Publiés ce jeudi 16 décembre, les chiffres du recensement agricole montrent une baisse du nombre des exploitations agricole, et un agrandissement progressif de la taille des fermes dans la région.
Le document est précieux, mais il ne réserve que peu de surprise. Les premiers résultats du recensement décennal de l'agriculture en Centre-Val de Loire viennent d'être dévoilés ce jeudi 16 décembre. Et comme à chaque bilan depuis 1970, celui-ci est marqué par une nouvelle baisse du nombre d'exploitations agricoles.
Il y a 50 ans, elles étaient près de 85 000 dans la région, et n'étaient plus que 25 000 en 2010. En 2020, leur nombre est passé juste sous la barre des 20 000, soit la disparition d'une ferme sur cinq en dix ans.
On s'était dit rendez-vous dans 10 ans
Des fins d'activités qui touchent plus certains secteurs que d'autres. Ainsi, les exploitations de polyculture et de polyélevage, et les élevages d'ovins et herbivores hors-bovins ont perdu plus d'un tiers de leurs fermes. Quantitativement, les grandes cultures sont les plus touchées avec 1 859 exploitations en moins, ce qui ne représente cependant qu'une baisse de 13% dans leur filière.
"Les raisons de la diminution de l'élevage sont multiples, comme la pénibilité du travail ou l'image telle qu'elle est véhiculée", analyse Bruno Locqueville, directeur de la direction régionale de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt (Draaf) du Centre-Val de Loire ce jeudi en conférence de presse. Et comment ne pas parler de la rémunération du travail des agriculteurs. "Dans l'élevage, on est dans une mauvaise dynamique depuis longtemps parce que les éleveurs n'arrivent plus à vivre de leur travail", explique un collaborateur de la FNSEA du Centre-Val de Loire, contacté par France 3. "Ce sont des banalités, mais pour que le nombre d'exploitations arrête de diminuer, il faut que les agriculteurs puissent vivre correctement."
Concentration des terres
Les terres des exploitations disparues ne s'évaporent cependant pas dans la nature. La surface agricole n'a diminué que de 1,2% depuis dix ans, avec des exploitations de plus en plus vastes. Une ferme est ainsi passée de 92 hectares en moyenne en 2010 à 115 hectares une décennie plus tard en Centre-Val de Loire. "Une bonne partie des cessations d'activité partent en agrandissement", note Bruno Locqueville.
Lui-aussi présent lors de la conférence de presse, le président de la chambre d'agriculture du Centre-Val de Loire, Philippe Noyau explique le phénomène :
Les exploitants sont obligés de s'agrandir pour avoir un revenu. Les prix agricoles étant plutôt stagnants, voire à la baisse, on diminue la charge du matériel à l'hectare en s'agrandissant.
Philippe Noyau, président de la chambre d'agriculture CVDL
Si bien que, pour rentabiliser le matériel dans lequel il a investi, l'agriculteur doit avoir plus de surface à exploiter. "C'est l'économie qui veut ça", note Olivier Chaloche, exploitant céréalier en Eure-et-Loir et membre du bureau de la fédération nationale d'agriculture biologique (FNAB). Depuis plusieurs années, il pointe du doigt les effets de la politique agricole commune (PAC) européenne, qui "rémunère la surface plutôt que les exploitants". Pour résumer : plus la ferme est vaste, plus elle touche de fonds européens.
À taille humaine
Olivier Chaloche rejette cette "politique qui pousse à la concentration des terres". "On essaye de travailler à avoir de la valeur ajoutée, pour avoir une meilleure rémunération du produit, et pour avoir des fermes à taille humaine", précise-t-il.
Des fermes à taille humaine, Bruno Locqueville assure que la région en a encore. La majorité des exploitations sont ainsi sous la barre des 100 hectares de surface, loin "du modèle américain où elles font 170 hectares", note le directeur de la Draaf. Mais avec 20 hectares de plus en moyenne depuis 2010, la tendance n'est pas rassurante. "Ce n'est pas le modèle qu'on encourage, et ce n'est pas le modèle que prévoit la prochaine PAC", plaide-t-il.
L'année 2022 devrait ainsi s'accompagner de débats ardus entre les états membres et la Commission européenne avant d'adouber un texte pour la période 2023-2027. La "Ferme France" devrait recevoir 9 milliards d'euros. Mais la première version a d'emblée été dénoncée par la filière bio. "On continue sur la même lancée", se désole Olivier Chaloche, redoutant que "les concentrations se poursuivent si on ne change pas de politique".
Le collaborateur de la FNSEA contacté par France 3 tente, de son côté, de souligner le positif, et pointe notamment du doigt la progression des labels de qualité. Les fermes bio sont ainsi trois fois plus représentées qu'il y a dix ans (7,8% du total), tandis qu'une exploitation sur huit est sous un signe de qualité ou d'origine.
De l'emploi près de chez soi
Cela démontre, selon lui, "une tendance de la société à vouloir consommer plus cher" pour, notamment, mieux rémunérer les paysans. Ce à quoi "les agriculteurs ont su répondre en s'adaptant". Parce que, "pour vouloir de l'emploi près de chez nous avec notre niveau de vie, il faut acheter plus cher".
Le nombre d'emplois dans le secteur agricole a d'ailleurs lui-aussi baissé depuis dix ans, avec la perte d'un équivalent temps plein sur dix en Centre-Val de Loire. Une diminution liée à la baisse du nombre d'exploitants (-21%), mais pas que. La mécanisation visant à rentabiliser au mieux les hectares des exploitations mène aussi à une baisse de recours à de la main d'œuvre. "On a diminué les charges les plus lourdes pour certains travaux les plus pénibles, note Philippe Noyau, président de la chambre d'agriculture. Pour beaucoup, c'est aussi un moyen de garder leur exploitation."
Le monde agricole mise sur cette baisse affichée de la pénibilité de leur travail pour séduire la nouvelle génération. Car, toujours selon le recensement 2020, plus d'un agriculteur sur cinq a 60 ans ou plus en Centre-Val de Loire. Si bien que le renouvèlement générationnel n'est plus seulement une bonne idée à préparer, mais une nécessité urgente.