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DOCUMENTAIRE. Minitel : séquence souvenir et nostalgie avec "le 3615 ne répond plus"

Le Minitel a définitivement rendu l'âme en 2012. Retour, plus de dix ans après sa fin, sur un objet culte qui faisait la fierté des Français, devenu ringard à l'aune d'internet. Nicolas Bole, réalisateur, ravive la flamme du souvenir avec respect et nostalgie

L'année 2012 a marqué la fin du Minitel. Fasciné par le boîtier qui berce ses souvenirs, Nicolas Bole, le réalisateur du documentaire Le 3615 ne répond plus, part à la rencontre de ceux qui continuent à le faire vivre. À travers son rapport personnel et intime au Minitel, il fait ressurgir l'incroyable révolution technologique, sociétale et sociale que fut la "little french box". Une innovation liée à une époque de transition, les années 1980. Désormais, le Minitel est porteur d'un véritable enjeu patrimonial pour ceux qui tente d'en garder le souvenir vivant. Voici trois raisons de regarder Le 3615 ne répond plus .

1. Le Minitel, une révolution technologique tombée en désuétude

Le Minitel porte une image ambivalente. Très novateur pour son époque, le boîtier marron a pourtant été ringardisé par l'avènement d'Internet. Au fil des ans, son image s'est ternie au point de devenir synonyme de "loose à la française". Contre toute attente, l'arrêt du Minitel en 2012 lui a redonné une deuxième jeunesse, l'objet intéresse à nouveau et démontre à quel point il a pu révolutionner la société à sa sortie.

Lorsque France Télécom distribue le Minitel aux Français au début des années 1980, une petite révolution est en marche. Pour la toute première fois, le monde moderne entre dans les foyers. Conformément au souhait du gouvernement, l'informatisation de la société commence. Le Minitel est un bouleversement à plusieurs niveaux.

En premier lieu, la mise en place d'un réseau numérique de grande ampleur est une prouesse technologique inédite pour l'époque. Le principal défi pour les ingénieurs consiste à être prêts pour les Jeux olympiques de Moscou de 1980, afin de permettre aux journalistes d'accéder à de nombreuses informations utiles.

La deuxième révolution est sociétale. La construction des usages informatiques prend forme. Jamais auparavant les Français n'avaient passé autant de temps devant un écran avec la possibilité d'interagir via un clavier. Au début des années 1980, avoir un Minitel est synonyme de modernité. Le boîtier donne accès à de multiples services tels que l'annuaire, les résultats du bac, la voyance, les horaires des trains, etc. Les usages qu'il offre sont finalement ceux qui existent aujourd'hui sur le web. Le Minitel fait office de précurseur. Il est l'ancêtre d'Internet, celui qui a tout imaginé : " c'est quand même tout ce qui a mené au monde moderne actuel " raconte Claude Rizzo-Vignaud, archiviste chez Orange.

2. Le symbole des années 1980

Impossible de songer au Minitel sans replonger dans les années 1980, une époque à laquelle il est intimement lié. Nicolas Bole, le réalisateur du documentaire, le reconnaît lui-même : le Minitel est une madeleine de Proust. Une idée appuyée par Morgane Stricot, artiste au PAMAL : " Je pense que c'est de là que vient la nostalgie chez les gens, ou même l'émotion quand ils voient le Minitel : ils se sont tous sentis inclus. Leurs voisins ont eu aussi le Minitel. C'était fourni. Il y avait peut-être un truc de reconnaissance. Tout le monde, dans toute la France, partout, on avait le minitel qui arrivait chez les gens". Ce à quoi Amandine Chasle, artiste au PAMAL, rajoute : " Les gens ne les ont pas jetés, c'est ça qui est dingue. Ils ne les ont pas jetés donc ils s'y sont attachés. Donc c'est aussi dire que cette interface utilisateur a été assez bien pensée pour que les gens s'y attachent."

Le boîtier marron est le symbole d'une décennie révolue dans laquelle on se plait à replonger comme peut en témoigner le succès de la série Stranger Things. L'imaginaire de cette époque est présente jusqu'à la musique choisie pour accompagner Le 3615 ne répond plus.

