Depuis janvier 2022, plusieurs maisons de la rue de Bourgogne, à Orléans, ont dû être évacuées après l'apparition de fissures sur les façades. Deux bâtiments, placés sous surveillance renforcée, risquent de s'effondrer de façon imminente.
Grande artère commerciale du centre d'Orléans, la rue de Bourgogne suscite l'inquiétude depuis maintenant un an. En cause, des fissures observées sur plusieurs de ses bâtiments. Les ennuis ont commencé en janvier 2022, lorsque d'imposantes craquelures ont fait irruption sur la façade des numéros 19 et 21 de la rue.
Leurs occupants, alors évacués, ne pourront jamais regagner leur domicile. "L'état de catastrophe naturelle a été reconnu, ces deux maisons risquent à tout moment de s'effondrer", rappelle Béatrice Barruel, adjointe au maire d'Orléans en charge de l'urbanisme. Actuellement sous étroite surveillance, les deux habitations devraient être démolies au printemps.
Le 31 octobre 2022, ce sont les habitants des numéros 77 et 79 qui avaient été sommés de quitter les lieux, après un affaissement de la chaussée. À peine une semaine plus tard, les occupants des 81 et 83 subissaient le même sort.
Plusieurs facteurs potentiellement en cause
Mais comment expliquer cette série noire ? Plusieurs facteurs peuvent affecter la stabilité d'une structure, à commencer par la nature des sols et sous-sols. "Dans l'Orléanais, le sol et le sous-sol sont particuliers à plusieurs titres", pose Gildas Noury, ingénieur chercheur au Bureau des recherches géologiques et minières (BRGM), dont les services sont intervenus en janvier 2022 sur le sinistre des numéros 19 et 21, en appui aux services de la Ville.
Le substrat rocheux présente à certains endroits des faiblesses naturelles, liées à une altération de la roche faite sur des temps très longs. La constitution de la roche en elle-même, du calcaire constitué de carbonate de calcium, se dissout et se transforme très lentement, jusqu'à être parfois peu résistante
Gildas NouryFrance 3 Centre-Val de Loire
À ces faiblesses s’ajoute une certaine sensibilité des sols de surface à l'eau : les vieux remblais qui y sont présents peuvent par exemple s'écouler en cas d’apport massif d’eau.
La présence de celle-ci peut être liée "à des écoulements superficiels", ou encore à l'influence des nappes phréatiques. En ce qui concerne les numéros 19 et 21, "il y a eu un mouvement de terrain dans les sous-sols, ce qui a amené une sorte de petite cavité à se créer. Certains tuyaux d'eau ont donc cassé, et cela a provoqué un ruissellement", détaille le maire d'Orléans Serge Grouard.
Ces paramètres liés aux sols se conjuguent parfois avec des défauts présentés par l'édifice en lui-même. "Les informations retenues pour le moment, pour les deux maisons sinistrées rue de Bourgogne, c'est une conjonction d'évènements et de situations, des faiblesses dans le sol et de vraisemblables anciens défauts de construction", résume Gildas Noury.
Les cavités souterraines sous surveillance
Mais quid des cavités souterraines, qui valent au sous-sol orléanais d'être régulièrement qualifié de "gruyère" ? Selon le maire de la Ville, celles-ci ne sont, en l'occurrence, pas en cause. "Effectivement, globalement y a plusieurs raisons qui peuvent expliquer ces problèmes, mais ce n'est pas ce qui se passe pour la rue de Bourgogne, il n'y a pas ces grandes carrières."
La Ville recense ces galeries massivement présentes sur son territoire. Certaines sont naturelles, mais une partie ont été creusées "par nos ancêtres, car ils ont été chercher des blocs de pierre dans les sous-sols pour construire la ville", retrace Serge Grouard. "On travaille avec le BRGM pour les connaitre le mieux possible, faire un état des lieux. Effectivement, il peut y avoir des fragilités à ces endroits là. Quand on le sait, on les conforte", avance l'adjointe à l'urbanisme, Béatrice Barruel.
Le rôle des intempéries "loin d'être exclu"
Un autre point d'interrogation demeure autour du rôle éventuel du dérèglement climatique. "On ne peut pas apporter une réponse formelle, car c'est très compliqué à mesurer, mais les épisodes de sècheresse et de pluie font que les sous-sols se gonflent. Le rôle des intempéries n’est pas démontré mais il est loin d’être exclu", explique Serge Grouard.
Pour résumer, une multiplicité de paramètres ont pu favoriser ces fragilités, et les différents incidents survenus dans cette même rue n'ont pas nécessairement les mêmes origines. Il n'est donc pas impossible que ce type d'évènement se reproduise à d'autres endroits de la commune.
"Ce n'est pas pour autant qu’on s’empêche de construire dans l’Orléanais, il y a des techniques qui permettent de surmonter ces faiblesses là, un bâtiment peut par exemple être renforcé au niveau de ses fondations pour être plus résistant"
Gildas NouryFrance 3 Centre-Val de Loire
"Le message à faire passer à la population, c'est de regarder si des fissures apparaissent sur leurs biens. C'est à ce moment là qu’il faut se poser des questions, et souvent faire intervenir une expertise, car les causes et conséquences sont complexes. C'est seulement à l'issue d'un tel travail qu'on pourra envisager des travaux de confortement", poursuit l'ingénieur.
La police mobilisée
Les numéros 19 et 21 de la rue de Bourgogne sont surveillés nuit et jour pour contrôler l'évolution de la situation. Les travaux de confortement devraient commencer à partir du 16 janvier. "Il y aura un gros boulot d'inspection des réseaux, puis de consolidation de la chaussée", indique Béatrice Barruel. La présence de la police municipale a aussi été renforcée aux abords des lieux pour éviter les risques d'intrusion, et une partie de la voie est entièrement fermée à la circulation.