C'est la saison des grandes orties urticantes dans le Grand Est. Cette plante herbacée à feuilles velues n'a pas très bonne presse en général. Pourtant, on en fait de délicieuses soupes dans les Ardennes. Rencontre avec Philippe Payon de Monthermé, un expert en plantes sauvages.
Il répétait : " Ça ne pique pas beaucoup ! Celles-ci, ça va encore, ça chatouille juste un peu les doigts ! " À l'heure où je frappe les premiers mots sur mon clavier pour raconter cette belle rencontre avec Philippe Payon, un ardennais authentique, je repense à cette étonnante cueillette d'orties une heure plus tôt. Mes doigts rougis d'avoir simplement effleuré la plante urticante, je mesure mon faible courage en comparaison, une main trempée dans l'eau froide.
Ce mardi 25 mai 2021, dans la vallée de la Meuse à Monthermé, la pluie incessante de ces derniers jours n'aura profité qu'aux plantes potagères dans les jardins et aux grandes herbacées le long des chemins. Tout est vert.
Entre deux averses, Philippe Payon, 64 ans, descend dans son jardin et longe un grand mur tapissé d'orties sauvages. Il ne les a pas semées, bien sûr. Cette plante envahissante et piquante pousse partout en ce moment dans notre région.
On comprend sa douleur quand on s'arrête sur l'origine même du nom "ortie". Celle-ci vient du latin urtica lui-même dérivé d'uro, qui signifie brûler en référence aux poils urticants. Les orties sont ainsi hérissées de poils raides (appelés scientifiquement trichomes urticants), le liquide irritant qui s'en échappe au contact des feuilles brûle la peau et rappelle souvent de mauvais souvenirs.
Pour Philippe, le retraité aux mains d'acier qui a travaillé 44 ans comme préparateur dans une usine de la vallée, l'ortie n'est pas un problème ce matin. En quelques brassées, il en arrache de belles tiges, "de jeunes pousses de préférence", comme il l'explique lui-même en se frottant les doigts : "Mes parents cueillaient déjà l'ortie pour la soupe. On était trois enfants à la maison et, quand c'était le moment, plusieurs fois par semaine, on ramassait les orties. C'était surtout les parents qui cueillaient parce que ça pique. Ma mère en préparait beaucoup pour avoir de la soupe toute la semaine."
"Quand l'ortie montait en graines et qu'elle devenait plus vieille, on en mangeait plus, car ce n'est plus très bon, ça devient dur à cuire. La règle, c'est de choisir les jeunes pousses d'orties, avant la montée en graines".
Quelle est l'astuce de Philippe pour éviter de se gratter et de ressentir des brûlures ?
Il faut mettre des gants quand on peut et, sinon, plongez les orties dans de l'eau, ça élimine leurs piquants.
L'ortie blanche, ou Lamier blanc, ressemble à s'y méprendre à l'ortie piquante. Cependant, celui-ci n'est pas urticant et on peut le manipuler sans crainte de brûlures. On l'appelle également "ortie morte". Cette forme d'ortie n'en possède pas moins de nombreuses propriétés médicinales. Ses pouvoirs émollients soulagent de nombreuses irritations.
(Lamium album)Le lamier blanc, ou ortie blanche?Elle est originaire de l'ensemble de l'Europe et de l'Asie?Les feuilles, les pousses feuillées et les têtes fleuries sont comestibles?Cette plante recèle de nombreuses vertus en phytothérapie? pic.twitter.com/ufC0W15hpb
— Hermes atlante (@atlante_hermes) April 1, 2021
La recette d'une bonne soupe d'orties
Si vous cherchez de la belle ortie sauvage, de beaux spécimens poussent en massifs dans un cadre naturel le long de la Semoy entre Monthermé et Thilay. Une fois la cueillette terminée, Philippe nous donne ses précieux conseils et sa recette personnelle. Assis dans sa cuisine, il s'apprête à préparer sa fameuse soupe miraculeuse aux vertus étonnantes pour la santé.
"Àprès le passage à l'eau, on peut couper les feuilles avec des ciseaux, c'est idéal ! rajoute-t-il avec un large sourire.
"Ensuite, pour 500 grammes de feuilles d'orties :prévoir 2 oignons, 4 pommes de terre, 50 cl de bouillon de volaille, 3 cuillères à soupe d'huile d'olive, sel, poivre". (cuisson 1 heure)
1) Faites chauffer l'huile d'olive dans un grand faitout.
2) Epluchez les oignons, puis, émincez-les, faites les revenir dans le faitout pendant quelques minutes.
3) Ajoutez les feuilles d'orties préalablement nettoyées à l'eau et les faire cuire jusqu'à ce qu'elles aient bien fondu.
4) Épluchez puis coupez les pommes de terre en petits morceaux, faites chauffer une casserole d'eau salée et faite cuire.
5) Une fois qu'elles sont cuites, ajoutez-les aux orties dans le faitout.
6) Faites chauffer le bouillon de volaille, (2 cubes ),jusqu'à ébullition et mélangez-le tout avec les orties dans le faitout.
7) Passez le tout au mixeur, salez, poivrez, et rajoutez de la crème fraîche.
Bon appétit.
L'ortie, la plante miracle pour la santé
Si la plante se mérite et occasionne souvent quelques désagréments à la cueillette, elle peut avoir toutefois des effets bénéfiques pour la santé. On lui reconnaît une haute valeur nutritionnelle en fer et en silice. Ainsi, elle peut devenir un fortifiant pour les personnes anémiées et permet de combattre la fatigue. Ses vertus reminéralisantes aident en cas de fractures, d'ostéoporose, de tendinites et d'entorses. Et les idées de préparations avec de l'ortie sont multiples.
Les racines d'ortie semblent également indiquées contre les premiers signes d'hypertrophie bénigne de la prostate, un problème masculin qui apparaît vers 50 ans. Dans les feuilles, il peut y avoir des molécules anti-inflammatoires en petite quantité, des minéraux, des effets antioxydants. En cas d'arthrite et de rhumatismes, les préparations à l'ortie apportent un éventuel soulagement.
Pendant quelques semaines encore, de jeunes pousses d'orties vont sortir de terre et envahir les chemins. Avant leur montée en graines, ce généreux cadeau de la nature pourra étonner votre entourage et surprendre votre palais. Les cueillettes à l'écart, loin de toute pollution et pesticides sont à privilégier. Surveiller les jeunes enfants devant les massifs urticants est un gage de sécurité, les brûlures de la plante peuvent en faire oublier toutes ses qualités. Malgré ce que peut en dire Philippe Payon !