Procès de l'attentat de Strasbourg : "je n'ai tué personne !", le principal accusé Audrey Mondjehi pique une nouvelle colère

Pour son troisième jour d'interrogatoire, Audrey Mondjehi a continué à nier avoir eu connaissance de la radicalisation et du projet d'attentat du terroriste Chérif Chekatt. Le principal accusé du procès de l'attentat du marché de Noël de Strasbourg s'enfonce dans des explications encore plus douteuses.

Ses réponses interrogent, agacent, font parfois sourire nerveusement. Dans son box, Audrey Mondjehi continue à se contredire sur ses liens avec Chérif Chekatt, l'auteur de l'attentat du marché de Noël de Strasbourg du 11 décembre 2018. Le rappeur strasbourgeois, accusé d'avoir aidé le terroriste à se procurer l'arme utilisée pour l'attaque, a du mal à clarifier ses propos.

Voilà trois jours que l'accusé est interrogé par la cour d'assises spéciale. Elle tente de savoir si Audrey Mondjehi savait que Chérif Chekatt comptait commettre un attentat en lui demandant une arme à l'automne 2018. Ou plutôt, comment l'homme de 42 ans pouvait ignorer un tel projet. Vendredi, Mondjehi avait assuré ne pas avoir remarqué la radicalisation de Chekatt et l'a répété ce lundi 25 mars.

On y allait pour profiter du paysage, il y avait des grillades et des merguez

Audrey Mondjehi

Une doudoune sans manches noire couvre la chemise blanche que l'accusé porte régulièrement depuis le début du procès. Il répète encore et encore que Chérif Chekatt n'était pas un proche, encore moins un ami. Pourtant, il l'emmène à plusieurs reprises au quartier des Pins de Haguenau à partir de septembre 2018. Le 19, ils achètent à Christian Hoffmann une kalachnikov factice et y retournent plusieurs fois par la suite.

"On y allait pour profiter du paysage. Il y avait des grillades et des merguez. Il n'y avait rien de spécial", assure-t-il à la présidente qui se demande pourquoi l'accusé fait tous ces trajets avec Chekatt alors que les deux hommes ne se sont pas vus pendant onze ans.

Corinne Goetzmann questionne Audrey Mondjehi, essaie de le cerner. "Quand Chérif Chekatt casse la puce de son téléphone et utilise d'autres lignes, à aucun moment vous ne lui demandez pourquoi il fait ça ? Pour vous, c'est un comportement normal qui n'amène pas de questions ?". "Je ne sais pas, je ne le connais pas personnellement", grommelle l'accusé. Une phrase qu'il a répétée de nombreuses fois depuis le début de son interrogatoire.

Mondjehi ne comprend pas qu'il n'était pas sur écoute 

Ce dernier assure ne pas avoir été au courant des recherches de Chérif Chekatt au sujet de l'utilisation d'une carabine défectueuse ou de ses nombreux chants qui appellent au djihad retrouvés sur son MP3, des nasheed. "Nasheed ? C'est quoi nasheed ? Je n'ai aucune connaissance de ça, il ne m'en a jamais parlé. Je n'ai rien à voir avec ça, je n'y connais rien", s'énerve-t-il.

Toujours agacé, il répond à la présidente que les enquêteurs n'ont qu'à écouter ses appels téléphoniques avec Chekatt avant l'attentat s'ils veulent savoir ce que les deux hommes se disaient. "Vous le faites exprès ? Ça doit être la cinquième fois que je vous dis que vous n'étiez pas sur écoute avant le 12 décembre", rétorque la présidente.

Tu seras le prochain sur la liste, tu auras de mes nouvelles sur BFMTV

Chérif Chekatt

à Audrey Mondjehi

"De tout et de rien". Voilà de quoi Mondjehi et Chekatt parlaient pendant tout ce temps selon l'accusé strasbourgeois. De quoi interroger la cour. "C'est vraiment très étonnant que vous ne soyez pas capable de nous dire de quoi vous parliez", interroge Corinne Goetzmann. "Chacun fait ses trucs de son côté, ce n'est pas un proche à qui je me confie. Tous ses projets, il ne m'en fait pas part. C'était quelqu'un de réservé."

Pourtant, une phrase retient l'attention de la cour. Le lendemain de l'attentat, Audrey Mondjehi a parlé à plusieurs proches d'une altercation avec le terroriste au sujet d'un versement en attente de 200 euros en échange de vêtements. "Tu crois que j'ai peur de toi ? Tu seras le prochain sur la liste. Tu auras de mes nouvelles sur BFMTV", lui aurait lancé Chekatt début décembre 2018.

Strasbourg, "un petit village"

À l'audience, Mondjehi explique que cette phrase ne l'avait pas marqué sur le coup. "Je n'ai pas pensé à quoi que ce soit parce qu'à cette époque, il n'avait rien fait. Il n'était connu que pour des vols. Je ne voyais pas où il voulait en venir. Il y a aussi beaucoup de mythomanes. Ils disent qu'ils vont faire certaines choses mais ne les font jamais."

Pourtant, à l'époque, les liens toujours plus proches entre Chérif Chekatt et l'islam radical sont connus dans les quartiers de Strasbourg. L'avocate générale s'interroge alors. Comment Audrey Mondjehi pouvait ignorer cela tout en l'aidant à obtenir une arme ? "Vous dites vous-même que Strasbourg est un petit village où tout se sait. On a beaucoup de témoignages qui parlent de Chérif Chekatt comme quelqu'un de violent, de quelqu'un qui rappelle à tout le monde de faire sa prière..."

Vous me posez toujours des questions inutiles !

Audrey Mondjehi

à l'avocate générale

"Il ne m'a jamais fait part de tout ça. J'aimerais bien répondre à votre question, mais les personnes qui ont dit ça, ce sont ses proches, des personnes qui ont été condamnées avec lui. Moi, je ne l'ai jamais vu faire la prière, il ne parlait à personne", répond l'accusé avant de s'en prendre à son interlocutrice. "Vous me posez toujours des questions inutiles ! Je ne peux pas camoufler quelque chose comme ça. Ça ne sert à rien de chercher."

Vient ensuite une nouvelle scène de furie de l'accusé, qui est rentré dans des phases de colère plusieurs fois depuis qu'il est interrogé. À une question de l'avocat de parties civiles Arnaud Friederich, Audrey Mondjehi s'emporte. "Pourquoi je suis vert de rage ? Parce que je ne tolère pas ce qu'il a fait ! Je n'ai tué personne ! Je ne suis pas le terroriste. Quand j'entends vos questions, on m'agresse presque !"

"Il va falloir que vous acceptiez que c'est votre procès et que dans un procès, on pose des questions", intervient la présidente. "Restez courtois et n'interrompez pas les personnes qui vous posent des questions." L'audience se poursuit avec la deuxième recherche d'arme de Chérif Chekatt début décembre, celle à Haguenau étant resté infructueuse avec une kalachnikov factice et une carabine défaillante.

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