La gastronomie picarde est riche de nombreux plats que vous pouvez réaliser pour vos fêtes de fin d’année. Oubliez la ficelle picarde, une création récente, pour découvrir quelques recettes plus festives, plus locales ou beaucoup plus anciennes : avec le canard aux navets, le dindonneau farci à la picarde, le porc caghuse, le sauté d’agneau d’estran, le cugnot, et la dariole d’Amiens, dont l’origine remonte au Moyen Âge. [Première publication le 22 décembre 2022]
Le canard aux navets
René Normand écrit dans un article publié pour Noël 1937 dans la revue L’automobile au pays picard : "On dit le Picard volontiers fantaisiste. Il le fut lorsqu’il eut l’idée de rapprocher (dans la cocotte) deux inconciliables : le navet profondément attaché au sol natal et le canard sauvage dont l’humeur est vagabonde. C’est pourtant de la rencontre du légume et du volatile que naît un plat succulent ! Une fois rapprochés, le canard et le navet se pénètrent mutuellement, le goût du second imprégnant la chair du premier qui le gorge, en échange, de sa graisse succulente."
Vous voilà en appétit ? Selon la grandeur de votre tablée des fêtes, voici deux recettes qui vous permettront de marier la volaille et le légume : le caneton aux navets (Recettes Picardes de nos Grands-Mères, par Louis Gildas aux éditions CPE, 2005)...
Et le canard rôti aux navets glacés, crosnes à la crème (Aimer la cuisine du Nord Pas-de-Calais et de la Picardie, par Pierre Coucke et Patrick Villechaize aux Éditions Ouest-France, 2002).
Dindonneau farci à la picarde
Difficile d’ignorer la dinde lorsque l’on parle de table de Noël. Régalez-vous avec cette recette proposée par Yves Sudrès, professeur de cuisine, dans le Recueil de la gastronomie picarde – 85 recettes simples (paru en 1986 chez Delta 2000), des recettes que l’auteur a expérimentées avec les élèves du LEP Edouard Gand d’Amiens.
Le porc caghuse ou caqhuse
Jacques de Wailly et Maurice Crampon décrivent ainsi ce plat : "la caghuse est un morceau de cuisse de porc braisé aux oignons" dans leur ouvrage Le Folklore de Picardie (Somme, Oise, Aisne) - Collection de la Société de Linguistique picarde IX (Musée de Picardie, Amiens, 1968).
Si le boudin (noir) aurait été le mets essentiel servi à la table du réveillon en Picardie, rappellent également Wailly et Crampon, la caghuse pouvait faire partie du repas qui suivait l’abattage du cochon. Ce repas, c’était la "tripée", avec abats de la bête et morceaux de choix diversement accommodés. Une tripée qui se faisait entre autres, signalent ces mêmes auteurs, le jour de la fête locale, en automne, au Mardi gras, à Pâques, ou à Noël !
Des recettes, vous pourrez en trouver de nombreuses sur internet (n’in déteuper des monts dins l’toéle) ! Testez donc celle assez simple d’Yves Sudrès (ouvrage cité plus haut).
Sauté d’agneau d’estran à la bière brune
Les moutons de prés salés, qui pâturent sur les molières en baie de Somme et d’Authie, des espaces recouverts lors des grandes marées, sont renommés depuis plusieurs siècles. De Wailly et Crampon écrivent dans Le Folklore de Picardie (voir plus haut) : "Au XVIIIe siècle, l’Intendant avait fait dessécher les marais du Marquenterre pour élever des brebis de grande réputation déjà puisque c’est de Châteauneuf, en baie d’Authie, que Marie-Antoinette reçut douze brebis jugées par le roi les plus belles de France. Elles seront, en 1789, le dernier amusement de la reine dans son parc de Trianon où elle aimait jouer à la fermière".
