Le 7 novembre est sous le signe de la lutte contre le harcèlement scolaire. Depuis 2022, les moyens mis en place se multiplient pour endiguer ce fléau. Evann, un élève de Terminale au lycée Monge à Charleville-Mézières, témoigne de son vécu et montre l'importance d'en parler.
Evann est élève en Terminale au lycée Monge, à Charleville-Mézières (Ardennes). À bientôt 18 ans, il a subi du harcèlement au sein de ce même établissement. Alors que la fin de l’année scolaire approchait, un de ses camarades se rend sur ses réseaux sociaux et constate qu’Evann est en couple avec garçon. “Avec sa bande de copains, ils ont commencé à m’embêter, à me dire des gamineries, et à m’insulter”, se souvient le jeune homme. Les vacances d’été approchent et Evann décide de ne rien faire, dans l’espoir qu’à la rentrée, cela s’arrêterait.
En vain. “Mes amis m’ont dit qu’il ne fallait pas que je laisse passer cela, et qu’il fallait que je fasse quelque chose pour que cela s’arrête”, précise-t-il. Soutenu par ses amis, il décide d’en parler avec l’une des CPE du lycée, engagée contre le harcèlement scolaire. “Je trouve qu’il est plus facile d’en parler avec une femme. J'ai trouvé une forme de soutien en elle. Elle a pris ça très au sérieux et la semaine suivante, elle a convoqué les quatre élèves qui me harcelaient.”
"On va te dégommer"
Lors de cette convocation, la CPE fait un rappel à la loi aux quatre personnes visées et exige que ces dernières présentent une lettre d’excuses à Evann. Chose qu’ils n’ont pas faite, entraînant une seconde convocation. “Un jour, ils se sont levés en plein cours pour me donner leurs lettres, ils se sont carrément mis à genoux et dans leurs excuses, ils continuaient leur moquerie”, témoigne Evann. Faisant ce constat, il décide de transmettre les lettres à la CPE, qui les convoque à nouveau, cette fois avec la présence du proviseur et d’un agent de police. Pour des raisons qui échappent encore à Evann, l’un de ses agresseurs le menace sur ses réseaux sociaux, lui disant “on va te dégommer”, lui reprochant de les avoir dénoncés.
À la réception de ce message, il décide de se tourner vers une ancienne professeure. “Elle m’a dit qu’il ne fallait pas que je change et elle a appelé les autres enseignants à la vigilance”, se souvient-il. Mise au courant, la CPE convoque à nouveau les auteurs, en présence du même agent de la police municipale qui les met en garde en leur disant que la prochaine fois, la convocation sera faite au commissariat et devant un OPJ. “Depuis, tout le monde s’est calmé et ils ne me font plus rien”. Enfin, Evann peut souffler.
Je trouve que ce n’est pas normal en 2024 d’embêter les gens sur leur orientation sexuelle. Il faut que ça cesse.
Evann, victime de harcèlement scolaire
"Tout le monde se retournait contre moi"
Durant son témoignage, Evann confie avoir déjà vécu du harcèlement scolaire. Cela remonte à son année de cinquième. “C'étaient des moqueries, c’était très méchant et blessant. Tout le monde se retournait contre moi, confie-t-il. J’étais en sport étude natation, et ils me rabaissaient pour que je performe moins.” Il décide alors d’en parler à ses parents.
Ma mère n’en dormait plus, elle avait peur que je me fasse du mal. Mais ce sont eux qui ne sont pas bien dans leur peau pour faire cela.
Evann, victime de harcèlement scolaire
Son père prend la décision, à ce moment-là, d’aller voir la CPE du collège et son entraîneur de natation.
Aujourd’hui, Evann est libéré. S’il accepte aujourd’hui de témoigner, c’est pour être un exemple pour d’autres. “J’aimerais leur dire qu’il ne faut pas hésiter à en parler à un prof ou au CPE, car ils sont là pour nous défendre. Il ne faut pas penser que c’est à nous, victime, de changer. Ce sont eux qui doivent être sanctionnés.”, encourage-t-il, en précisant que ses amis ont également joué un rôle important de soutien.
“Ton problème, c’est mon problème”
Un témoignage qui s’inscrit parfaitement dans la campagne 2024 contre le harcèlement “Ton problème, c’est mon problème”, véritable incitation à l’empathie. En France, près de deux élèves par classe sont harcelés à l’école, selon le ministère de l’Éducation. “Chaque enfant a le droit d’aller à l’école sans avoir la boule au ventre, sans redouter la prochaine humiliation, sans craindre la prochaine agression”, déclare Anne Genetet, ministre de l’Éducation nationale, en vue de cette journée de lutte.
Depuis 2022, de nombreux moyens ont été déployés pour prévenir et combattre le harcèlement à l’école : moyens décuplés pour la ligne d’écoute 30 18, durcissement des sanctions, nomination d’au moins un référent harcèlement et d'une équipe ressource de cinq personnes dans chaque collège et lycée… Depuis la rentrée 2023, le programme Phare est obligatoire également dans les lycées et ne se limite plus aux écoles élémentaires et aux collèges. Il se déploie désormais du CP à la Terminale.
Une plateforme à destination des familles a aussi vu le jour, dans l’objectif de mieux comprendre le harcèlement entre élèves et ses conséquences, mais aussi de pouvoir détecter les signaux faibles et identifier les moyens d'agir pour prévenir le harcèlement ou le cyberharcèlement de leurs enfants.
Pour rappel, le harcèlement scolaire est un délit passible d’une peine pouvant aller jusqu’à 10 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende. Si vous êtes victime ou témoin d’une situation de harcèlement, contactez le 30 18.