Dans beaucoup de familles alsaciennes, pas de Pâques sans Lammala, le fameux biscuit en forme d'agneau. Certaines, plus rares, tiennent également à d'autres gourmandises traditionnellement liées à cette fête : le Oschterbrot et le Oschterflàda, deux recettes quasiment oubliées.
À la maison du pain d'Alsace, à Sélestat, les boulangers font vivre les spécialités de la région, tout au long de l'année. Trois semaines avant Pâques déjà, ils vendent une cinquantaine de Lammala chaque jour. Le biscuit, riche en oeufs, est la pâtisserie phare de cette fête. À l'époque, on en cuisait dans tous les foyers pour écouler le stock d'oeufs accumulés pendant le carême, période où leur consommation était proscrite. Aujourd'hui, on savoure ces agneaux avant tout par plaisir. Et pour entretenir la tradition.
"Pâques ne serait pas Pâques sans Lammala, sourit Alain Suhr, le boulanger en chef. Et les clients y tiennent, ils les ont toujours connus alors ils en ont besoin". Ils lui réclament également du Oschterbrot, littéralement "pain de Pâques", et du Oschterflàda, beaucoup moins connus, mais tout aussi indispensables pour certaines familles.
Dans le secteur d'Erstein (Bas-Rhin), le Oschterbrot est une tradition. Il n'existe que dans ce coin d'Alsace. Ce pain, abonni par l'ajout de sucre, d'œufs, de beurre, de lait et de raisins secs macérés dans du schnaps ou du rhum, était généralement préparé le Vendredi saint, puis dégusté le jour de Pâques, après le Carême.
Le Oschterbrot, "brioche du pauvre ou pain amélioré" pour le petit-déjeuner du dimanche de Pâques
"C'est une brioche du pauvre ou un pain amélioré. Le petit-déjeuner du dimanche de Pâques, les gens avaient ainsi quelque chose de plus élaboré sur la table qu’un simple pain", explique encore Alain Suhr, qui a découvert cette vieille recette lorsqu'il est arrivé à la maison du pain d'Alsace pour y travailler.
Elle reste très appréciée en Alsace centrale - "Je ne démarre la production que deux semaines avant Pâques, sinon je suis fichu, les clients me retournent la boutique pour en avoir tous les jours, y compris des jeunes qui ont découvert ça chez leurs grands-parents", plaisante le boulanger - mais toutes les boulangeries ne le proposent plus comme autrefois. Même à Erstein et alentours, le Oschterbrot, décoré d'une croix blanche sur le dessus, perd du terrain.
Pareil pour le Oschterflàda, qu'on ne trouve quasiment plus qu'à la maison du Pain, à Sélestat, et dans quelques familles.
Le Oschterflàda, une tarte à la semoule et aux raisins qui fait retomber en enfance
"Une madeleine de Proust, pour Katia Goldenberger. Je revois ma mamama devant sa cuisinière, en train de préparer cette tarte. Que de souvenirs… C’est pour ça que je continue à la faire chaque année. On l’adore, mais c’est aussi pour entretenir ces souvenirs…", confie-t-elle.
Difficile de remonter à l'origine exacte de cette tarte, une pâte sucrée surmontée d'un flan à la semoule et aux raisins secs. "Mais on la faisait toujours chez nous, à Dorlisheim", assure encore Katia. Comme à Geispolsheim et dans quelques autres villages du Kochersberg a priori.
Une recette simple et rapide, qui tient au corps, et sent bon l'Alsace, selon la pâtisière : "La Griessbàb (flan de semoule), c'est très alsacien, pareil pour la cannelle...". Inenvisageable pour elle de déroger à la règle, elle régale sa famille chaque année grâce à son Oschterflàda.
Plus forcément le jour J (comme le Oschterbrot, la tarte était à l'origine confectionnée le Vendredi saint pour le dimanche), car à l'approche de Pâques l'envie est souvent trop forte pour résister aussi longtemps. D'autant que Katia et ses enfants aiment le manger tiède, assez vite après sa sortie du four. Et plus tôt ils ouvrent la saison, plus souvent ils peuvent se délecter de cette gourmandise pascale.
La recette de l'Oschterbrot :
Ingrédients (pour deux pains) :
- 500 g de farine
- 100 g de sucre
- 100 g de levain
- 2 oeufs
- 10 g de sel
- 35 g de levure de boulanger fraîche
- 150 g de raisins secs, macérés dans du rhum pendant trois jours
- 125 g de beurre
- 150 mL de lait.
Procédé :
Mélanger les ingrédients sans les raisins secs. Pétrir la pâte pendant environ 20 minutes jusqu'à décollement. Ajouter les raisins secs et mélanger. Laisser reposer 1h30. Au bout des 45 premières minutes, replier la pâte sur elle-même en formant une boule.
Peser des pâtons de 500 grammes et façonner les pains.
Laisser lever deux heures. Puis cuire 40 minutes à 180°C.
La recette du Oschterflàda :
Ingrédients :
Pour la pâte :
- 370 g de farine
- 200 g de beurre
- 100 g de sucre semoule
- 1 œuf.
Pour la garniture ou Griessbàb :
- 1 L de lait
- 50 g de beurre
- 200 g de semoule de blé tendre
- 2 jaunes d’œuf
- Un peu de sucre semoule (environ 100 g)
- Environ 200 g de raisins secs trempés pendant 12 heures dans un mélange moitié rhum (ou eau de vie) moitié eau
- De la cannelle moulue.
Procédé :
Pour la pâte :
Mettre la farine et le sucre dans un bol. Creuser un puit. Ajouter l’œuf et le beurre coupé en morceaux. Mélanger jusqu’à obtenir une boule homogène. Laisser reposer au moins une heure.
Abaisser la pâte au rouleau à pâtisserie sur une épaisseur de 3 à 5 mm. Beurrer un moule à tarte à fond amovible (la pâte est assez friable après cuisson et le fond amovible facilite le démoulage). Tapisser le moule avec la pâte et piquer le fond avec une fourchette.
On peut également utiliser une une pâte brisée (300 g de farine, 150 g de beurre, 100 ml d’eau) mais la pâte sucrée est plus savoureuse.
Pour la garniture ou Griessbàb :
Mettre à chauffer le lait avec le beurre. Quand le lait commence à frémir, à petit feu, verser la semoule en pluie. Remuer sans cesse au fouet. Quand la semoule a épaissi et que l’on voit les traces du fouet dans le mélange, couper le feu (la préparation doit rester souple et pas trop consistante. Elle terminera de cuire au four).
Ajouter les jaunes d’œuf en remuant vigoureusement, puis un peu de sucre.
Égoutter les raisins au rhum et les ajouter au mélange tout en remuant pour bien les répartir.
Verser la Griessbàb sur le fond de tarte. Saupoudrer de cannelle.
Enfourner pour 30 minutes au four préchauffé à 210°C (th.7). Au sortir du four, laisser refroidir un moment pour figer la garniture puis démouler.
Déguster tiède ou froid (mais tiède c’est meilleur).