Depuis quelques années, la campagne et la nature, comme celles qu'on peut admirer en Touraine ou en Sologne, inspirent les créateurs de jeux vidéo de toute sorte. Une tendance encore renforcée par le confinement.
Des vallons à perte de vue, des façades de tuffeau réhaussées de briques : on se croirait en Touraine ou au coeur de la Sologne. Et pour cause, Country Home s'inspire en grande partie de la campagne autour de Loches, dont est originaire sa créatrice Héline Mardelle. "On a une vieille maison familiale à Loché-sur-Indrois", se souvient-elle. La vieille bâtisse de pierre blanche typique de la région, avec ses souvenirs et ses jeux d'enfants, est devenue le point de départ de son jeu encore en développement. "C'est un espace propice aux jeux imaginaires, à l'exploration."
Comme elle, loin des super-productions, beaucoup de créateurs de jeux vidéo font de la nature et de la campagne une toile de fond et une source d'inspiration. Cédric Babouche, le fondateur d'Un Je Ne Sais Quoi et créateur du jeu Dordogne, l'a également constaté. "Je crois que les gens, de plus en plus, ont envie de jouer à des oeuvres qui racontent quelque chose, ils veulent faire autre chose que de se tirer dessus", explique-t-il. L'espace offert par la nature offre des opportunités de gameplay sans limite. Et depuis le premier confinement, cette tendance de fond ne se dément pas.
Le bonheur est dans le play
Les professionnels du jeu vidéo voient aussi ce retour à la nature comme un refus des contraintes des grandes structures de l'industrie vidéoludique. Les créateurs du studio La Poule Noire, à l'origine de Edgar : Bokbok in Boulzac et d'une future adaptation du roman de Boris Vian Et on tuera tous les affreux ont aussi vécu ce rejet, ce désir de retour aux sources.
"On vient tous et toutes de petits bleds de moins de 3000 habitants", raconte David Duriot, le chef de projet de La Poule Noire. "L'un vient des Ardennes, une autre du fin fond du Finistère, moi je suis du Gard..." Et après plusieurs années passées dans de très grosses entreprises comme Ubisoft, il déplore "une vraie fatigue morale à travailler pour des grands studios, où on ne se sent pas à sa place, où on ne voit pas trop le sens de ce qu'on fait". D'abord basés dans la Creuse, puis relocalisés à Angoulême, David et les autres membres de La Poule Noire vivent désormais de leur passion : faire rigoler à travers le jeu vidéo.
"Il y a de plus en plus dans le jeu vidéo une envie de se recentrer sur l'humain", estime Cédric Babouche, le créateur de Dordogne, "et ça se ressent." De fait, plusieurs de ces jeux mettent en scène un protagoniste comme celui de Stardew Valley (2016), qui fuit le stress du travail en ville pour s'occuper du lopin de terre dont il vient d'hériter. Celui d'Animal Crossing, le jeu vidéo le plus vendu en France en 2020, passe quant à lui son temps à essayer de s'intégrer dans un village en rendant divers services aux habitants.
Nous vous proposons donc de retrouver ci-dessous une liste de six jeux, chinés avec amour, disponibles en français et classés sans aucun ordre. Il y en a forcément un pour vous.
Stardew Valley : retour à la terre
Au début de ce jeu de rôle et de gestion en 2D publié en 2016, le personnage que vous incarnez hérite d'un terrain et d'une petite maison qui appartenaient à votre grand-père dans la petite ville de Stardew Valley. Fuyant la routine et l'angoisse quotidienne du travail en ville, vous décidez de vous y installer et de la remettre à neuf. Après avoir débarrassé le terrain des rochers, des souches et des mauvaises herbes, vous pourrez redémarrer la ferme familiale, élever du bétail et générer un petit pécule. Au fil de l'aventure, le joueur pourra aussi développer des relations amicales, voire amoureuses avec les habitants du coin, qui peuvent même déboucher sur un mariage. Il y a quelque chose de magique à transormer au rythme des saisons une bâtisse délabrée dans un terrain pourri en une charmante fermette pleine de vie.
