La signature d'une nouvelle délégation de service public au gestionnaire Edeis impose à l'aéroport de Tours une double contrainte : il devra relever son objectif de passagers tout en recevant moins de subventions. Mais pour ses opposants, c'est toujours trop.
L'aéroport de Tours volera-t-il un jour de ses propres ailes ? La manne d'argent public qui alimente les lignes exploitées par Ryanair, en tout cas, ne semble pas devoir se tarir de si tôt.
En effet, les élus du Syndicat mixte pour l'aménagement et le développement de l'aéroport international de Tours (Smadait) ont décidé, à la mi-septembre, de continuer de confier l'exploitation de l'infrastructure à Edeis, via une délégation de service public, jusqu'en 2035.
Moins de subventions, mais un objectif relevé
Mais, comme l'explique France Bleu Touraine, cela se fera à deux conditions : d'abord, une réduction des subventions, qui vont se maintenir à deux millions et demi d'euros pendant deux ans avant de baisser progressivement jusqu'à atteindre 600 000 euros en 2035. Ensuite, l'objectif du nombre de passagers a été sensiblement relevé. De 180 000 voyageurs en 2019, il devra passer à 326 900 dans 12 ans, soit près du double.
Faire plus avec moins d'argent public risque cependant de se révéler une gageure pour cet aéroport biberonné d'argent public. Dans son rapport du 7 juillet 2022, issu d'une longue enquête, la Chambre régionale des comptes avait épinglé la gestion de l'infrastructure. Elle reproche en particulier à l'aéroport "un fort niveau de subventionnement" assurant au délégataire Edeis de distribuer des dividendes "alors même que l'exploitation réelle est déficitaire". Le tout pout "moins de 0,1% du trafic national de passagers commerciaux", au meilleur de sa forme, en 2019.
Quant au rayonnement économique sur la région, il reste toujours à démontrer : selon le rapport de la Chambre des comptes, l'aéroport est surtout un moyen pour les Tourangeaux de partir en vacances à bon marché, mais n'apporte pas de retombées touristiques comparables aux investissements publics consentis.
Le modèle Ryanair, un "contresens historique"
Jusqu'à cette année, plus de 3 millions d'euros, répartirs équitablement entre le département d'Indre-et-Loire, la région Centre-Val de Loire et Tours Métropole étaient versés chaque année à Edeis, et la majeure partie était à son tour empochée par la compagnie aérienne low-cost Ryanair, la seule à exploiter des lignes aériennes au départ de l'aéroport. Ce "modèle Ryanair", à l'œuvre dans plusieurs aéroports régionaux, est vertement critiqué, en particulier par les écologistes.
Joint par France 3, le maire EELV de Tours regrette ainsi le maintien des subventions à l'aéroport. "Je n'ai pas l'impression qu'on ait pris conscience de l'effondrement climatique en cours, et qui nécessite une remise en cause de ce modèle de transport aérien", regrette l'édile, qui avait démissionné de la présidence du Smadait après sa tentative avortée de réduire les subventions de Tours Métropole accordées à certaines lignes de Ryanair. "On est dans un contresens de l'histoire."
Faut-il pour autant abandonner cette infrastructure ? Certainement pas : "Cet aéroport doit être maintenu, notamment pour les navettes sanitaires. La sécurité civile pourrait aussi s'appuyer dessus, notamment vis-à-vis du risque incendie qui va augmenter dans les prochaines années. Et il y a aussi la piste du tourisme d'affaires."
On doit pouvoir continuer de prendre l'avion, mais il faut sortir de ce modèle low-cost délétère socialement et pour le climat
Emmanuel Denis, maire EELV de Tours
En outre, la compagnie Ryanair avait été critiquée pour ses pratiques vis-à-vis de ses équipages, ou des libertés prises avec le droit fiscal.
De nouvelles lignes low-cost
Le défi d'Edeis sera donc d'augmenter le nombre de lignes aériennes et de les diversifier. Or, dans les conditions actuelles, le "contresens historique" dénoncé par le maire de Tours risque de se poursuivre. Dans une interview donnée à France Bleu, Bruno Fenet, conseiller départemental LR, confie que cette diversification viendra "évidemment des compagnies low-cost. Air France ne viendra pas à Tours".
Un défi d'autant plus compliqué qu'après des années de régime d'exception, le couperet fiscal pourrait bien tomber sur le secteur du transport aérien. Invité sur Franceinfo le 20 septembre, le ministre des Transports Clément Beaune a évoqué la possibilité d'une taxe "encore en discussion" sur le transport aérien, afin de financer la transition écologique et de renforcer le transport ferroviaire.
Dans cette optique, "il y aura une contribution fiscale, financière, des secteurs les plus polluants", en particulier le secteur autoroutier et le secteur aérien, à hauteur de "plusieurs centaines de millions" d'euros. Parmi les options : la taxation sur les aéroports ou une taxe sur les billets d'avion, avec des exceptions pour la Corse et des Outremers dans un souci de continuité territoriale, explique le ministre. L'aéroport de Tours n'étant déjà pas rentable sans perfusion d'argent public, la question se posera donc de sa compétitivité en cas de pression fiscale supplémentaire.