Si le Minitel est le symbole des années 1980, il est tout autant le symbole du low-tech. Futura Science définit la low-tech comme " un ensemble de technologies utiles, durables et accessibles à tous", et s'il y a bien une chose qui caractérise le Minitel, c'est sa durabilité. Parfait contraire de l'obsolescence programmée, le Minitel est connu dès l'origine pour être particulièrement résistant : avant d'être envoyé aux Français, chaque Minitel subit un crash-test. Il doit prouver sa résistance aux coups de maillet.

Si le Minitel marque tant les années 1980, c'est aussi parce qu'il représente une période de transition. Comme le souligne la sociologue Josiane Jouët, le Minitel est le " point de passage" entre deux mondes, entre " la société de l'audiovisuel, de la presse et la société d'aujourd'hui hyperconnectée des réseaux sociaux". Nicolas Bole l'évoque également, les années 1980 est une période charnière : " On ne sait pas très bien comment le monde va changer, mais on sait qu'il va changer". La little french box représente donc le progrès, l'avenir.

Le Minitel est le témoin, le miroir de la société de l'époque. Une des images phare des années 1980 est l'affichage des résultats de l'élection présidentielle de 1981 avec l'apparition ligne par ligne du visage du nouveau président François Mitterrand.

Pour la sociologue Josiane Jouët, l'avènement des messageries emblématiques du boitier marron dit aussi quelque chose des années 1980 : " c'est la fin des idéologies, il y a une sorte de désenchantement du monde avec une remontée des formes d'individualisme et c'est à ce moment-là qu'on cherche autre chose, de nouvelles formes de convivialité", et puis le Minitel " c'étaient des jeux d'identité", une notion également très en vogue de nos jours.

3. Minitel, un patrimoine à sauver et à ressusciter

Bien que le réseau ne réponde plus depuis 2012, des passionnés tentent de garder vivante l'histoire du Minitel. Et ils y mettent du cœur. Leur obsession consiste à préserver de l'oubli cette invention qui fut une révolution, une innovation pour la France et le monde.

Parmi eux, les concepteurs du Minitel sont particulièrement attachés à cette aventure à laquelle ils ont participé. Ils sont presque tombés dans l'oubli et pourtant l'objet qu'ils ont créé fait partie du patrimoine français. Ils sont très fiers d'avoir participé à cette épopée, d'avoir travaillé dur pour mettre au point une avancée technologique majeure, avant-gardiste, révolutionnaire et innovante. Saviez-vous par exemple que les créateurs du télétexte sont les inventeurs du format JPEG ?

 

Le Minitel porte désormais une image désuète, ringarde, qu'ils ne ressentent pas, eux qui se sont trouvés au cœur du projet. Certains récupèrent le matériel de l'époque, d'autres constituent des bases de données, d'autres encore ressuscitent des pages mythiques du 3615... Tous se battent pour que le Minitel ne tombe pas dans l'oubli. Leur émotion est palpable quand ils évoquent leur rapport au Minitel, à l'image de Bernard Marty dont les yeux s'embuent face à Nicolas Bole.

L'histoire du Minitel vit en eux avec force. La nostalgie de cette époque tourbillonnante les habite. C'est ce qui est le plus touchant dans ce documentaire : voir à quel point ces personnes ont été marquées par ce qu'elles ont accompli, et leur volonté inébranlable à vouloir sauver ce morceau de patrimoine. Pour ne pas oublier d'où nous venons tous.

Les concepteurs du Minitel ne sont pas seuls dans leur quête de préservation et de mémoire. Des passionnés extérieurs s'y intéressent aussi. C'est le cas des artistes-chercheuses du PAMAL qui se penchent sur la naissance de l'art numérique à travers une discipline qu'on appelle l'archéologie des médias. C'est ainsi qu'elles ont travaillé sur L'objet perdu, un roman numérique érotique à choix multiples, qui est exposé au Centre Pompidou. Mine de rien, le Minitel que beaucoup ont oublié, est présent de bien des manières dans nos vies, grâce au travail de passionnés, mais aussi par la façon dont il a marqué l'histoire du numérique, de notre société. Plus étonnant encore, le Minitel serait présent sous nos pieds et nos roues puisqu'à partir de 2012, il a été recyclé et a permis de construire des routes.

En complément de ce documentaire, ne ratez pas la websérie en cinq épisodes présentée par Fannyfique, youtubeuse vintage, disponible sur la chaîne Youtube de France 3 Grand Est et sur France.tv.

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