Farming Simulator 19 : l'agriculture à l'ère du capitalisme tardif
Loin de l'ambiance apaisée de Stardew Valley, la série des Farming Simulator vous met dans la peau d'un agriculteur avec tout ce que cela implique. Fini les petits jardinets proprets, place aux gros tracteurs qui roulent sur les hérissons ! Vous voulez vous lancer dans les céréales ? Louez de quoi labourer votre champ et une moissonneuse, et prêtez attention au prix du grain. Votre voisin s'est lancé dans un cheptel de vaches ? Vous pouvez coopérer pour procéder à l'ensilage de vos récoltes afin de produire de l'aliment pour les bovins. Sorti en 2018, le dernier opus Farming Simulator 19 peut ressembler à un jeu de niche, mais il a tout de même été vendu à 2 millions d'exemplaires lors de sa première année d'exploitation, et a su fédérer une vaste communauté de joueurs et de moddeurs, jusque parmi les futurs professionnels du secteur.
The Stillness of the Wind : la vie, la mort, le vent, les chèvres
"Un jeu paisible sur la vie et le deuil", selon ses développeurs, The Stillness of the Wind vous met dans la peau de Talma. Les uns après les autres, les habitants du village et la famille de Talma sont partis pour la ville : il ne reste plus qu'elle. Alors que sa vie touche à sa fin, elle conserve un mode de vie simple et solitaire, s’occupant de sa maison, de son terrain, de ses poules et de ses chèvres. Contemplatif et minimaliste, The Stillness of the Wind est un jeu lent, très lent, mais aussi poétique. Les seuls contacts de Talma avec l'extérieur sont les lettres qu'elle reçoit de sa famille et le passage régulier d'un marchand. Mais dans le calme apparent, une tempête se prépare.
Edgar : Bokbok in Boulzac : elle est où la poulette ?
Puisqu'il faut bien se remonter le moral après The Stillness of the Wind, passons à un jeu d'enquête déjanté qui se déroule quelque part entre l'Indre et le Berry limousin. Dans Bokbok in Boulzac, (on vous en parlait ici) le joueur suit Edgar et sa fidèle Pépette d'énigme en énigme dans le village de Boulzac, où il se passe des choses bien étranges. Au-delà des énigmes sans réelles difficultés, le jeu nous réserve des dialogues tricotés avec amour et une galerie de personnages plus loufoques les uns que les autres, depuis le maire sans scrupules jusqu'à la sympathique retraitée "miss Boulzac 1868" mais qui touche un peu à Fifa, en passant par l'alcoolique local qui pêche à la dynamite et spécialiste de la "la chasse au sanglier à coup de pare-buffles" et l'ancien coiffeur devenu guérillero. Attention cependant : "Prendre le melon c'est facile, mais une courge ça se mérite."
Botanicula : cherchez la petite bête
Créé en 2012 par le collectif tchèque Amanita Design, Botanicula zoome sur le monde qui se déploie dans nos jardins et nos prairies. Dans ce petit jeu d'aventure, cinq créatures sylvestres fuient leur arbre natal pour sauver sa dernière graine face à une invasion de parasites. Merci le réchauffement climatique. Les cinq personnages contrôlés par le joueur devront mettre à profit leurs capacités uniques et les objets trouvés dans l'environnement afin d'accomplir leur quête, qui se boucle en moins d'une heure. Rempli d'humour et porté par une direction artistique originale et extrêmement mignonne, Botanicula a été primé pour sa bande originale et son environnement sonore.
Firewatch : promenons-nous dans les bois
Une des grandes tendances des années 2010, c'était les walking simulators ou "simulateurs de promenade". Loin d'être réellement des simulateurs, ces jeux se basent sur l'exploration à la première personne d'un environnement en 3D, et bien souvent la narration est assurée par le biais de cet environnement lui-même, comme dans What Remains of Edith Finch, ou Gone Home. Dans Firewatch, vous incarnez Henry, dont l'histoire se déroule en 1989. Tourmenté par son passé et son alcoolisme, Henry a tout plaqué pour prendre un job de garde forestier au coeur des étendues sauvages du Wyioming, où il est chargé de surveiller les éventuels feux de forêt. Évidemment, un beau jour, quelque chose va de travers, et vous devrez user la semelle de vos rangers pour vous sortir de cette mauvaise passe, avec comme seul lien avec le monde votre talkie-walkie.
Bonus : A Short Hike
Le but de A Short Hike, sorti en 2019, est simple : se rendre en haut de la montagne, parce que c'est le seul endroit de l'île où votre portable capte. Sur le chemin, les habitants de l'île vous donneront un coup de main, un conseil, ou juste une petite ligne de dialogue. Court et poétique, il se boucle en moins d'une heure mais on a envie de s'y attarder pour l'atmosphère sereine. Rien que pour sa fin, qui touche droit au coeur, et son ambiance sonore, cette courte randonnée virtuelle vaut la peine.