Jacky Wagner, figure emblématique du syndicalisme alsacien, quitte la CGT. Il y a été secrétaire général pendant quatorze ans. Plusieurs raisons expliquent ce choix, des projets surtout, en tant que nouveau maire de son village de Quatzenheim, dans le Bas-Rhin.
Engagé sur l'avant-scène de la CGT pendant quatorze ans, Jacky Wagner est devenu au fil du temps, une figure emblématique du syndicalisme alsacien. Mais l'heure du départ a sonné pour lui. Il quitte la CGT, notamment pour rester cohérent avec ses combats : "Je serai à la retraite le 1er juin 2021, je ne vais donc pas redémarrer un mandat de trois ans à la CGT qui m’amènerait au-delà. Je veux être cohérent avec ce que je dis quand je manifeste dans la rue, pour la retraite à soixante ans."
Il était tout jeune homme quand il est entré dans le syndicalisme, presque par hasard, ou plutôt suite à des expériences difficiles avec des patrons :"Au départ je devais créer une société de carrelage avec mon père, mais il est décédé quand j'avais 17 ans, alors j'ai travaillé chez des patrons et j'ai eu quelques mauvaises expériences. Ce qui m'a conduit au syndicalisme."
« Je n’aime pas l’injustice... depuis que je suis petit, ça ne passe pas, je n’arrive pas à ne pas réagir.»
Quatorze ans au service du syndicalisme
"Quatorze ans, c’est long. D’abord j'ai été syndicaliste dans l’entreprise Danone et quand elle a fermé en 1997, la CGT m’a demandé de prendre en main le pôle juridique du Bas-Rhin, puis le poste de secrétaire général, en 2007. Dans le syndicalisme, on ne commence pas le lundi matin pour finir le vendredi soir et on ne démarre pas les journées à 8 heures pour les finir à 17 heures. Il faut être disponible tout le temps, les samedis et les dimanches, et quand on siège toute la semaine dans les instances, on n’a pas le temps de répondre à certaines sollicitations. Il faut s'y consacrer en dehors des heures de travail. Par exemple, quand les copains vous appellent au sujet de la fermeture de leur entreprise et qu'ils vous demandent des conseils pour créer une Scop, il faut pouvoir réfléchir pour trouver les bonnes réponses. Tout cela se fait en plus de siéger dans les instances."Jacky Wagner a siégé notamment à la Sécurité sociale et à l'Urssaf. Pour ces deux postes, c'est son successeur, Laurent Feisthauer, qui va prendre le relai. Concernant le Conseil des prud’hommes et la Cpria, la commission paritaire régionale de l’artisanat, il dit vouloir continuer, pour l'instant.
« J’étais engagé dans le syndicalisme et je l’ai fait à fond, parfois même au détriment de la vie de famille »
Un nouveau mandat...de maire cette fois
Jacky Wagner précise : "J'ai toujours dit que je ne ferai pas de politique tant que je serai syndicaliste" et voilà, il a été élu maire de sa petite commune de 800 habitants, Quatzenheim, dans le Bas-Rhin, en juin dernier. il est entré en fonction le 3 juillet. Alors il a démissioné de son poste de secrétaire général de la CGT 67 le 22 septembre. Comment en est-il arrivé à ce poste de maire? "Dans la commune, de plus en plus de personnes ont commencé à me solliciter, d’abord à participer au conseil municipal et au fur et à mesure à présenter une liste. C'est un travail collectif que je veux mettre en place, où chacun aura droit à la parole."Pour cela sept comités consultatifs de citoyens vont voir le jour. Ils traiteront par exemple de la mobilité, de la communication au sein des journaux municipaux, de l'habitat, etc."Pour l'instant, nous sommes limités par la Covid, nous ne pouvons pas encore rassembler des dizaines de personnes pour avoir leur avis. Mais pour moi c'est sûr, le citoyen doit avoir le droit de savoir ce qui se passe, doit pouvoir s’exprimer, être acteur et décideur."
Passage de relai à Laurent Feisthauer
Le moment de prendre le relai n'est pas idéal pour le nouveau secrétaire général. "En ce moment tout est alourdi par la Covid, il y a énormément de soucis avec les grands groupes, mais aussi les TPE, entre le chômage partiel, les licenciements, les plans sociaux, les entreprises de la restauration, les petits commerces...Jacky me laisse progressivement tous les dossiers, mais c’est bien pratique de bénéficier de sa présence et de pouvoir faire une transition en douceur. Je profite de son expérience, c’est précieux, il a accumulé beaucoup de connaissances. Il me fait gagner du temps, c’est important, il connaît les rouages des entreprises, les questions juridiques..."Laurent Feisthauer semble être de la même veine que Jacky Wagner : "Je suis dans le syndicalisme depuis 2003. La réforme des retraites m’a poussé à m’engager et à m’investir pour participer à la lutte pour nos droits et le maintien du système social. Je me suis d’abord investi dans ma branche, je suis professeur de lettres et d'histoire au lycée professionnel de Saverne. Ensuite je suis devenu élu paritaire, représentant du personnel, puis secrétaire académique pour le Bas-Rhin et le Haut-Rhin." Il a déjà réalisé deux mandats de trois ans chacun, comme secrétaire académique de l’éducation, avant de devenir représentant de l’éducation dans l'Union départementale.
Les grands dossiers à venir pour lui, en plus du temps partiel et des problèmes de licenciements liés au coronavirus, sont les retraites, la Collectivité européenne d'Alsace (notamment pour des expérimentations transfrontalières dans le droit du travail), l'avenir des commissions paritaires (de plus en plus restreintes dans leur rôle, suite à la loi de transformation de la fonction publique pour gérer les avancements de carrière, les mutations...) "On se bat pour éviter que le situation ne se dégrade. On veut rassembler ces luttes et trouver des solutions collectivement". Les sujets sont nombreux, mais Laurent Feisthauer et Jacky Wagner restent confiants.
Pour chacun des deux hommes, 2020 sonne le signal d'un nouveau départ. Laurent Feisthauer, devient secrétaire général de la CGT, Jacky Wagner devient maire de sa commune de Quatzenheim. Beaucoup de travail en perspective pour l'un et l'autre. Mais si Jacky Wagner sait qu'il sera très sollicité par la commune, il se réjouit aussi de retrouver un peu de temps pour profiter de sa famille, de sa ferme et de ses chevaux. Quand son épouse lui proposera de faire une balade à cheval le dimanche matin, il pourra dire "oui, on y va !" Et ça, ça change tout.