Des élus corses veulent déposer une motion de soutien à l'Alsace. Lors d'une session extraordinaire de la collectivité de Corse, un député corse a exposé ses arguments en faveur d'une entraide entre la Corse et l'Alsace pour les questions de langue et d'autonomie.
C'est une annonce pour le moins inattendue, une main tendue d'un coin à l'autre de l'hexagone, un pont entre le Sud et l'Est de la France. Certains élus corses veulent déposer une motion pour soutenir l'Alsace dans sa volonté de quitter la région Grand Est.
"Considérant que l'Alsace dispose d'une situation particulière de par son histoire et sa position transfrontalière, qui ont forgé une identité propre que les élus souhaitent voir traduire par un cadre administratif et institutionnel adapté [...]" explique le texte, "l'Assemblée de Corse reconnaît comme légitime la demande émanant des élus alsaciens pour que l'Alsace constitue une région à part entière et soutient à ce titre les initiatives visant à atteindre cet objectif."
Le texte a été rédigé à l'initiative de Pierre Ghionga, conseiller de Corse autonomiste non-nationaliste, du groupe de droite "un soffiu novu" (un souffle nouveau).
Si Pierre Ghionga est à l'origine de ce texte, ce n'est pas un hasard. Quand il était conseiller exécutif de Collectivité de Corse entre 2010 et 2015, il était en charge de la langue corse. Et il avait rencontré Charles Buttner, alors président du conseil général du Haut-Rhin.
Les Corses et les Alsaciens avaient signé ensemble, en décembre 2013, une charte de coopération pour la promotion du bilinguisme. Les Corses voulaient alors aller plus loin, et entériner la co-officialité territoriale de la langue corse, c'est-à-dire la reconnaissance de leur langue au même titre que le français.
"A l'époque, je pense que les élus alsaciens étaient pour demander la même chose", se souvient Pierre Ghionga. "Récemment j'ai vu que la majorité des Alsaciens et des élus veulent quitter le Grand Est. Pour moi, cette intégration de l'Alsace au sein du Grand Est n'a aucune légitimité historique ou culturelle. J'ai décidé de les soutenir avec une motion."
Cependant, pour l'élu corse, les deux collectivités territoriales n'ont pas les mêmes aspirations actuellement. "Les élus alsaciens ne sont pas mûrs pour demander ce que nous demandons" estime-t-il. "Nous voulons que la Corse soit inscrite dans un nouveau chapitre de la Constitution, pour acquérir une véritable autonomie, comme la Nouvelle-Calédonie, avec un transfert de toutes les compétences non régaliennes."
"Nous ne voulons pas l'armée, la justice, la collecte des impôts ou la police criminelle, ce sont des compétences régaliennes qui doivent être assurées par l'Etat", explique Pierre Ghionga.
Comme l'Alsace, nous n'avons plus qu'une seule entité qui remplace cantons, départements et région. Comme la Corse, l'Alsace peut obtenir plus d'autonomie.
Pierre Ghionga, conseiller de Corse
"Mais lors d'un de mes voyages en Alsace, Charles Buttner m'a parlé des compétences des länder allemands, dans les domaines de l'éducation, de l'économie, de la culture etc. Alors maintenant, c'est ce que nous demandons. Et tout l'enjeu sera de voir comment un état jacobin et centralisé peut accorder une autonomie dans certains domaines à une région qui a une identité forte."
L'élu corse voit même plus loin, pour sa région comme pour l'Alsace :
"Depuis 2015, 70% des Corses ont voté pour l'autonomie de l'île, on part de ce constat pour demander plus de compétences pour notre collectivité de Corse. Comme l'Alsace, nous n'avons plus qu'une seule entité qui remplace cantons, départements et région. Comme la Corse, l'Alsace peut obtenir plus d'autonomie."
J'ai fait mon possible pour aider mes amis alsaciens.
Pierre Ghionga, élu corse solidaire des Alsaciens
Lors de la séance du 26 mai, l'assemblée corse a voté à la majorité le renvoi du vote de cette motion à une commission des compétences législatives et réglementaires. "Dans notre parti, tout le monde a voté contre ce renvoi, mais les autonomistes et les indépendantistes ont voté pour le renvoi. Ils ont juste peur qu'une telle motion parasite le processus pour la Corse." La commission pourrait se réunir dans 6 mois.
"Moi j'ai fait mon possible pour aider mes amis alsaciens", ajoute Pierre Ghionga, convaincu que c'est en se serrant les coudes qu'Alsaciens et Corses arriveront à obtenir ce qu'ils veulent : une juste reconnaissance de leurs particularités.