Avec 36 millions de litres produits chaque année, la Bretagne est la première région du cidre en France, devant la Normandie et les Pays-de-la-Loire. Une première place qui ne doit pas faire oublier que ces vingt dernières années, la consommation de cidre a été divisée par deux. Pourquoi ce déclin ? C'est ce que nous avons cherché à comprendre.
À la cidrerie du Pays d’Auray, c’est la pleine saison des pommes. Yves Maho a créé son activité dans la ferme familiale il y a cinq ans. Une petite production artisanale et en agriculture biologique qui s’adresse à des connaisseurs et qui s’ancre dans un marché local.
Les ventes fluctuent en fonction des conditions météo, mais également de la fréquentation touristique. Si la consommation de cidre en Bretagne est souvent liée à la saisonnalité, elle est aussi impactée par le changement des habitudes de consommation. "La nouvelle génération va être plutôt sur la qualité, explique le producteur. Elle exige plus de saveur, elle est prête à mettre quelques euros de plus, mais ils vont acheter un peu moins".
Une tradition qui s'est perdue
Jusqu’au milieu du XXe siècle, les Bretons consommaient de l'alcool de pommes quotidiennement, et pas seulement avec les crêpes.
Puis, peu à peu, toute une génération, habituée au cidre de table, a disparu. En France, la consommation n’est plus que de 1,23 litre de cidre par an et par adulte, beaucoup moins que pour la bière et le vin. Avec le Covid et la fermeture des restaurants, les ventes se sont même effondrées. Pourtant, avec 36 millions de litres produits chaque année, la Bretagne est la première région du cidre en France, devant la Normandie et les Pays-de-la-Loire.
Kerisac, un poids lourd régional rattrapé par la crise
Kerisac est l’un des poids lourds de la production de cidre en Bretagne. En cette période, les pommes sont transformées en jus 24h sur 24, 6 jours sur 7. Environ 10 millions de bouteilles sont commercialisées tous les ans, principalement dans les crêperies et la grande distribution. Mais depuis la crise sanitaire, l'activité a chuté de 15 %.
"Le Covid a amené une sorte d'engouement sur le locavore, explique Laurent Guillet, directeur commercial de Kerisac, et arrière-petit-fils du fondateur de la cidrerie Pour nous qui sommes un "gros" régional, on a toujours plus local que soi. Alors c'est vrai qu'on s'est retrouvé à perdre des parts de marché, avec des cidriers qui étaient plus locaux que nous".
Avec 48 salariés, la cidrerie Kerisac reste une entreprise à taille humaine. Elle fête cette année ses 104 ans.
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Cibler les régions de grosse consommation
Elle fait partie de la coopérative normande Agrial, un géant du secteur, qui face à la crise a dû repenser son organisation.
"On a réduit notre force de vente, poursuit Laurent Guillet. On l'a concentrée sur les régions de consommation parce que si on prend la Bretagne, les Pays-de-la-Loire, la Normandie et Paris, c'est 75% de la consommation de cidre en France. Donc, on revient sur ce territoire-là pour retrouver des lettres de noblesse".
Pour changer d'image, l'interprofession a fait appel au chef Thierry Marx, comme ambassadeur, avec un objectif. Montrer que le cidre peut sortir des crêperies et séduire les cavistes. Cidre rosé, extra-brut, méthode champenoise ou autre.
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Les cidriers cherchent à innover en s’inspirant du succès des brasseurs
"L'esprit de la bière a secoué le cocotier du monde du cidre, reprend Yves Maho. Sur tous les nouveaux cidres qui vont être un peu plus typés, on va partir sur des étiquettes à part, pour se démarquer et pour interpeller le consommateur".
Si le cidre connait un coup de mou ces derniers temps, c’est donc d’abord en raison d'une vente trop dépendante des saisons et du tourisme, mais aussi parce que toute une génération de consommateurs traditionnels a disparu. La crise s’est accentuée avec la crise sanitaire, la baisse du pouvoir d’achat et la hausse des coûts de production.
Les producteurs de cidre tentent aujourd'hui de séduire une clientèle plus jeune en créant de nouveaux produits. À consommer bien sûr avec modération.
(Avec Nicolas Corbard)
