Jusqu'ici la Bretagne figurait parmi les tout derniers bastions en France du saumon atlantique. Mais voilà désormais ce poisson migrateur en voie de disparition, sur la liste rouge des espèces menacées.
Après l'anguille dans les années 90, le saumon est-il en voie de disparition ?
Depuis trois ans, les comptages du poisson migrateur révèlent une chute vertigineuse, et les pêcheurs amateurs sont très inquiets.
A la limite entre le sud Finistère et le Morbihan, la rivière l'Ellé était jusqu'ici réputée pour accueillir le quart des naissances en France. Mais depuis début mars, Alain et Pascal qui ont leurs habitudes sur ses berges n’ont pas encore aperçu la moindre silhouette de saumon.
"En 2015, disent-ils, il y en avait à foison. Aujourd'hui, il est à l'aube de sa disparition. C’est un poisson si présent dans notre univers depuis toujours, que ce qui se passe est infiniment triste."
Trois fois moins de saumons en trois ans
Il y a quelques années encore, la Bretagne faisait pourtant figure de berceau pour ces poissons sauvages. 10 000 spécimen remontaient chaque année les rivières bretonnes, pour s'y reproduire.
Mais comme pour l’anguille il y a 30 ans, les populations se sont brusquement raréfiées. Sur l’Aulne, l’Elorn, le Scorff où les passages sont répertoriés, on a noté en trois ans trois fois moins de saumons au printemps.
Lire : Une étrange maladie touche les saumons sauvages dans les rivières bretonnes
"Sur ces 3 stations de comptage, on recensait en moyenne en cumulé 2000 saumons entre 2008 et 2020", détaille Gaëlle Leprévost, directrice de l'Observatoire des poissons migrateurs en Bretagne. "En 2021, on est descendu à 1000. En 2023, à 600."
Le nombre de naissances est aujourd’hui au plus bas depuis 30 ans. Il y a de quoi s’inquiéter. Qui dit moins de naissances aujourd’hui dit moins d’adultes pour les prochaines années.
Gaëlle LeprévostDirectrice de l'Observatoire des poissons migrateurs en Bretagne
Le changement climatique et la pêche industrielle comme explications
Pour expliquer cette raréfaction, la directrice de l'Observatoire des poissons migrateurs en Bretagne évoque une altération des conditions de vie en mer.
"Il y a le changement climatique qui modifie les courants marins, les zones de croissance. Et la pêche minotière (captures transformées en farine) qui impacte la nourriture des saumons, ce qui les fragilise. En moyenne, un individu a perdu 500 grammes en 10 ans. C’est 10% de son poids. Les femelles arrivent plus petites dans nos rivières, elles ont moins d’œufs, la fécondité diminue".
La pêche industrielle en mer, "les captures de merlan bleu pour faire du surimi", c’est aussi ce que pointent du doigt les pêcheurs amateurs des bords de l'Ellé. "Le merlan bleu, c’est une des ressources dont se nourrit le saumon en mer."
"On aura beau faire tous les efforts possibles en eau douce, si on ne met pas les moyens en face pour limiter les quotas en mer, on court à la catastrophe", termine François Jossec, technicien de la Fédération de pêche du Morbihan.
Selon l'Observatoire des poissons migrateurs en Bretagne, "les indicateurs sont inquiétants. Aura-t-on encore du saumon sauvage dans les rivières bretonnes dans 20 ans, la question se pose".