"Le sevrage psychologique à l'alcool peut durer toute une vie" : d'anciens alcooliques organisent "une croisière sobre" pour partager leur expérience

L'association "Janvier sobre" met en lien des personnes confrontées à l'alcoolisme. Les contacts se font surtout grâce aux réseaux sociaux, mais le temps d'une croisière d'une semaine, cinq de ses membres partent à la rencontre du public. En ce mois de juin, ils naviguent en Alsace.

Ils sont cinq en ces premiers jours de juin à être montés à bord d'un bateau aux couleurs de leur lutte contre l'addiction, à Hesse (Moselle), pour rejoindre Strasbourg, via Lutzelbourg et Saverne : Jean-Marie et Christine, retraités, sont avec leur fils Jérôme, 42 ans. Il y a aussi Laurence et Patrick, qui ont pris des congés pour participer à cette croisière. Tous ont un lien avec l'addiction à l'alcool, et entendent partager leur expérience avec tous ceux qui viendront à leur rencontre : des soignants, des patients, leurs proches. 

Jérôme est le premier à se lancer dans le récit de ce qui l'a mené à bord de ce bateau. "Je suis abstinent depuis dix jours, après plusieurs expériences de sobriété, mais des rechutes. Je suis vraiment tombé très bas, explique le quadragénaire. J'ai perdu mon travail, mon permis de conduire, des amis... Aujourd'hui, je suis ici, avec mes parents, avec l'association, pour être accompagné, et partager mon vécu... C'est difficile quand on sort de cure, on se retrouve seul, alors être bien accompagné est hyper important à ce moment-là... L'alcool est souvent le refuge des hypersensibles, on retombe dedans... Je sais que le sevrage physique ne dure qu'une semaine, mais le sevrage psychologique peut durer toute une vie."

L'addiction à l'alcool mène à des situations extrême, car un gros fumeur, addict à la cigarette, pourra toujours travailler. L'alcool peut vous faire tout perdre."

Jérôme, 42 ans, participant à la "croisière sobre"

Son papa, c'est Jean-Marie, 65 ans, et 20 mois d'abstinence. "En voyant mon fils lutter avec son addiction, ça a été un déclic. Je me suis dit que moi déjà, il fallait que je m'en sorte. Pour mon couple aussi. Christine, mon épouse, qui est là aussi, dans l'association, est une victime collatérale. C'est pour tout cela qu'il faut se battre. Aujourd'hui, j'ai de la chance, je ne pense plus du tout à l'alcool. Et je veux aider les autres, mon fils, à en sortir."

L'importance des "pairs aidants" 

"Les professionnels sont tous d'accord là-dessus : lorsqu'on veut soigner son addiction, la rencontre avec des "pairs aidants", comme on nous appelle, ceux qui ont vécu l'addiction, joue pour moitié du processus au minimum", avance Patrick. Lui est abstinent depuis 13 ans, et s'il s'engage ainsi comme bénévole de l'association "Janvier sobre", "c'est pour rendre l'aide que j'ai moi-même reçue".

Une aide qui passe tout au long de l'année par des échanges très réguliers avec une communauté réunie dans un groupe Facebook, et qui se parle chaque semaine par visioconférence. "Le lundi, les réunions sont réservées aux femmes, le samedi, c'est pour tout le monde, et le lundi, il y a un accent mis sur les soins, sous l'impulsion de notre présidente Laurence Cottet, et en lien avec une structure médicale de Grenoble", détaille Jean-Marie, membre de l'association depuis deux ans.

À Saverne et Strasbourg pour rencontrer patients, soignants, aidants

Mais pour quelques jours, du 5 au 11 juin, le contact se fera en direct, et au fil de l'eau. "Nous sommes partis de Hesse ce mercredi matin, pour une première étape à Lutzelbourg, explique Jean-Marie. Puis nous serons à Saverne jeudi, à Strasbourg samedi et dimanche, pour un retour à Saverne mardi 11 juin". Au programme : une visite au centre de cure de Marienbronn (Bas-Rhin), des échanges avec un médecin addictologue de Saverne, des contacts pris avec la mairie de Strasbourg. Et surtout un maximum de rencontres informelles.

"C'est la 2ᵉ année que nous organisons une croisière de ce type, "une croisière sobre". L'an dernier, nous étions en Bourgogne, jusqu'à Mâcon, et nous avions pu échanger ou avec des professionnels, ou avec des malades de l'alcool, ou avec des proches, souvent perdus, et en attente de conseils, ou tout du moins d'écoute et de retour d'expérience. C'est cela que nous pouvons apporter : écouter, comprendre, accompagner."

Notre premier message, c'est : oui, on peut s'en sortir.

Patrick, bénévole de l'association "Janvier sobre"

Ces "pairs aidants" n'ont pas de recette magique pour sortir de l'addiction, mais une formule qu'ils aiment partager et qui tient en trois principes, autour de la lettre "h" : d'abord sortir de la honte de la maladie, ensuite, être honnête avec sa propre situation et sa consommation, et enfin se montrer humble et donc chercher de l'aide pour construire son nouveau projet de vie loin de l'addiction.

Un fil à suivre que ces bénévoles veulent aujourd'hui transmettre, alors que "ce problème est mal pris en compte en France, en raison des lobbys". Ils ne changeront sans doute pas cet écueil en une semaine de "croisière sobre", mais, disent-ils, en aidant ne serait-ce qu'une personne à laisser derrière elle son addiction, "c'est déjà gagné".

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