A trois jours de la présidentielle, direction le centre-Bretagne pour parler emploi. A Pontivy le taux de chômage est en dessous de la moyenne régionale (5,5% contre 5,8%). Ici, le problème réside dans les difficultés à recruter. Deux secteurs en pâtissent : l’agroalimentaire et la santé. Rencontre au cabinet Pondi infirmiers pour parler de leur quotidien.
Pour recruter des infirmières, elles ne font plus appel aux agences d’intérimaires et préfèrent compter sur le bouche à oreille ou les annonces postées sur Facebook. Caroline Le Mellec et Christelle Le Toux font partie de l'équipe dirigeante du cabinet Pondi infirmier à Pontivy, qui compte 12 infirmières. La première y exerce la fonction de cadre administrative, la seconde celle d'infirmière coordinatrice.
Le soin à domicile, ça use
Christelle Le TouxInfirmière coordinatrice
Ici, la pénurie de soignants est tellement considérable qu’elle menace la survie même de l’hôpital. Dans certains EHPAD des lits ferment faute de personnel : 30 à Kervenoael à Pontivy et 30 à la Rose des sables à Loudéac. "Il y a eu beaucoup de mouvement de personnels depuis l’année dernière, remarque Christelle Le Toux. Des arrêts pour raison médicale ou pour changer de métier en espérant un meilleur confort de vie. Le soin à domicile, ça use."
Alors pour faire face, elles anticipent et tentent déjà de recruter des futures diplômées de l’IFSI, l’école d’infirmières de Pontivy. Confrontée à ces débutantes certaines de trouver un emploi, Caroline Le Mellec raconte son étonnement : "Avant de commencer, elles demandent à prendre des vacances, je n’aurais jamais osé dire ça quand j’ai débuté. Tu y allais et c’est tout."
Manque de médecin
Faute de forces vives, le cabinet refuse des soins. Et ceux qu’elles soignent, c’est au pas de course. "Le centre-Bretagne n’intéresse pas, analyse Caroline. Les patients ne trouvent pas de médecins ou alors à 20/30 kilomètres."
"On a des patients qui ont trouvé un médecin de 71 ans, abonde Christelle. Il ne fait pas de visite à domicile évidement.
Parfois, on pleure pour avoir un médecin au téléphone.
Christelle Le TouxInfirmière coordinatrice à Pondi Infirmier
Lors de leur tournée au domicile des patients, les infirmières remplissent un rôle de vigie. Elles sont les premières à constater la dégradation d’un malade. Mais ne pouvant pas prescrire, elles doivent obtenir l’avis d’un médecin pour changer un traitement ou faire hospitaliser une personne.
"Parfois, on pleure pour avoir un médecin au téléphone", confesse Christelle. Et l’infirmière de raconter le cas de cette patiente de 80 ans que sa collègue a faite transporter à l’hôpital à midi par les pompiers et qui, à 18 h était de retour chez elle faute de lit au CHCB (Centre Hospitalier du Centre Bretagne).
"La dame ne tenait pas debout. De toute manière, quand on appelle l’hôpital, la première chose qu’on nous demande c’est l’âge du patient", fustige Christelle.
Des pathologies trop lourdes en soins à domicile
Les carences de l’hôpital rejaillissent sur le travail des infirmières de ville avec des pathologies trop lourdes pour des soins à domicile : une personne âgée restant deux jours chez elle avec un fracture du col du fémur, faute de place à l’hôpital. Une autre pour laquelle il aura fallu attendre un mois pour qu’une place se libère. "En attendant, on doit pallier tout ça", soupire Christelle.
"En même temps, à l’hôpital, les médecins font ce qu’ils peuvent. Ils ne peuvent pas inventer des lits qui n’existent pas, constate Caroline. "Je vois des familles qui pleurent parce qu’elles n’en peuvent plus d’avoir à s’occuper d’un patient très lourd à domicile, témoigne Christelle. Nous, on passe deux à trois fois par jour mais on n’est pas là en permanence.
Les solutions
Les solutions avancées par ces deux professionnelles : d’abord former plus de soignants. Ensuite revaloriser les salaires des infirmières et aides-soignantes.
Le Segur de la santé a augmenté de 183 €/mois le salaire des hospitaliers mais pas celui des infirmières de ville. "Le Segur impose à notre structure d’augmenter le salaire de nos infirmières salariées mais sans aucune aide, se désole Caroline. C’est un surcoût de 13 % sur notre budget."
S’il faut faire 40 minutes pour aller aux urgences, ce sera une catastrophe
Caroline et Christelle
Si les deux professionnelles approuvent ces augmentations de salaire, elles souhaitent des aides de l’Etat pour y faire face. "Certains centres de soins ne peuvent pas faire face à cette augmentation des salaires et risquent de fermer dans les mois à venir", s’alarme Christelle.
Toutes deux craignent la disparition du CHCB, centre hospitalier de Pontivy et Loudéac. "S’il faut faire 40 minutes pour aller aux urgences, ce sera une catastrophe."