Aide alimentaire : "c'est terrible de se dire que tout s'arrête en été", ces associations restent mobilisées pour soutenir les plus démunis

Près de la moitié des aides alimentaires et des distributions solidaires s'arrêtent en juillet et en août. Les initiatives qui continuent courageusement voient augmenter le nombre de leurs bénéficiaires. Vers quelles associations, quelles aides se tourner quand on manque de tout ? Petit tour d'horizon à Strasbourg.

Ce jeudi 18 juillet, Julien est dans la cuisine de sa mère depuis le matin. Les sept bénévoles de Coup d'Bol s'affairent pour fabriquer des sandwichs. À 13h ils en ont préparé 147 exactement. Place aux salades cet après-midi.

À 18h30, les bénévoles seront réunis en face des Galeries Lafayette au cœur de Strasbourg pour distribuer leurs sandwichs et leurs salades. "L'an dernier, c'était plus compliqué l'été" confie Julien Kauffmann, cofondateur de Coup d'Bol.

"On est parfois obligé d'annuler une distribution si on n'est pas assez nombreux, il nous faut au minimum 10 personnes. Mais ce soir par exemple, nous serons 15. Je suis impressionné par la disponibilité de chacun en juillet cette année. On verra au mois d'août".

Ce n'est pas le cas dans toutes les associations. Selon Soliguide, l'annuaire solidaire national des bons plans et dons alimentaires, 44% des aides s'interrompent l'été. 

44% des aides s'interrompent l'été

Soliguide

Les Compotes, tiers-lieu solidaire accueillent l'association étudiante Cop1 pour sa distribution alimentaire tous les lundis soir d'octobre à juin. "C'est terrible de se dire que tout s'arrête en été", lâche Marie-Elisabeth North, sa fondatrice. "C'est une association qu'on aime beaucoup parce que ce sont les étudiants qui aident les étudiants, ils ont les mêmes codes, ça marche très bien. Mais l'été, il y a un gros turn-over, certains s'en vont, d'autres arrivent pour faire leurs études, c'est une période forcément creuse".

Les Compotes accueillent aussi le vide-dressing des Cop1 une fois par mois, la date est donnée sur les réseaux sociaux. En été, Les Compotes continuent de collecter les habits entre 9h et 18h. Mais pour le prochain vide-dressing, là aussi, il faudra attendre la rentrée.

Les Cop1 ont commencé leurs actions en 2022. Deux ans après, ils ont chaque semaine 200 étudiants qui récupèrent denrées alimentaires et produits d'hygiène.

2022, c'est aussi l'année de démarrage de Coup d'Bol . "On a décidé en 2022 avec ma mère, ma sœur et des potes de lancer une distribution. On est parti de rien. On prend des dons de supermarchés, on les cuisine et on les donne. Au début, c'était une quarantaine de repas chaque semaine, et après, on a dû changer d'organisation. On a maintenant 150 repas par semaine à préparer, certaines personnes viennent nous attendre dès 15h. Du coup, on cuisine maintenant un jeudi sur deux, et un jeudi sur deux, c'est la Cuisine de demain qui nous livre 140 repas et desserts faits maison."

Après la distribution devant les Galeries Lafayette à 18h30, "pour alerter sur la précarité et pour être visibles", les bénévoles mettent les repas qui restent dans des chariots et ils partent en maraude sillonner la ville pendant deux heures, jusqu'à ce que tous les repas soient donnés. 

La précarité ne faiblit pas en été

Julien Kauffmann voit une différence nette entre les actions faites tout au long de l'année et celles de juillet et août. Sur les réseaux sociaux cette semaine, une étudiante a lancé un appel à l'aide devant son frigo vide. "On a réagi très vite et on a pu lui livrer le jour-même trois cabas de boîtes de conserve, de fruits, de légumes et du pain, pour l'aider sur plusieurs semaines. Et on va rester en contact pour voir comment évolue sa situation, si on peut l'accompagner par la suite."

Au moins de juillet, les cas graves comme celui-là ne sont pas rares. "Certaines personnes qu'on rencontre le jeudi n'ont pas mangé depuis trois ou quatre jours, alors on augmente les rations souvent. On dit qu'il y a plus de décès en hiver avec le froid, mais en fait c'est surtout l'été parce qu'il y a beaucoup moins d'aides", explique-t-il.

Coup d'Bol a organisé d'autres partenariats avec des associations, ce qui lui permet de faire des colis solidaires pour des étudiants par exemple, mais aussi des dons ponctuels de produits d'hygiène grâce aux Règles élémentaires ou de sacs solidaires grâce à la Ligue humanitaire (trousse de secours, mini-téléphone, carte sim, couverture de survie, produits d'hygiène, gourdes en été, vestes, t-shirts, chaussettes en hiver).

On dit qu'il y a plus de décès en hiver avec le froid, mais en fait c'est surtout l'été parce qu'il y a beaucoup moins d'aides

Julien Kauffmann, Coup d'Bol

L'association strasbourgeoise participe également au remplissage du frigo solidaire de la gare. "Malheureusement, il a été vandalisé la semaine dernière, donc on a laissé un message pour faire des livraisons, on reçoit depuis beaucoup d'appels." Le frigo sera bientôt remplacé par les Frigos solidaires qui financent des frigos dans beaucoup de villes de France.

Autre initiative qui a lieu toute l'année et par tous les temps : la Tente des glaneurs, présente au marché de la Marne (croisement du boulevard de la Marne avec la rue de l'angle) depuis 2015 à Strasbourg. Chaque semaine, 8 à 12 bénevoles font le tour des commerçants présents sur le marché vers 13h au moment où ils arrêtent la vente et commencent à ranger leurs stands. Ils glanent ainsi les restes invendus impossibles à garder et qui partiraient à la poubelle. Légumes, fruits, pain, viennoiseries et fleurs uniquement, parce que les glaneurs ne sont pas équipés pour garder viandes et fromages. 

Vers 14h, commence sous la tente blanche la distribution gratuite. 40 à 50 personnes de tous âges récupèrent les fruits et légumes un peu moins beaux mais toujours comestibles. "L'été, le public est un peu différent", remarque le président, Emmanuel Gimondi. "Les étudiants sont peu nombreux, par contre, on voit des personnes qui viennent d'ailleurs et qu'on ne voit pas le reste du temps. Sans doute parce que les autres points de collectes sont fermés. Et envoie aussi les gens qui ont besoin de plus vers la distribution devant la Fabrique de théâtre". Le petit monde de la solidarité se serre les coudes, pour permettre aux plus pauvres de se nourrir correctement.

C'est aussi l'objectif de la Ville de Strasbourg et des associations Abribus et Secours Populaire qui ont reconduit cette année leur distribution alimentaire estivale. Elle a lieu du 10 juillet au 1ᵉʳ septembre à la Fabrique de théâtre (10, rue du Hohwald), du mercredi au dimanche de 12h à 14h. Sur place, dépistages et entretiens médico-sociaux gratuits sont également proposés.

Des denrées alimentaires sont à récupérer à l'Etage (quai des Bateliers) du 5 au 30 août. Enfin, pour trouver de l'aide à Strasbourg ou ailleurs, Soliguide recense toutes les initiatives d'aide alimentaire, de produits d'hygiène et quantité d'autres informations de première nécessitée pour tous ceux qui sont dans une situation précaire partout en France.