Témoignages. Touchés par le VIH : « J'ai annoncé ma maladie à mes enfants avant de prévenir mes parents »

Publié le Écrit par Ambre Chauvanet

En 2012, elle apprenait sa maladie : le VIH. Annabelle*, la cinquantaine aujourd'hui, n'a jamais contracté le Sida. Elle raconte son quotidien de femme touchée par cette maladie. Elle accepte de parler, pour que la chaîne de la contamination se brise et que la parole se libère sur ce sujet encore tabou. Le Sidaction démarre aujourd'hui, vendredi 22 mars, pour s'achever dimanche 24 mars.

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Nous sommes vendredi 22 mars 2024. Pour Annabelle et son compagnon, Charles*, c'est un jour comme un autre. Ils savent pourtant, ils ont entendu à la radio : c'est le premier jour du Sidaction aujourd'hui. Eux vivent avec la maladie, le VIH, depuis 2012. 

Si elle accepte de parler aux journalistes de France 3 Centre-Val de Loire, aujourd'hui, c'est simplement parce qu'elle sait que son témoignage peut aider. Les femmes comme elle, les jeunes, filles et garçons, et les hommes comme Charles, aussi.

"J'avais des douleurs abdominales, on ne trouvait pas la cause, avec mon généraliste", se souvient Annabelle, Loirétaine depuis toujours. Son compagnon, Charles, est près d'elle. Il écoute ce récit qu'il connaît par cœur, bien que sa compagne en parle peu. 

Je n'ai pas cherché plus loin, je suis allée au laboratoire d'analyses.

Annabelle*, malade du VIH depuis 2012

Médicaments, examens, rien n'y fait, le médecin ne trouve pas. Jusqu'au test sanguin, une simple prise de sang. "Mon médecin m'avait prescrit une prise de sang, sans que je ne sache ce qu'elle allait tester", explique Annabelle.

Le jour des résultats, elle se présente au laboratoire sans s'attendre à ce que le professionnel va lui annoncer. "Le laborantin m'a demandé de faire le tour du comptoir et m'a emmenée dans une pièce pour me parler", raconte-t-elle. Le verdict tombe : le test révèle un VIH chez Annabelle. 

Elle sait, immédiatement, que la maladie lui vient de son mari. Elle ne le soupçonnait pas, mais, au fond d'elle, une petite voix lui avait sans doute soufflé que le père de ses enfants n'était pas sérieux et l'avait sans doute déja trompée.

J'ai été surprise, en colère. C'était caché. Mais il a fallu reprendre le dessus. Alors, j'ai appelé mon mari et je lui ai annoncé au téléphone, dans la voiture, en sortant du laboratoire. Et il a nié.

Annabelle, trompée par son mari pendant plusieurs années

Elle remercie son interlocuteur, avant de quitter le laboratoire, sans une certaine dignité : "Cela n'a pas dû être facile de m'annoncer une chose pareille". Sa vie prend un virage dont elle se souviendra toujours. Dans un premier temps, elle appelle son mari, qui nie les faits. 

Son ancien compagnon ira même, pour se laver de tout soupçon, par accuser sa femme. Elle a vécu plusieurs opérations en milieu hospitalier et pourrait avoir attrapé la maladie à ce moment-là. "Il m'a trompée pendant des années avec plusieurs partenaires différents, sans se protéger", résume Annabelle.

Un cancer dont elle ne se remet pas, à l'origine de la découverte du VIH

Auprès de sa famille, il met donc la faute sur sa femme. Ceci dit, Annabelle sait que les faits remontent à 2006. "Je l'ai appris en 2012 et j'avais été opérée dans les années 2010", poursuit-elle.

En réalité, c'est parce qu'elle ne parvenait pas à remonter la pente de son cancer que les examens ont été approfondis. Jusqu'à la mener à cette vérité.

Dans un premier temps, elle ne tient pas à alerter ses proches. Mère de deux enfants, elle tient d'abord à en savoir plus.  Elle gardera ce secret durant six mois, le temps de mener une batterie de tests supplémentaires. "J'en parle à mon grand frère, pour que quelqu'un soit au courant au cas où il faille prévenir les autres membres de la famille", poursuit Annabelle. 

