Ils sont à la retraite, mais n’imaginent pas leur vie sans activité. Alors ils sont passés de la vie active à la vie bénévole. Association de préservation de la nature, de lutte contre la précarité ou contre l’isolement, les engagements sont très divers, mais tous ont un point commun : donner de son temps et donner un peu de soi-même. Ces retraités sont un maillon essentiel de la vie associative.
Ce mercredi matin, c’est jour de marché à Mareuil-sur-Arnon dans le Cher. Sur la place, le seul café du village ne désemplit pas. Derrière le comptoir de "Mon Cher Café", Philippe, Pierre et Nicole sont au service. La machine à café n’a pas le temps de refroidir, les expressos s’enchaînent. Un café tout ce qu’il y a de plus normal en somme. À la différence près que ces trois serveurs sont bénévoles.
Nicole Laroche a d’abord été agricultrice, puis assistante maternelle, avant de prendre une retraite tardive à l’âge de 68 ans. Bénévole de la première heure, c’est avant tout pour ne pas rester isolée que Nicole a eu envie de s’investir dans cette association : "Il fallait que j’arrive à 75 ans pour commencer derrière un bar ! Je ne savais pas me servir de la machine à café, servir une bière..." Nicole s’est vite prise au jeu et vient au moins une fois par semaine faire une permanence. "Je n’aurai pas de problème de jambes, je viendrai plus souvent. La première année, je suis beaucoup venue, maintenant je lève le pied... Car on est debout, on piétine beaucoup. Mais je pense que le jour où je ne viendrai plus du tout… Ça fera drôle !".
"Je ne voulais pas être à la retraite tranquille, peinard ! "
Dans la commune de 650 habitants, Mon Cher Café est devenu un maillon essentiel de la vie du village. Après cinq ans de fermeture, Laurent Bourré, Président de l’association et propriétaire des lieux, décide de redonner vie à ce lieu sous la forme d’une association. "Mon Cher Café c’est un lieu de vie, qui permet à chacun de venir discuter, prendre un café, ouvrir le journal, prendre des nouvelles de son voisin, un lieu de convivialité et de partage". Il poursuit : "Depuis un an et demi qu’on est ouvert, on voit bien que le besoin est là.
C’est l’ensemble des bénévoles qui font fonctionner le café, en particulier les retraités qui ont plus de temps pour s’impliquer et peuvent être présents tous les jours de la semaine. Ils représentent à peu près la moitié de l’équipe, ils sont indispensables au développement culturel et social de notre café, mais aussi de la vie du village.
Laurent Bourré, président de l'association "Mon Cher Café"
Tony est venu prendre un verre de rosé habite un village voisin et est un habitué du café. "C’est bien, parce qu’on n’a rien autour. Ici, c'est la campagne !". Pour le servir, Philippe Duguet, qui a pris sa retraite après une carrière dans l’entretien il y a trois ans, à 63 ans. "Je ne voulais pas être à la retraite tranquille, peinard ! Je voulais retourner dans la vie sociale, retrouver du monde, partager… La vie de retraité, c’est pas rester chez soi et s’écarter de la vie ! J’aime les gens. C’est tellement plaisant de jouer à l’épicier ! Mais on travaille aussi, de la gestion du bar, de la vaisselle, des commandes, mais c’est que du bonheur".
"Ça part de faire la caisse, servir les clients, faire le ménage après la fermeture, tout comme dans un café classique !" ajoute Pierre Hai, bénévole retraité à Mon Cher Café.
Des bénévoles retraités qui font vivre les villages… Et les quartiers
Dans les villes aussi, les retraités ont un rôle important à jouer avec le bénévolat. Au quartier de Val d’Auron à Bourges, un petit local s’anime tous les jeudis soirs. À l’intérieur, un amoncellement de vélos et d’outils. Mon Cher Vélo est une association de promotion du deux roues, qui propose notamment un atelier d’auto-réparation deux fois par semaine. Chacun peut y amener son vélo et être guidé dans la réparation par les bénévoles actifs, comme Georges Fernandes. À 50 ans, ce jeune retraité de l’armée voulait mettre son nouveau temps libre à profit, et mettre ses compétences à profit. Ce soir-là, Alan est venu prendre conseil auprès de Georges pour réparer les freins de son vélo vintage. "La mécanique vélo c’est pas sorcier ! Ça demande juste des outils spécifiques », détaille Georges. Il poursuit : « Pour être bénévole il faut être passionné, et moi c’est le vélo ! C’est satisfaisant quand vous avez quelqu’un qui vient, qui est content parce que vous l’avez aidé, que vous lui avez donné les moyens de faire lui-même… C’est cette solidarité et cette entraide qui m’ont poussé à m’engager".
