Rund Um. Pour la première fois, une course pour la promotion de l'alsacien a été organisée : le Sprochrenner. De Bâle à Wissembourg, des citoyens ont mouillé le maillot pendant trois jours, dans un esprit festif.
369 kilomètres, à travers 109 communes. La première édition du Sprochrenner a sillonné l'Alsace, du sud au nord pendant tout le long week-end de la Pentecôte. Bas-rhinois, Haut-rhinois et citoyens d'ailleurs étaient invités à courir pour soutenir l'alsacien.
De Bâle à Wissembourg, les coureurs se sont relayés. En famille, entre amis, entre collègues. "C’est symbolique de participer pour nous faire voir, montrer que nous respirons toujours, que nous les dialectophones n'avons pas dit notre dernier mot", insiste Adrien Fernique, médiateur culturel du musée alsacien de Strasbourg, qui a ouvert la route depuis la frontière suisse.
"Se faire voir", et donc entendre, c'était la motivation de tous. "On veut prouver que l'alsacien est bien vivant", affirme également Sophie Keller-Louchart, enseignante dans une école ABCM. Certains participants se sont déplacés avec leurs enfants : "on court pour eux, pour leur transmettre notre langue".
Une course de relais avec un bâton-témoin
Tous attendent des mesures politiques concrètes en faveur de l'alsacien, alors que le nombre de locuteurs baisse dangereusement : "Seuls 3% des parents transmettent encore le dialecte à leurs enfants, il est temps d'inverser le cours des choses. C’est pour cela que la course est organisée et que nos associations sont mobilisées."
Un bâton-témoin a accompagné les coureurs sur tout le parcours, y compris la nuit (voir post Facebook ci-dessous). Il a changé de main chaque kilomètre. "Ce témoin symbolise la transmission intergénérationnelle du patrimoine immatériel et linguistique de l'Alsace sur toute l'étendue de son territoire, confie Patrick Puppinck, le fondateur du Sprochrenner. Je te donne le bâton-témoin, tu es comme moi, tu appartiens à l'Alsace et tu es fier de le montrer. Qu'on parle le bas-rhinois, le haut-rhinois ou une autre variante, on ne se dispute pas, on est au-delà de ça. Nous sommes Alsaciens, fiers de nos appartenances."
Il a fallu payer pour porter ce bâton-témoin : 100 euros pour des particuliers, 200 pour des entreprises ou collectivités. Le but : récolter de l'argent pour financer des projets autour de l'alsacien et soutenir des écoles immersives. Sur les 369 kilomètres du parcours, une centaine a été achetée.
La fête aussi au bord des routes, dans les communes
Un bon départ, estime Patrick Puppinck. Il ne parle pas l'alsacien, n'est même pas originaire de la région. C'est sa passion pour les langues dans leur ensemble qui l'a poussé à créer le Sprochrenner. L'événement devait initialement voir le jour en 2020, il a finalement fallu patienter deux ans de plus, mais l'intention n'a pas changé : "La langue de l'Alsace est blessée, il fallait un événement festif, fédérateur pour amener les Alsaciens à retrouver leurs appartenances".
De Bâle à Wissembourg, des manifestations ont ainsi eu lieu dans les communes traversées par la course. Expositions autour du théâtre alsacien, spectacles en dialecte, musique... Une façon de mettre en lumière les initiatives qui font vivre l'alsacien au quotidien. Autour souvent de tartes flambées, forcément.
"La course ne fait que passer, au bout de quelques minutes il n’y a plus rien à voir. Proposer des animations çà et là sur le trajet permet de rendre le Sprochrenner plus vivant, explique Jean-Christophe Meyer. Il a lui-même proposé une visite guidée du sentier des poètes de Blienschwiller, juste après avoir couru. C’est un moyen d’attirer des gens vers nos associations, de leur dire « C'est bien de participer à la course aujourd’hui, mais demain comment vous impliquerez-vous ? »"
Le Sprochrenner s'est inspiré de la Korrika, lancée au Pays basque en 1980, et de la Redadeg, qui se tient tous les deux ans en Bretagne depuis 2008. La première réunit désormais plusieurs centaines de milliers de personnes à chaque édition. En Alsace, la course devrait à nouveau se tenir en 2024.