Et le mouton, outre sa place dans la crèche, était également présent dans les cérémonies religieuses de Noël. On peut lire encore sous la plume de Wailly et Crampon que, dans une partie des églises picardes, les bergers apportaient jadis un agneau à la messe de minuit pour le faire bénir, et qu’"Au Crotoy, jusqu’en 1822, une brebis était offerte au curé à la première Noël qu’il célébrait dans la paroisse".
Il existe désormais une Appellation d'origine protégée (AOP) "Prés-Salés de la Baie de Somme".
Pierre Coucke et Patrick Villechaize proposent dans leur recueil (cité plus haut) une recette qui allie la Picardie et le nord de la France avec un sauté d’agneau d’estran à la bière brune.
Le cugnot
Cette pâtisserie traditionnelle dont l’origine remonterait au Moyen Âge est présente en Picardie, ainsi que dans tout le nord de la France, en Champagne et en Belgique. Dans l’ouvrage Mœurs épulaires picardes (Annales du CRDP d’Amiens, 1977), Jeannine et René Debrie en citent de nombreuses variantes : cogno (Glossaire de l’abbé Corblet, 1851, qui le définit comme un "petit pain rond qu’on fait à Noël"), quignet ("à Bray-sur-Somme, gâteau à quatre coins en forme de X" par l’abbé Leroy dans un ouvrage de 1904), cuignet (signalé à Montonvillers dans un manuscrit de 1894 "pâtisserie genre brioche commune ayant la forme d’un pain (…) allongé"), et encore cognié, quignou, quéniou, cogneu dans plusieurs communes de l’est de la Somme.
Dans le nord de la France et en Belgique, cette pâtisserie est coquille de noël ou quéniole, ou encore cugnolle ou fisquemalles.
Le cugnot représente-t-il un petit jésus emmailloté ? Si cette pâtisserie est désormais liée étroitement à la période de Noël, ce ne fut pas toujours le cas. La forme en X ou avec quatre coins n’est pas attestée partout. Toujours selon Jeannine et René Debrie, cette brioche était un "gâteau de Noël, sec et plat" à Domart-sur-la-Luce, "en forme de croissant" ou "plat et étroit" à Hesbécourt, ou encore rond comme le signalait l’abbé Corblet (voir plus haut). Et pour Jacques de Wailly et Maurice Crampon (Le Folklore de Picardie, 1968), le "cugnet" est en Thiérache et à Ham "une brioche de forme allongée terminée par quatre pointes, peut-être en souvenir de l’étoile" !
Enfin, les mêmes Wailly et Crampon signalent une tradition de l’Amiénois et du Santerre : la jeune fille présentait à son promis le cugnet au cours du repas de famille de Noël. À minuit, le jeune homme devait l’entamer en évitant de toucher une aiguille (à tricoter) placée à l’intérieur. S’il hésitait, c’est qu’il n’était pas mûr pour le mariage ; si son couteau rencontrait l’aiguille, il devait régaler la société !
Vous trouverez autant de recettes que de noms différents de cette pâtisserie de Noël. Testez Un sacré cugnot !, la recette que propose le site du département de l'Aisne.
La dariole d’Amiens
Enfin, connaissez-vous la dariole d’Amiens ? Cette tarte nous vient directement du Moyen Âge ! De Wailly et Crampon (cités plus haut) nous rappellent que Montaigne et Rabelais vantaient celles du cabaret amiénois du pastichier Guillot, l’une "des quatorze roustisseries antiques et aromatisantes" d’Amiens. Selon Rabelais, Pantagruel s’y délectait de "darioles, plus précieuses à son goût que les porphyres et les marbres de Florence".
Cette pâtisserie porte le même nom que le moule que l’on utilisait pour la confectionner, un moule tronconique de quelques centimètres. On peut également utiliser des moules à tartes pour la réaliser.
Essayez-donc la recette de l’association Cuisine Classique, dont l’objectif principal est de promouvoir la richesse et la diversité du patrimoine alimentaire et culinaire de France.
Bon appétit à toutes et tous, et bonnes fêtes de fin d'année !