Georges en a aussi profité pour acquérir de nouvelles compétences. "À la base, j'étais militaire infirmier donc rien à voir avec la comptabilité ! Ça permet d’acquérir de nouvelles expériences qui sont enrichissantes. Et c’est le fait d’être à la retraite qui me permet de dégager ce temps libre pour prendre de nouvelles responsabilités au sein de l’association". Comme Georges, de nombreux retraités sont membres des bureaux associatifs. En France, quatre présidents d’associations sur dix sont à la retraite. C’est le cas de Dominique Marc, Président du Relais Orléanais, association d’aide alimentaire aux plus démunis.
Le caritatif, premier secteur d'activité choisi par les bénévoles
Le caritatif arrive en tête des secteurs choisis par les bénévoles pour s’investir, y compris les retraités. C’est le choix qu’à fait Dominique Marc, à la retraite depuis maintenant quatre ans. Tous les lundis matin, Dominique est de permanence pour le repas du midi au Relais Orléanais. Dans cette association, plus de 250 repas sont servis pour le déjeuner aux personnes en situation précaire. La matinée est chargée et les missions diverses : trier la salade, réceptionner la livraison de denrées de la banque alimentaire, identifier les dates courtes à utiliser en priorité, éplucher et découper les agrumes pour la salade de fruits… Aux côtés de Dominique, une dizaine de bénévoles retraités s’activent. Dès 11h30, le service débute. Ce jour-là, beaucoup de familles avec enfants sont venues prendre un repas chaud.
Avant son départ en retraite, Dominique était cadre dans une société d’assurance. Plus habitué aux écrans d’ordinateur qu’aux couteaux de cuisine, il s’est pourtant rapidement tourné vers le bénévolat au Relais Orléanais. "Depuis que je suis à la retraite, je me mets à la cuisine !
Dans mon activité professionnelle, on était dans un environnement plutôt privilégié et c’est bien de se remettre les pieds sur terre. La population que l’on aide est en très grande précarité donc je donne de mon temps, de mon énergie, car j’avais envie de servir une belle cause.
Dominique Marc, Président du Relais Orléanais
"Au départ, je suis venue offrir mes deux mains pour éplucher, préparer, servir… les circonstances ont fait que je suis devenu Président depuis le mois de mai". Pour Dominique, cette nouvelle responsabilité en complément de son engagement de bénévole actif représente l’équivalent d’un mi-temps. "Entrer dans la gouvernance d’une association nécessite une grande implication : être en représentation, animer les commissions, les conseils d’administration, prendre des décisions en bureau ou en assemblée générale, etc."
Pour les associations, il est de plus en plus difficile de convaincre des bénévoles comme Dominique de prendre des responsabilités au sein du bureau. Et selon le Président du Relais Orléanais, la réforme des retraites pourrait être un frein de plus à cet engagement. "Il est clair que plus on vieillit et plus on se sera usé au niveau professionnel et moins on aura envie de s’investir et trouver de l’énergie pour le monde associatif. Car si l’âge de la retraite est fixé à 62 ans, en fonction des nombres de trimestres certains pourraient se retrouver à partir à 64 ans ou plus tard. Et là, on commence à rentrer dans des âges où les gens pourraient se dire que c’est fatiguant, contraignant, préfèreront profiter de leur temps libre autrement… Donc pour moi il y a un réel risque que cela impacte assez fortement le monde associatif".
Une étude de l’IFOP réalisée en 2022 démontre qu’une personne sur cinq n’envisage pas de donner de son temps bénévolement à l’avenir. Et se sont principalement les retraités de plus de 65 ans qui sont concernés par ce désengagement.
Les initiatives solidaires dans notre région
► "Enquêtes de Région" à voir sur France.tv.
Deux autres magazines sont à découvrir dans l'émission : Juliette Roché et Samuel Foucault sont allés à la rencontre de ceux et celles qui font vivre le tiers-lieu Carte Blanche, installé au Blanc dans l’Indre. Lieu de vie, d’échange et de lien social, Carte Blanche est né de la mobilisation contre la fermeture de la maternité en 2018. Après des mois de lutte, le collectif et les associations locales ont décidé d’investir l’ancienne maison médicale, face à l’hôpital. Corinne BIan Rosa et Samuel Foucault sont allés à Blois à ZUP de Co. Chaque année, 11 0000 jeunes sortent de l'école sans qualification. Les trois quarts d'entre eux vivent dans des quartiers populaires. Pour tenter d'éradiquer ce fléau, l'Association ZUP de Co et son fondateur, issu de la ZUP de Blois, développent un ingénieux dispositif gratuit d'aide aux devoirs aux enfants des cités.