Violences, burn-out et déceptions : les démissions s’accumulent chez les élus locaux

Les démissions d'élus locaux se multiplient dans la région et en particulier dans les petites communes. Si les statistiques sont rares à ce sujet, le département de l'Indre fait face à une impressionnante vague de départ depuis 2020. Comment l'expliquer ?

Et une démission de plus ! Le 11 janvier, le président des maires ruraux d'Indre-et-Loire, Bernard Gaultier a annoncé quitter son poste, "car la charge était trop lourde, ça devenait compliqué pour moi. C'est un gros investissement et je pouvais plus remplir ma mission pleinement", détaille-t-il à France 3. 

Le soir même -- mais pour des raisons bien différentes -- Wilfried Schwartz, l'ancien président de Tours Métropole a annoncé quitter toute fonction politique sur le plateau de France 3 Centre-Val de Loire.

Des élus locaux au bout du rouleau

L'actualité des démissions d'élus locaux n'en finit pas dans la région. Le lendemain, le 12 janvier, les candidats à l'élection partielle municipale de Saint-Jean-Le-Blanc, dans l'agglomération d'Orléans, prévue le 29 janvier prochain, ont déposé leur candidature en préfecture. Cette nouvelle élection fait suite à la démission collective des deux tiers du conseil municipal après des désaccords avec la maire actuelle, Françoise Grivotet.

Et Saint-Jean-le-Blanc n'est pas une exception : à Chailles, dans le Loir-et-Cher, à Saint-Benoît-du-Sault dans l’Indre ou encore à Yermenonville dans l’Eure-et-Loir, les citoyens vont être appelés à revoter en 2023 suite à des démissions de maires ou de conseillers municipaux.

250 démissions depuis juin 2020 dans l'Indre

Les élus ont-ils le moral en berne ? Dans le département de l'Indre, c'est ce que les statistiques tendent à dire. Selon les chiffres que nous a transmis la préfecture, 250 élus locaux ont démissionné depuis les élections de juin 2020.  "Soit déjà presque autant que sur la totalité de la mandature précédente", notaient nos confrères de la Nouvelle République, le 12 octobre 2022. 

Une accélération vertigineuse qui touche, dans l'Indre, trois fois plus les élus des communes de moins de 1000 habitants (145 contre 56 pour plus de 1000 habitants). Selon l’avis du politologue et directeur de recherche au CNRS Romain Pasquier, ces démissions s’expliquent notamment par les missions rébarbatives des élus et "les déceptions" face aux "réalités" de la fonction. "C’est un phénomène qui n’est pas nouveau et classique d’une démocratie représentative territoriale", tempère-t-il. 

Les guerres de clocher et les failles réglementaires

Comme à Saint-Jean-Le-Blanc, il n’est pas rare que des conseils municipaux éclatent sur fond de désaccord politique. La destitution d’un maire n’étant pas possible en France, seules une démission massive (un tiers des membres) des élus ou la décision d’un préfet (très rare) permettent la dissolution du conseil municipal et l’organisation d’élections législatives partielles.

"Démissionner c’est une décision difficile et douloureuse", explique Thierry Charpentier, ancien premier adjoint frondeur à Saint-Jean-le-Blanc et désormais candidat à l'élection municipale partielle. Pour lui, la réglementation devrait évoluer.

On pourrait imaginer une règle qui dirait que si un maire n’a plus ses décisions appliquées trois fois d’affilées par exemple, alors il aurait obligation de démissionner

Thierry Charpentier, ancien premier adjoint à Saint-Jean-le-Blanc

Un point de vue que partageraient sans aucun doute les conseillers municipaux du petit village de Bonneuil, 80 habitants, dans l’Indre. Les sept conseillers veulent tous le départ du maire de la commune après deux années de désaccord ayant abouti à une bagarre et à des plaintes en justice.  Personne ne souhaitant démissionner, la situation est au point mort.

changement du rapport des citoyens à la vie locale : «Il y a plus de mobilité qu’auparavant avec des personnes moins ancrées dans leur territoire. La société s’est également individualisée. Cela favorise ce qu’on appelle les guerres de clochers ».

Violences et impuissance

Plus que les démissions collectives, les maires ou conseillers qui jettent l’éponge sont également légion. Par exemple, dans l’Indre, entre 2020 et 2022, dix maires ont démissionné selon les chiffres de la préfecture, soit 4% des édiles.

Un pourcentage légèrement supérieur à la moyenne nationale (3%), calculée par La Gazette des Communes, en novembre 2022 .  "Élu local, c’est une fonction chronophage, surtout dans les petites communes", constate Romain Pasquier.

Les démissions arrivent souvent à mi-mandat. Le maire d’une petite commune par exemple n’a pas beaucoup de pouvoir. Il y a donc souvent des déceptions.

Romain Pasquier, politologue

À cela s’ajoutent des relations qui se tendent entre élus et administrés : "Ils sont la cible de toutes les récriminations", poursuit le politologue. Pire encore, les incivilités et les agressions contre les élus sont en hausse entre 2021 et 2022 avec près de 1200 victimes.

Et ce n'est pas Bernard Gaultier, le président des maires ruraux d'Indre-et-Loire démissionnaire qui dira le contraire. L'homme est également maire de Perrusson, commune rurale du sud-Touraine : "On doit en faire plus avec de moins en moins de moyens", explique-t-il, citant comme exemple la perte de la Dotation globale de fonctionnement (DGF). "C'est 100 000 euros de moins dans les caisses depuis 2013. Ajoutez à cela les demandes de plus en plus complexes de l'administration et notre autonomie qui est de plus en plus bridée". 

Un ensemble d'éléments qui semblent toucher tous les maires de France. Selon un sondage Ifop, plus d'un maire sur deux (55 %) ne souhaite pas se représenter à la fin de son mandat en 2026. Un record en vingt un an, selon l'institut de sondage.

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