Témoignage. "C'est une mèche qui est allumée ici et qui éclate là-bas", les Kanaks de Bretagne, entre inquiétude et colère

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Alors que de violentes émeutes ont déjà fait six morts en Nouvelle-Calédonie, à Rennes, plusieurs Kanaks nous ont confié leurs inquiétudes.
Le reportage de Lara Dolan et Philippe Queyroux ©France 3 Bretagne
Publié le Mis à jour le Écrit par Manon Le Charpentier et Thierry Peigné
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Une semaine après le vote de la réforme visant à élargir le corps électoral en Nouvelle-Calédonie, la tension ne retombe pas. Alors que les violentes émeutes ont déjà fait six morts là-bas, à Rennes, plusieurs membres de la diaspora nous ont confié leurs inquiétudes.

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Ce dimanche 19 mai 2024, dans l'après-midi, ils sont une quinzaine à s'être rassemblés pour laisser s'exprimer les émotions qui les assaillent depuis une semaine. Après un moment de chants traditionnels, les membres de l'association "Caillou en Bretagne", "Caillou" comme on nomme la Nouvelle-Calédonie chez eux, échangent dans cette salle du quartier Villejean à Rennes, leurs inquiétudes et leurs ressentis sur ce qui se passe chez eux.

Nous, on est très communautaire.

Waga,

installé à Rennes depuis trois ans

Waga, 44 ans, est arrivé à Rennes en 2021. Il étudie la musique à l’université. Depuis le début des émeutes, il vit au gré des nouvelles que lui envoie sa famille restée en Nouvelle-Calédonie : "Ils ne sortent pas. On est inquiets pour leur sécurité. Ils commencent à manquer de vivres. C'est beaucoup d'incompréhension. J'ai du mal à vivre cette situation. On aurait aimé être très proche de sa famille dans ces moments-là. Nous, on est très communautaire" explique très posément le Kanak.

Une très forte inquiétude pour leurs proches 

Chez Hélène, arrivée en Métropole il y a 20 ans, c'est la peur qui domine. Elle a du mal à joindre sa sœur aînée, car le réseau est devenu difficile là-bas : "Elle est avec ses enfants à la maison. Elle a peur de sortir, on leur amène de la nourriture.

Elle aussi passe son temps à scruter les réseaux sociaux et les médias : "Cette semaine, ça nous a trop touchés, ça nous a attristés. On ne sait pas pourquoi on en est arrivé à ce point. Ce n'est pas la Kanaky qu'on a connue."

Si Hélène est en faveur de l'indépendance de son pays, elle a du mal à parler de politique avec ses amis malgré les nombreuses sollicitations en ce moment. 

C'est vrai que c'est à cause de la politique que tout se passe mal là-bas. Mais je ne veux pas faire de politique. C'est ça qui fait qu'il y a de la violence et des morts et que notre pays est dégradé.

Hélène,

en Métropole depuis 20 ans

"Une loi de recolonisation"

Pour Waga, qui a perdu un de ses neveux lors des dernières émeutes, le vote à l'Assemblée nationale, qui a entériné l'élargissement du corps électoral en Nouvelle-Calédonie est perçu comme "une loi de recolonisation". "On va bouger les lignes électorales pour intégrer des électeurs pour décider de la vie du 'pays', des gens qui ne sont pas du 'pays' depuis longtemps". Et d'ajouter : "Il faut absolument revoir ce projet de loi et le retirer si on veut revenir au calme et à la paix".

À LIRE : Émeutes en Nouvelle Calédonie : l'un des gendarmes tués était originaire du Finistère

Paul, Kanak lui aussi, ne comprend pas ce vote : "C'est une loi qui est votée ici, une décision centrale sur laquelle la population n'a pas de prise. C'est une mèche qui est allumée ici et qui éclate là-bas."

Il a peur pour la jeunesse de son pays, souvent déracinée et sans repère, estime-t-il : "On voit beaucoup la jeunesse qui est sur le terrain en ce moment. Ils ne sont pas d'accord avec le système en place. Il faut que les institutions se posent la question dessus. Elles ont raté quelque chose dans l'éducation, la culture, l'accès à la connaissance."

"Une cocotte-minute qui explose"

Une autre participante, plus jeune, étudiante à Rennes, exprime, elle aussi, son impuissance, à 18 000 km de ses proches et de son pays : "On a les nouvelles du pays via les médias, mais entre ce qui est dit et ce qui est réel, beaucoup de choses sont déformées", estime-t-elle. 

"Moi, je vois ça comme une cocotte-minute qui explose, c'est une souffrance qui est là depuis des années, de tout un peuple et de la jeunesse. Ça fait des années qu'on dit que la jeunesse souffre et que les inégalités se creusent. C'est une conséquence de tout le processus de référendum et d'indépendance."

Chez elle aussi la tristesse se mêle à la colère, en particulier envers les politiciens : "Pour moi, c'est leur échec, ils ont échoué à maintenir cette paix-là".

Lors de cette réunion associative, tous les participants ont appelé à suspendre la révision constitutionnelle sur le dégel du corps électoral à l’origine des émeutes des derniers jours.

Leur plus grand souhait : que la situation s’apaise au plus vite. 

(Avec Lara Dolan)

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