La Région Grand Est, la ville de Strasbourg, l’Eurométropole et les deux départements ont envoyé une lettre au président du Parlement européen pour s'opposer à un projet de rénovation de l'hémicycle de Bruxelles. Au coeur de la fronde, l'inactivité du site strasbourgeois depuis mars.
L'union sacrée. Ils sont tous mobilisés, bien décidés à maintenir Strasbourg comme place forte du Parlement européen. La Région Grand Est, la Ville de Strasbourg et l'eurométropole, et les départements du Bas-Rhin et Haut-Rhin se sont insurgés, dans une lettre ouverte, contre la possible réhabilitation du bâtiment Paul-Henri Spaak, le "Caprice des dieux", à Bruxelles. Les élus ont fait part de leur "surprise en apprenant qu'il est prévu de rénover l'hémicycle à Bruxelles (...) pour un montant de l'ordre de 500 millions d'euros". Une lettre envoyée la semaine dernière au président du Parlement européen, David Sassoli.
Ces acteurs alsaciens ont lancé ce mardi 24 novembre une large offensive médiatique. Ladite lettre a été publiée dans des journaux français (L'Alsace, les DNA, Le Monde) mais aussi allemands (Stuttgarter Zeitung), luxembourgeois (Luxemburger Wort) et même belge (Le Soir).
Ils remettent surtout en cause le fait que le site strasbourgeois soit inactif. Depuis mars et le premier confinement lié à la pandémie de coronavirus, le Parlement européen de Strasbourg est à l'arrêt. Aucune session plénière - la ville alsacienne en accueille une par mois - ne s'y est tenue depuis. Et Bruxelles, où se déroulent habituellement les sessions de travail, a accueilli des sessions en septembre et en octobre, ce qui a agacé les collectivités alsaciennes.
Fuites, problèmes de stabilité, défauts de climatisation
Le Parlement européen réfléchit depuis plus de trois ans à rénover son bâtiment central à Bruxelles : soit la rénovation, soit la démolition-reconstruction du "Caprice des dieux", inauguré en 1993. Un article du journal Le Monde, du 16 juin 2017, évoque des "fuites, des problèmes de stabilité ainsi que des défauts de climatisation et d’isolation" pour un édifice qui aurait coûté 303 millions d'euros.Jean Rottner, président de la région Grand Est, se pose des questions sur un tel investissement. "Il y a sujet à se poser des questions sur le soutien de Bruxelles et des institutions européennes à la position stratégique et de capitale européenne de Strasbourg. Est-ce raisonnable alors que nous sommes en pleine crise et qu'il y a toutes les infrastructures disponibles ou en voie de l'être sur Strasbourg ?"
"C'est l'heure pour que le gouvernement français envoie des signaux extrêmement forts, pas en discutant avec l'un ou avec l'autre, mais que publiquement, le gouvernement français se prononce fortement pour Strasbourg."
Une position qu'a adopté le gouvernement français dès le lendemain de la publication de l'encart publicitaire. Le secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes, Clément Beaune, a écrit au président du Parlement européen, David Sassoli, pour s'inquiéter de l'absence des séances plénières à Strasbourg et soutenir la ville française face à Bruxelles. "La France maintient donc sa demande d'une reprise au plus vite des travaux du Parlement dans le cadre prévu par les traités", a t-il écrit dans une lettre qu'il a publiée sur Twitter.
#Strasbourg | La mobilisation du @gouvernementFR pour Strasbourg, capitale européenne, est constante et concrète. J’écris aujourd’hui au @EP_President David Sassoli pour conforter le siège du Parlement européen @Europarl_FR ⤵️ ???? pic.twitter.com/xBPAURA7fl
— Clement Beaune (@CBeaune) November 25, 2020
L'opacité dénoncée
Frédéric Bierry, président du Conseil départemental du Bas-Rhin, voit dans ces éventuels travaux une volonté de déplacer la capitale de l'Europe à Bruxelles. "Cette volonté de priver Strasbourg de ce siège, en faisant glisser toute une partie de l'action publique du parlement à Bruxelles, priver Strasbourg et la France, elle rique d'être renforcée si on refait l'hémycicle."Il dénonce l'opacité du Parlement européen par rapport à la situation du "Caprice des dieux" :
"On n'arrive pas à avoir d'informations sur la construction, appel à candidatures pour réfléchir aux projet de réhabilitation, combien ça va couter, on sait qu'une décision pourrait intervenir en début d'année prochaine, on n'a pas d'éléments factuels, nous pensons que c'est un flou volontaire pour cacher au contribuable européen la volonté d'investir des sommes très importantes pour un projet qui ne se justifie pas."
"Nous appelons le Parlement européen à engager rapidement un débat public sur le projet de rénovation du Caprice des dieux. Un tel projet de 500 millions d'euros ne peut se concrétiser sans un véritable débat avec nos concitoyens", est-il écrit dans cette lettre ouverte, où sont invoqués des crises économique, sociale, climatique, environnementale et de confiance pour retoquer ce projet. "Quelle pertinence d’engager un projet de 500 millions € pour la reconstruction d’un hémicycle neuf à Bruxelles alors qu’il en existe un fonctionnel à Strasbourg ?" s'est demandée sur Twitter, Fabienne Keller, députée européenne du groupe Renew Europe.
Fabienne Keller espère que le Parlement sera actif à Strasbourg "le mois prochain. Si la situation sanitaire se stabilise et que Strasbourg est dans une moins mauvaise situation (sanitaire) que Bruxelles..." L'année 2021 sera charnière à Strasbourg : à proximité immédiate du Parlement européen, un bâtiment de 15 000 m² sera opérationnel dès septembre pour accueillir d'autres services du Parlement européen, de la Commission europénne, ou du Conseil européen.