Témoignage. "C'est compliqué de bien manger alors que tout augmente", les étudiants toujours en souffrance face à l'inflation

Publié le Mis à jour le Écrit par Camille Verkest
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Face à l'inflation, les difficultés n'en finissent plus pour les étudiants. Aux universités de Tours et d'Orléans, les liens avec les associations locales se sont renforcées pour une assistance plus efficace.

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Les études supérieures tournent au vinaigre pour de plus en plus d'étudiants. Touchés de plein fouet par l'inflation (+4,9% en 2023), de plus en plus se restreignent au niveau alimentaire jusqu'à sauter des repas. C'est ce que révèle une étude de la Fage, la Fédération des associations générales étudiantes, indiquant que 20% des étudiants ne mangent pas à leur faim. Le mal touche aussi bien les boursiers que non boursiers, ce sont respectivement 28% et 16% qui ne mangent pas à leur faim.

"C'est compliqué de bien manger alors que tout augmente"

Interrogés sur le campus d'Orléans-la-Source, les étudiants ne semblent pas vraiment étonnés des chiffres révélés par l'enquête. "On n'est pas encore dans ce cas-là. Mais on grignote, on se fabrique des repas, on mange mal. C'est compliqué de bien manger alors que tout augmente", argumente Eliana, étudiante en L1 de sciences. L'inflation ? "On la subit bien", répondent ironiquement Sophya, Eliana et Émilie. À Tours, Mathilde, 23 ans, étudiante en sociologie-anthropologie, partage le même avis. "Ce n'est pas étonnant", nous confie-t-elle

Je ne prends jamais de petits-déjeuners, j'ai même perdu l'habitude d'en prendre.

Mathilde, 23 ans, étudiante

"On se prive beaucoup de plaisirs, de sortir avec des amis, on serre la ceinture"

L'alimentaire apparaît comme la variable d'ajustement dans le budget des étudiants. Entre le loyer, les charges, les abonnements, l'étau se resserre pour bien se nourrir. Alors "on fait l'impasse sur le poisson ou la viande rouge. S'il n'y a pas de promo, on ne prend pas", avouent les trois amies. "C'est quasiment impossible de manger cinq fruits et légumes par jour", ajoute Mathilde.

Face à cela, les facultés de Tours et d'Orléans se mobilisent. À Tours, l'université est en partenariat avec neuf associations locales venant en aide aux jeunes en difficultés financières. De la distribution alimentaire aux épiceries solidaires, le nombre de demandeurs grimpe en flèche. On pointe notamment la problématique d'accès aux Restaurants universitaires avec des files d'attentes parfois interminables et le peu de restaurants ouverts le soir.

"Les étudiants peuvent emporter leur repas du soir dès le midi, mais ça ne marche pas tellement, on réfléchit avec le CROUS à d'autres systèmes… C'est compliqué pour un étudiant de se trimballer son repas du soir toute l'après-midi pendant ses cours", analyse Nicolas Oppenchaim, vice-président en charge de l'accompagnement social des étudiants. Des repas du soir insuffisants pour Émilie, étudiante en L3 de sciences du langage à Orléans : "Les repas du soir sont tout petits, ça ne nourrit même pas une personne, ça ressemble à des repas d'enfants".

À l'université d'Orléans, l'Aide, l'Accompagnement individualisé des étudiants, recueille toutes les demandes des étudiants en difficulté, peu importe le sujet. Et depuis sa création en 2021, le nombre de sollicitations a explosé. 

On est passé de 170 sollicitations en septembre 2021 à 1064 en septembre 2023.

Axelle Ouvrard, coordinatrice du guichet de l'Aide de l'université d'Orléans.

Les épiceries solidaires en vogue

En parallèle, les services proposés pour répondre aux besoins des étudiants progressent, eux aussi. "On a une nette amélioration sur le campus d'Orléans avec l'ouverture d'Esope, l'épicerie solidaire étudiante depuis novembre 2022. C'est un dispositif qui accompagne fortement les étudiants en situation de précarité", assure Frédéric Moal, vice-président à la vie des campus à l'université d'Orléans. "C'est un vrai plus, les étudiants paient 10% du prix inscrit en supermarché pour ceux qui sont inscrits", ajoute-t-il. Tous les étudiants précaires y ont accès et les critères pour y accéder ont été revus à la hausse.

À Tours, Mathilde, toujours attachée à manger équilibré, salue la diversité des repas proposés aux distributions alimentaires, sans pour autant avoir encore passé le pas pour s'y rendre. "Je me suis toujours dit qu'il y avait pire que moi", mais au vu de l'inflation qui ne finit plus, elle prévoit de passer le pas. "Les associations font des paniers avec des maraîchers par exemple qui leur proposent des fruits un petit peu abîmés, je me verrais bien aller les prendre, aussi pour éviter qu'ils soient jetés", explique-t-elle.

Pour les repas à 1€, pour les boursiers et 3,30€ pour les non-boursiers du Crous, la problématique est similaire qu'à Tours et les files d'attente sont trop longues. En 2023, sur les 1 373 672 repas desservis aux étudiants par le Crous, 53% d'entre eux étaient des repas à 1€, soit 728 940, selon les chiffres fournis par le Crous. Preuve que les repas à un euro rencontrent un franc succès.

Je suis obligé de travailler à côté de mes études si je veux bien manger et faire des sorties.

Mathilde, 23 ans, étudiante à l'université de Tours

Des difficultés d'accès à l'alimentaire qu'il ne faut absolument pas dissocier des autres problématiques auxquelles font face les étudiants. Un grand nombre d'entre eux sont obligés de travailler en parallèle de leurs études, ce qui affecte leurs chances de réussir. "Ceux qui ont un job avec moins de 10h par semaine, ça augmente leur taux de réussite, car ils ont de meilleures conditions matérielles pour réussir leurs études. Au-dessus de 10h, le taux de réussite chute complètement parce qu'ils n'ont plus suffisamment de temps à consacrer aux études", explique Frédéric Moal.

Des aides dont certains étudiants ne veulent pas profiter, par déni ou tabou. "En général, je n'ose aller aux distributions alimentaires. Je préfère aller faire mes courses, il y a un tout un tas de démarches à faire, je ne sais pas comment ça se passe, autant faire simple", admet Yassine, 27 ans, étudiant en master pouvoir culturel et société. Pourtant, l'université d'Orléans met tout en œuvre pour communiquer efficacement et mis en place une application mobile récemment. 

Une réforme des bourses ? 

Pour répondre aux besoins des étudiants, une réforme des bourses était au programme du second quinquennat d'Emmanuel Macron."La piste la plus privilégiée par le gouvernement était celle de la réforme des bourses. Ça fait deux ans que cette réforme est promise et que l'on attend sa mise en place. Pour, à la fois, augmenter le montant des bourses, mais aussi lisser les effets de seuil", explique Nicolas Oppenchaim.

Quant à elle, l'allocation universelle d'études n'a pas été votée au sénat malgré une tribune signée par 14 présidents d'université dont celui d'Orléans.

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