Grégoire Chassaing a commandé une opération policière absolument non réglementaire, absurde et dangereuse."

Me Cécile de Oliveira

Avocate de la famille de Steve Maia Caniço

 L'avocate nantaise de renom espère s'appuyer sur les textes réglementaires de la police pour en conclure que "dans une démocratie, l'usage des armes par la police se fait dans des conditions très précises", et que celles-ci n'étaient pas réunies le 22 juin 2019 sur l'île de Nantes.  À quelques jours du procès, elle assure que les "agissements répétés" du commissaire dans l'opération sur le quai de Loire sont constitutifs d'une "faute caractérisée".

"Ce procès sera une épreuve libératrice pour G. Chassaing"

C'est tout le contraire, affirme l'avocat du commissaire, Me Louis Cailliez. Lors de la conférence de presse qu'il a donnée, mardi 4 juin 2024, l'avocat parisien a affirmé que "quelques minutes avant sa chute en Loire, Steve Maia Caniço dormait profondément à 1 mètre du bord du quai Wilson, qui n’était ni barriéré, ni éclairé, à côté du parking sous la grue grise, et en tout cas loin du bunker où la soirée a dégénéré." Selon l'avocat parisien, le jeune homme "n'a pu être affecté par du gaz lacrymogène."

"L'explication la plus crédible, la plus probable et la plus sérieuse, qui se fonde sur de très nombreux éléments fiables et concordants du dossier, est celle d’une chute en Loire fortuite, par inadvertance, du simple fait de la configuration intrinsèquement dangereuse des lieux, et sans aucun rapport avec la police."

Louis Cailliez

Avocat du commissaire Grégoire Chassaing

À l'approche du procès, du 10 au 14 juin 2024, Me Cailliez souhaite que "l'audience à Rennes soit sereine, digne, factuelle et juridique, loin du procès d'intention qui n'a que trop duré depuis cinq ans." Son client, dit-il, "garde tout de même, avec humilité, un état d'esprit combatif."

D'autres suites judiciaires à venir

Deux informations judiciaires connexes avaient été lancées par le parquet de Rennes. L'une, ouverte notamment pour "mise en danger de la vie d'autrui", se fonde sur le témoignage d'autres participants de la soirée techno, qui ont été blessés ou sont tombés dans la Loire. Entre 11 et 14 personnes ont chuté dans le fleuve pendant l'opération policière, mais d'autres teufeurs avaient aussi chuté avant l'arrivée de la police.

L'autre information judiciaire fait suite à la plainte de plusieurs policiers blessés, lors de leur intervention. "Le magistrat instructeur [a], avec l'accord du parquet, priorisé le traitement du dossier d'homicide involontaire", précise le Procureur, Philippe Astruc, "et les éléments seront reversés dans ces deux informations judiciaires et pourront être développés après le jugement à intervenir prochainement."

Ces deux dossiers "connexes" n'ont pour l'instant fait l'objet d'aucune mise en examen, afin de concentrer les moyens d'enquête sur l'affaire Steve Maia Caniço. 

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Une promotion qui a fait débat

Le procès sur la mort de Steve Maia Caniço va se tenir à la cité judiciaire de Rennes, cinq ans après les faits.

Après avoir été muté à Clermont-Ferrand comme numéro 2 de la police du Puy-de-Dôme, le commissaire divisionnaire Grégoire Chassaing a été promu au grade de chef de circonscription de la police nationale à Lyon. Cette promotion par le ministère de l’Intérieur a été rendue publique à peine plus d’un mois après la décision prise par le Parquet de Rennes de le renvoyer en correctionnel.

Grégoire Chassaing est officiellement en poste à Lyon depuis le 1ᵉʳ juin 2024. Lors de son procès dans quelques jours, il devra répondre de l'accusation d’homicide involontaire, et encourt 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. 

 

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