Je voulais rester discrète. J'allais dans la pharmacie de l'hôpital où j'étais suivie, tout de suite après mon rendez-vous, pour ne pas me retrouver à devoir subir les regards des patients de maladies bégnines.

Annabelle, suivie pour un VIH depuis 2012

Son but ? Pouvoir répondre aux questions de ses proches, surtout de ses enfants, encore jeunes et en âge d'être en couple. "Je voulais savoir où j'en étais, pouvoir répondre aux questions, pouvoir les rassurer".

Pour que la maladie n'évolue pas et qu'elle ne contracte pas le Sida, elle commence son traitement. La fameuse trithérapie, démarrée en juillet 2012. Il faudra trois ou quatre essais différents avant de trouver le bon, la bonne association de molécules et le bon dosage.

Les effets secondaires seront présents, dans tous les cas. Des diarrhées intenses, des douleurs au niveau digestif, les désagréments l'empêchent d'avoir une vie ordinaire.

"J'ai toujours été sereine, je suis sérieuse et j'ai suivi scrupuleusement ce qui m'a été dit au niveau médical", indique Annabelle, qui ne relâche à aucun moment ses efforts.

Au départ, elle ne prend que deux comprimés, pour cette maladie. Son spécialiste la suivra tous les trois mois, en premier lieu, pour ajuster le dosage de ses médicaments et tester différentes molécules.

Au bout de six mois, les résultats des analyses plus poussées tombent. Grâce au sérieux d'Annabelle et à sa bonne réaction face au traitement, "cela se stabilise, mes défenses immunitaires remontent". À ce moment précis, elle n'est pourtant pas encore séparée et vit dans la même maison que son ex-mari.

En trois mois, j'avais appris qu'il avait rencontré quelqu'un, qu'il voulait vendre la maison et que j'étais malade.

Annabelle, porteuse d'un VIH stabilisé

Lui, son bourreau, poursuit sa vie, sans précaution particulière. Par l'un de ses enfants, Annabelle apprendra qu'il met même en danger la famille et les petits de sa nouvelle partenaire.

Elle profitera de la venue de cette dernière au domicile familial pour se confier. "Pour qu'elle puisse réagir, pour ses enfants et pour qu'ils se protègent", se justifie Annabelle.

De son côté, Annabelle a migré dans une chambre au sous-sol de sa maison pour ne plus vivre et dormir près de cet homme qui l'a condamnée. Elle développe d'autres maladies, dont la fibromylagie, qui se déclenche souvent après un grand choc émotionnel.

De la trithérapie à la bithérapie

Tension, diabète et autres soucis s'accumulent. Elle prend actuellement sept médicaments par jour. Son spécialiste lui prescrit un bilan tous les six mois, depuis 2016. Il a même réussi à réduire son traitement à une bithérapie. 

Passé les premiers chocs, quelques mois après cette découverte, elle fait son annonce à ses proches, maintenant rassurée par les analyses. Elle voit ses enfants réagir différement : l'un pleure, l'autre se réfugie dans le mutisme. Et elle annonce, seulement après, la maladie à ses parents.

Je lui ai pris la main et je l'ai mise sur mon cou, pour qu'il sente mes ganglions. Voilà, je suis malade et je lui ai annoncé qu'il s'agissait du VIH.

Annabelle, la cinquantaine

Quelques mois après cet événement, elle ressent le besoin de sortir de son quotidien, de se changer les idées. Lors d'un moment à l'extérieur de chez elle, un homme l'approche, lui montre un intérêt auquel elle ne pensait plus avoir droit. "Je m'étais faite à l'idée que j'allais finir seule, par sécurité".

Mais Charles n'est pas du genre à baisser les bras, surtout quand une petite voix intérieure le pousse vers Annabelle.

"Elle n'a pas tourné autour du pot", se rappelle Charles au sujet de l'annonce de la maladie. Depuis longtemps, cet homme très ouvert d'esprit s'était questionné sur l'éventualité d'une rencontre avec une personne gravement malade.

Je voulais que la chaîne se brise. Je m'étais faite à l'idée de finir ma vie célibataire.

