Hôpitaux en détresse : le cri d'alarme de deux médecins

"Hôpitaux en détresse, patients en danger" : c'est le SOS que lancent les professeurs Christian Marescaux (Strasbourg) et Philippe Halimi (Paris). A travers de nombreux témoignages recueillis dans leur ouvrage, ils dénoncent les dérives d'un service public hospitalier malade de son management.

Soigner de plus en plus vite et de plus en plus mal. Ils n'ont pas choisi ce métier pour cela. Ni Christian Marescaux et Philippe Halimi, les deux auteurs du livre Hôpitaux en détresse, patients en danger, sorti le 4 avril. Ni les nombreux médecins qui témoignent dans l'ouvrage du mal insidieux qui les ronge, jusqu'à jeter l'éponge pour certains, voire perdre le goût de vivre. 

"Harcèlement moral"

De Paris à Grenoble en passant par Strasbourg, ils dessinent une carte de France de situations dramatiques de praticiens hospitaliers en souffrance. Pression, perte de sens, épuisement, "harcèlement moral", "maltraitance institutionnelle" jusqu'au suicide parfois. La défenestration du professeur Jean-Louis Mégnien à l’hôpital Georges-Pompidou, à Paris, en décembre 2015, en serait un exemple. Le geste désespéré d'un cardiologue "placardisé". C'est aussi le point de départ d'une prise de conscience dans le milieu de l'urgence de "faire cesser des pratiques dégradantes condamnées par la loi". Une association est créée, les témoignages affluent. 


"Je n'ai pas choisi la mort"

Des médecins qui voient leur "carrière brisée" après avoir dénoncé les dysfonctionnements en interne. C’est le cas du professeur alsacien Christian Marescaux, ancien chef de l’unité neuro-vasculaire des hôpitaux universitaires de Strasbourg. Il a perdu  ses fonctions, une à une, au sein de l'établissement de Hautepierre. 

Je me suis retrouvé comme le cerf, acculé à la fin d’une chasse à courre (...) l’alternative est simple : soit l’animal traqué accepte la mort, soit il fonce dans le tas. Je n’ai pas choisi la mort.

Un chapitre entier est consacré à cet alsacien qui se défend d'être un lanceur d'alerte. "A quoi sert l'hôpital s'il oublie sa mission première? (...) Je n'ai pas pu taire les conséquences dramatiques des dérives de l'administration hospitalière. Je ne suis pas capable de courber le dos face à l'omerta". Christian Marescaux a dénoncé une série d"'erreurs", de "dérapages", pendant des années, notamment dans l'affaire Maxime Walter. Il se verra retirer la direction de son unité jusqu'à disparaître complètement de l'organigramme des hôpitaux universitaires de Strasbourg.


"Le mort de trop"

Chapitre suivant : "le CHU de Grenoble au bord de l'implosion". En novembre 2017, un neurochirurgien de 36 ans, Laurent Selek met fin à ses jours au sein même de l'établissement. Deux ans après le suicide de Jean-Louis Mégnien, à Paris. Sa mort soudaine "provoque un séisme", libérant la parole de celles et ceux qui jusque là se taisaient. Une web série raconte aujourd'hui "la fin de l'omerta".On découvre "une gouvernance toxique, des démissions en nombre" (...) Le CHU de Grenoble cristallise tous les maux des hôpitaux français. 


« Arrêtez le massacre ! »

Le livre qui rassemble de nombreux témoignages est aussi un réquisitoire contre la loi Bachelot de 2009 qui aurait cédé les clés des hôpitaux à des gestionnaires. Les deux professeurs dénoncent le pouvoir de la logique financière aux effets dévastateurs sur les patients comme sur les personnels qui en paient le prix fort. Dans la ligne de mire, les directions des hôpitaux publics qui diminuent les effectifs et les moyens. Un management qui, selon eux, écarte violemment ceux qui s'opposent à cette stratégie et qui dénoncent les dérapages.

Sollicitée à la suite de la parution de l'ouvrage cosigné par Christian Marescaux, la direction générale des HUS a répondu succinctement dans un communiqué de presse, en fin d'après-midi : "Les hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) viennent de prendre connaissance du contenu de l’ouvrage Hôpitaux en détresse. Patients en danger. En première analyse, il apparaît que les faits rapportés contiennent de nombreuses inexactitudes. Les hôpitaux universitaires de Strasbourg se réservent le droit de donner toute suite à la publication de cet ouvrage."

Retrouvez l'intégralité de l'entretien mené par Marie Heidmann ci-dessous.




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