Collectivité européenne d'Alsace : ce que l'on sait à 100 jours de la naissance de ce "super département"

La future Collectivité européenne d’Alsace doit voir le jour le 1er janvier 2021, dans 100 jours exactement. Le concept est encore flou dans l’esprit des Alsaciens. Voilà ce que l’on connaît, pour le moment, de cette nouvelle entité.

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Portée sur les fonts baptismaux le 29 octobre 2018 par le Premier ministre Edouard Philippe, la présidente du conseil départemental du Haut-Rhin, Brigitte Klinkert de l'époque et son homologue bas-rhinois, Frédéric Bierry, la future Collectivité européenne d’Alsace (CEA) doit prendre corps officiellement dans 100 jours. Il reste encore du travail, notamment auprès des administrés : pour bon nombre d’Alsaciens, cette entité, à nulle autre pareille en France, ne signifie pas encore grand-chose. Sauf qu'elle reste bien dans le Grand Est, au grand dam de 68% des Alsaciens sondés en janvier 2020 par l'IFOP.

Comment ça marche ?

La Loi Alsace, promulguée le 2 août 2019, en définit les contours. Fusion des deux conseils départementaux, la Collectivité européenne d’Alsace sera composée de 80 conseillers d’Alsace. Un binôme homme/femme sera élu dans chacun des 40 cantons; soit 46 Bas-Rhinois et 37 Haut-Rhinois.

En mars 2021, lorsque les habitants des départements de France éliront leurs conseillers départementaux, les Alsaciens, eux, éliront leurs conseillers d’Alsace, selon les mêmes modalités et aux mêmes dates.

Entre l’entrée en fonction de la Collectivité européenne d’Alsace, le 1er janvier 2021 et l’élection des conseillers d’Alsace, en mars 2021, les conseillers départementaux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin resteront en place. C’est à eux qu’il reviendra d’élire, parmi eux, un président ou une présidente pour cette période transitoire. Après les élections de mars 2021, la nouvelle assemblée élira un président ou une présidente de la CEA.

La Loi Alsace prévoit également l’instauration d’un conseil de développement alsacien. Ses membres seront issus des milieux économiques, culturels, sociaux, éducatifs, scientifiques, environnementaux ou encore associatifs. Ce Conseil pourra contribuer à l’évaluation et au suivi des politiques publiques de la Collectivité européenne d’Alsace. Ce dispositif, inédit, permet d’impliquer la société civile dans la construction de l’avenir de la région.

Un service public sur-mesure

Retrouver le pouvoir d’agir à l’échelle alsacienne : c’est l’ambition première de cette CEA. A travers cette démarche, l’idée est de prendre le meilleur des politiques publiques des deux départements pour améliorer le service public. Du sur-mesure à l’Alsacienne, loin des antagonismes historiques de la Haute et de la Basse Alsace. Frédéric Bierry, actuel président du conseil départemental du Bas-Rhin, martèle : "On est la collectivité de l’humain. On doit parler au cœur des Alsaciens et servir leur vie quotidienne".

Les anciennes et nouvelles compétences

Remplaçant les deux conseils départementaux, la nouvelle collectivité en poursuivra les missions. Elle disposera également de compétences nouvelles, liées notamment à sa situation frontalière. Chef de file en matière de coopération transfrontalière, la nouvelle entité prendra en charge la promotion du bilinguisme, de la langue et de la culture régionale. Elle aura la possibilité de recruter par contrat des intervenants bilingues.

La Collectivité européenne d’Alsace va également récupérer de l’Etat les compétences des 300 kilomètres de routes et autoroutes non concédées, comme par exemple l’A35 qui traverse l'Alsace du sud au nord sur environ 180 kilomètres. Objectif : avoir des routes plus fluides et plus sûres. Le fait d’avoir la main sur l’ensemble de ces compétences, permettra de prendre des mesures locales adaptées et cohérentes. Au total, elle aura en charge la gestion et l’entretien de 6.600 kilomètres.
 

A cela s’ajoutent d’autres compétences : la promotion de l’activité touristique en France et à l’étranger, la délégation des politiques d’insertion et la possibilité de créer une antenne alsacienne pour les ordres professionnels et les fédérations sportives et culturelles.

Enfin, tellement symbolique, l’identifiant territorial de la collectivité européenne d’Alsace est officiellement autorisé sur les plaques d’immatriculation.

De gros changements mais quid des économies ?

Tablant sur une prévision budgétaire de 2 milliards d’euros (1,1 milliard pour le Bas-Rhin et 780 millions pour le Haut-Rhin), la CEA aura-t-elle les moyens de ses ambitions ? C’est bien sûr la légitime question que tout le monde se pose.

Le vœu de départ, c’est de mutualiser pour dégager des économies. Avec cette fusion, c’est un véritable "big bang" administratif qui est en marche. 6.000 agents territoriaux, soit 3,3 agents pour 1.000 habitants  dont il faut se préoccuper du calage administratif.

L’harmonisation des services entre les deux départements devrait entraîner quelques changements sur les feuilles de salaires. Et pas des moindres. Selon nos confrères de France Bleu Alsace, les directeurs de service du Haut-Rhin ont enregistré une augmentation moyenne de salaire de 8.000 euros annuel. Il s’agit en effet d’aligner leurs salaires sur ceux de leurs homologues bas-rhinois. Dans le même registre, les conseillers départementaux haut-rhinois toucheront 400 euros supplémentaires après la fusion.

L’épineuse question du siège


Strasbourg ? Colmar ? Le choix n’est pas simple et il reviendra aux conseillers d’Alsace de trancher. Attention, terrain miné. L’ordonnance du gouvernement a défini Strasbourg, comme siège provisoire. Il appartiendra aux 80 conseillers d’Alsace, élus en mars 2021, de définir le lieu du siège.

"L’ensemble des territoires doit être respecté ", insiste Frédéric Bierry, "et en même temps, il ne faut pas fragiliser Strasbourg, capitale européenne, ni fragiliser Colmar dans son rôle administratif ". Diplomatie avant tout. Le gouvernement serait favorable, quant à lui, à une solution panachée : un siège à Strasbourg et de nombreuses sessions plénières à Colmar.

Concernant la présidence, Brigitte Klinkert milite en faveur d’une gouvernance tournante de trois ans. Tant un Haut-Rhinois, tantôt un Bas-Rhinois. Pour Frédéric Bierry, ce qui prime, "c’est le projet, la vision et les valeurs". Il préfère un mandat de six ans, porté par un président fort. Lui qui a participé aux fondations, à la structure et maintenant à la toiture de cette nouvelle institution, se verrait bien à la tête de la Collectivité Européenne d’Alsace. Encore faut-il qu’on le lui demande.
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