Vingt-six hôteliers se sont regroupés pour mener une action commune contre la plateforme de locations de meublés touristiques Airbnb. Ce jeudi 20 juin, ils ont assigné la multinationale en justice et lui réclament 9,2 millions d'euros en indemnisations des préjudices subis par le secteur de l'hôtellerie.
Cela fait des années que la tension monte en France et partout dans le monde, face au développement des locations des meublés de tourisme. De nombreuses communes prennent des mesures destinées à limiter la prolifération de ces logements et préserver l'habitat local et durable. Des habitants se mobilisent contre la plateforme. Ce jeudi 20 juin, c'est une première : 26 hôteliers français, dont trois alsaciens (situés à Strasbourg, Obernai et Kaysersberg), ont assigné Airbnb, numéro 1 des locations de meublés touristiques en France, en justice.
Les plaignants dénoncent une "concurrence déloyale", et une "communication agressive". Ils pointent une série de manquements : administratives (pas de numéro d'enregistrement dans les communes concernées), légales (pas de collecte ni de paiement de la taxe de séjour) ou réglementaires (non-suppression des annonces de plus de 120 jours pour les résidences principales).
Dans le groupe d'hôteliers, Véronique Siegel, gestionnaire de deux établissements, à Strasbourg et Kaysersberg, explique qu'Airbnb ne se soumet pas aux règles auxquelles il doit normalement se conformer : "en tant qu'éditeur, Airbnb est responsable des contenus qu’il diffuse. Ce n'est pas comme un simple hébergeur de contenus. Il doit par exemple vérifier que les loueurs sont bien propriétaires et non locataires de leur logement ou qu’ils ont l’autorisation de leur propriétaire."
26 hôteliers assignent en justice la plateforme Airbnb pour
— UMIH (@UMIH_France) June 20, 2024
concurrence déloyale et demandent des réparations financières @UMIH_France les soutient 💪💪 pic.twitter.com/afFJDYujKx
Pour les hôteliers, "ces agissements créent un préjudice et ils se retrouvent en concurrence directe avec un marché locatif qui ne respecte pas la réglementation" précise le communiqué publié par l'UMIH (l'Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie, qui soutient l'action du collectif, et dont Véronique Siegel assure la présidence pour le secteur hôtellerie).
Ils demandent que la plateforme se mette en conformité, retire les annonces litigieuses et réparent les préjudices individuels qu'ils ont subis, ce qui au total représenterait 9,2 millions d'euros.
On a des villes qui deviennent des parcs d'attraction à ciel ouvert, même les touristes ne veulent pas de ça !
Véronique SiegelPrésident de l'UMIH, branche hôtellerie
"Nous ne sommes pas contre les plateformes" précise cette dernière. "Mais les conséquences du non-respect de la loi française dépassent, aujourd’hui, la seule concurrence déloyale contre l’hôtellerie. La plateforme est en train de créer une dérégulation totale du marché locatif et amplifie la crise du logement que nous vivons", poursuit Véronique Siegel. "Nous ne pouvons même plus loger nos salariés, tout particulièrement les saisonniers dans ces zones ultra-touristiques."
Pour cette professionnelle du secteur, "certaines zones touristiques se désertifient en termes d’habitants. On ne dénonce pas une dame qui met en location la chambre de son fils parti faire des études. On dénonce la spéculation sur ce type de logements qui fait basculer des zones d’habitation en zones de logement commerciales. On a des villes qui deviennent des parcs d’attractions à ciel ouvert et à moyen terme, c'est très préjudiciable au tourisme. Les touristes non plus ne veulent pas ce genre de villes. Prenez Strasbourg un week-end de marché de Noël, on ne peut pas accueillir plus de touristes."
Airbnb n'exclut pas une contre-attaque en justice
"Cette assignation s'inscrit dans une longue série d'actions infructueuses intentées ces dernières années par des lobbies hôteliers", a répondu Airbnb dans une déclaration transmise à l'AFP. "Airbnb a permis à de nombreuses familles de gagner environ 3.800 euros en moyenne, et aux communes de percevoir 187 millions d'euros de taxe de séjour, sur la seule année 2023", indique la plateforme qui assure se conformer à toutes ses obligations.
"S'il s'avère que cette nouvelle action en justice nuit à l'activité d'Airbnb ou à la capacité des hôtes français de louer leur bien, nous envisagerons toutes les options, y compris judiciaires, pour protéger ces droits", poursuit-elle.
L'audience publique est prévue le 6 septembre 2024 devant le tribunal de commerce de Lisieux.