Coronavirus : voilà pourquoi les Lamala vont continuer à envahir les tables d'Alsace pour Pâques

Confinement oblige, les familles ne pourront pas se regrouper pour fêter Pâques. Mais pas question pour autant de tirer un trait sur le fameux « Lamala », ce biscuit traditionnel en forme de petit agneau. Il est déjà en vente chez certains boulangers.

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C’est un rituel le jour de Pâques : la chasse aux œufs, avec ses nids en paille disposés sur plusieurs mètres à la ronde, derrière un poteau ou un muret dans la rue ou encore mieux, au milieu des branches d’un arbre du jardin. Tous les enfants de la famille qui gambadent à l’unisson, sur les traces du lapin, pour remplir leur panier de chocolats. Cette année, changement de décor : il faudra se faire à un Pâques confiné, en petit comité. Mais pas sans Lamala, surtout pas ! 
 


Qui dit rester chez soi ne veut pas dire déroger à toutes les traditions. Les boulangers en tout cas ont bien l’intention de ressortir leurs moules en terre cuite ou en métal pour préparer leurs biscuits en forme d'agneau.

Màcha’nech Lamala ? Vous allez faire des Lamala ?,
les clients de Daniel Raugel pendant sa tournée


« Lors des tournées dans les petites communes voisines, beaucoup de personnes âgées m’ont déjà interpellé et posé la question : « Màcha’nech Lamala ? Vous allez faire des Lamala ? », raconte Daniel Raugel, installé à Hessenheim, un petit village du Ried bas-rhinois. Je leur ai répondu que oui, bien sûr. Même si la période n’est pas favorable à la fête, je sais que les gens les attendent et que ça leur fera plaisir de manger un mouton. On est un dans un coin où ça compte encore beaucoup dans les villages. »
 

« C’est un incontournable »

Comme son père, son grand-père et son arrière-grand-père avant lui, il va préparer des « moutons » pour ses clients. Sans doute pas les 250 qu’il vend en temps normal. La moitié pour commencer, et plus… si affinités. C’est un moindre mal, car pour lui « Ça fait partie de la tradition, c’est un incontournable. »

A Obenheim, 30 kilomètres au sud de Strasbourg, Gérard Ludwig a même démarré la production dès un mois avant Pâques. Parce que contrairement à Noël où il est surchargé de travail, il adore cette période de l’année « qui marque l’arrivée du printemps » où il prend le temps de glisser patiemment la pâte dans chaque moule.
 

Et en ce moment de crise, il croit en le pouvoir guérisseur des petits agneaux : « D’Litt sen rechtig gstressiert, si han ke Moràl. Wunn ech d’erschta Lamala gmàcht hàb, ben ech e’s Gschaft ni un hàb’na si zaigt. S’hät en àlla Plàsier gmàcht. Les gens sont stressés, n’ont pas le moral en ce moment alors quand j’avais fait les premiers Lamala, je suis entré dans le magasin et je les ai présentés aux clients pour marquer le coup. Ça a détendu l’atmosphère. » 
 

« On continue parce que c’est Pâques, quand même »

Il est plus optimiste que David Perrin, le pâtissier de la boulangerie Biechel Frères à Hilsenheim. L’entreprise a aussi déjà sorti ses premiers biscuits du four, mais surtout pour prendre la température de la situation : « On va voir quelles sont les demandes et on va faire en fonction parce qu’il y a beaucoup d’incertitudes, on ne sait pas si les gens vont continuer à venir. C’est au jour le jour ». La boulangerie tourne au ralenti depuis plusieurs semaines. « Mais on continue malgré tout parce que c’est Pâques, quand même ! Et à Pâques, il faut des moutons ».
 

Gérard Ludwig, lui, prévoit de cuire entre 600 et 650 Lamala, soit environ 15 par jour. D’autant que depuis que le gouvernement a enjoint aux Français de rester chez eux, le chiffre d’affaire de son entreprise a augmenté de 20% : avec les enfants à la maison, ses clients achètent plus de pains et de viennoiseries et privilégient le commerce du coin au grand centre commercial.
 

D’Litt sen t’heim, metnànder, un d’Lamala esst mech ewa met der Kender. Les gens sont chez eux, en famille, et le Lamala se mange justement en famille.
Gérard Ludwig, boulanger à Obenheim


« Pâtisserie wara mech pràktisch kenni verkauifa will d’Litt net zàmmakumma fer fihra, àlso müe mech Lamala bàcha. D’Litt sen t’heim, metnànder, un d’Lamala esst mech ewa met der Kender. S’lauift emmer güet. On ne vendra déjà pas de pâtisseries cette année puisque les gens ne se retrouveront pas pour fêter, alors hors de question de ne pas faire, en plus, de Lamala. Ils sont chez eux, en famille, et le Lamala se mange justement en famille. C’est un produit qui marche très bien en général », insiste-t-il avec passion.
 

« Je recevais chaque année un Lamala de ma grand-mère »

Il a aussi déjà commencé à confectionner ses « Osterbrot » ou « Pains de Pâques », des brioches qui n’existent que dans quelques villages alsaciens, comme Obenheim ou Rhinau, à la boulangerie-pâtisserie LMK d’Amandine et Steve Eschrich. Ils disent que renoncer à préparer des Lamala « ne leur a pas traversé l’esprit. Impensable ».
 

« C’est quelque chose qu’on connaît depuis tout petit. Je recevais chaque année un Lamala et un chocolat de ma grand-mère à Pâques, se souvient Amandine, patronne et vendeuse. Ça a toujours été comme ça. Il faut que la vie continue, malgré tout ce qui se passe. J’imagine que des petites astuces vont se mettre en place : des grands-parents vont peut-être en acheter pour les déposer devant chez leurs petits-enfants, ou alors des enfants vont en poser devant la porte de leurs parents ».

Son mari, lui, apprécie son travail au laboratoire. Monter les blancs en neige, mélanger les jaunes au sucre, puis assembler le tout avec de la farine, rien de révolutionnaire, mais un plaisir très particulier quand même : « On ne fait ça qu’une fois dans l’année sur une période courte. C’est un moment à part. Ça change de la routine ». Un cadeau, aussi, à ses clients toujours fidèles au rendez-vous. Il mesure sa chance car plusieurs de ses amis boulangers installés à Strasbourg lui ont raconté que la clientèle a déserté. Trois ont même dû fermer leurs portes au centre-ville, mais « au village, c’est différent ».

Comme beaucoup de ses collègues, même à la campagne, il s’attend en revanche à vendre beaucoup moins de chocolats que d’habitude, la moitié tout au plus.
 

Daniel Raugel, à Hessenheim, a exposé des premiers lapins en boutique pour aiguiser les appétits. Il a pour l’heure surtout fabriqué de quoi honorer les commandes, mais refera des pièces selon la demande. Car « chaque enfant doit avoir son Lamala et son lapin le jour de Pâques ».
 
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