Annabelle, victime du Sida

Leur histoire a commencé de cette façon. Quand on demande à Charles quel est son plus beau souvenir, dans cette relation, il n'hésite pas une seconde et répond : "notre rencontre"

"Quand je l'ai connue, j'ai fait en sorte d'apprendre ce qu'était cette maladie, comment elle se propageait, comment s'en protéger, pour elle et moi", explique Charles. Dans son entourage, personne ne sait qu'Annabelle est malade. Elle se déplace avec l'aide d'une canne en raison de sa fibromyalgie, parfois, et c'est tout. 

Personne ne le sait, dans mon entourage. Je ne voulais pas que cela crée des barrières.

Charles, l'actuel compagnon d'Annabelle

Au début de la relation, le couple utilise des préservatifs. Mais un accident survient et Charles doit se rendre à l'hôpital pour recevoir un traitement préventif. "Il a été malade aussi et a eu mes symptômes. Cela lui a permis de comprendre ce que j'endurais avec le traitement", raconte Annabelle.

Un seul accident. Parce que, si le traitement est bien suivi, la personne atteinte par le VIH finit par ne plus être contaminante. "J'avais été très en colère quand le médecin m'avait dit cela", indique Annabelle. Pour elle, cela la renvoie à l'homme qui l'a rendue malade. 

On n'en meurt plus, OK. Mais on meurt des conséquences !

Annabelle, aujourd'hui stabilisée par la bithérapie

"Il ne faut pas dire cela à un malade. Il va continuer à ne rien faire et la maladie va se propager !", prévient-elle. De son côté, elle sait qu'elle ne fera jamais prendre de risque à son entourage, son téléphone lui rappelle chaque jour qu'elle doit prendre ses médicaments matin et soir. 

Elle doit aussi faire attention à ne pas tomber malade, même d'un simple rhume, pour ne pas faire baisser ses défenses immunitaires. "Avec Charles, quand nous sommes malades, on ne s'embrasse pas, pour ne pas se contaminer", explique Annabelle. 

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En période de pandémie Covid, Annabelle a été très prudente. Autre désagrément quotidien, l'hypersensibilité sensorielle, liée à sa fibromyalgie sans doute. "Tout effleurement m'est insupportable", explique Annabelle. 

La seule personne qui peut la toucher sans douleur est Charles. Il est même régulièrement sollicité pour lui masser le dos, lequel devient vite douloureux après les longues journées. 

J'ai tout imaginé. Si son état s'aggrave ? Comment vais-je réagir ? Je sais que je suis enclin à accepter le problème. J'ai aménagé ma maison pour accueillir un fauteuil roulant, si besoin.

Charles, conjoint d'Annabelle

Aujourd'hui, Annabelle est heureuse. Elle vit chaque jour avec Charles et ils ont trouvé leur équilibre. "Je ne vais pas dire qu'on vit au jour le jour, mais il faut accepter cette donnée. Sinon, je serais parti", soutient Charles, de son côté. 

Annabelle a dû apprendre à accorder de nouveau sa confiance à un homme. Elle a aussi dû revoir son ex-mari. Charles était à ses côtés, à chaque fois. "Je voulais être présent pour la protéger. Je n'étais pas loin, prêt à intervenir", se souvient-il. 

La seule personne qui peut avoir de la colère, c'est elle. Moi, il m'a laissé indifférent, quand je l'ai vu.

Charles, la cinquantaine, vit avec une personne atteinte par le VIH

Charles, plus qu'elle, a besoin de vie sociale. Elle accepte en toute confiance qu'il voit ses amies. "Il ne faut pas mettre tous les hommes dans le même panier. On ne peut pas faire confiance à 100 % au départ. Ce sont les agissements, le comportement qui rassure et qui font qu'on finit par avoir confiance", résume Annabelle.

Si elle devait livrer un message aujourd'hui, à tous ceux qui liraient son témoignage, elle dirait ceci : "Surtout, faites très attention, faites des tests, cela existe en pharmacie maintenant. Et au moindre doute, il ne faut pas hésiter à se rendre en centre de dépistage".

*Les prénoms des témoins ont été modifiés, dans un souci d'anonymat.

Pour en savoir plus sur l'association Sidaction, sa mobilisation contre la maladie

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