Procès de l'attentat de Strasbourg : "Chérif Chekatt cachait bien son jeu" autour de sa radicalisation, assure Audrey Mondjehi

Ce 22 mars, au procès de l'attentat du marché de Noël de Strasbourg, Audrey Mondjehi a été interrogé sur les liens qu'il entretenait avec Chérif Chekatt, l'auteur de l'attaque. Toujours aussi confus dans ses réponses, le principal accusé s'est emporté à plusieurs reprises.

La veille, Audrey Mondjehi avait rendu la cour et les avocats perplexes en répondant souvent à côté des questions qui lui étaient posées sur son passé. Ce vendredi 22 mars, alors que le fond de l'affaire est abordé au procès de l'attentat du marché de Noël de Strasbourg, l'homme, accusé d'association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, a encore multiplié les contradictions.

Qui est Chérif Chekatt pour Audrey Mondjehi ? Un ami ou une simple connaissance de prison ? Les deux hommes ont été incarcérés ensemble au centre de détention de Saint-Mihiel (Meuse) en 2007. Pas dans la même cellule, mais dans le même bâtiment. Mondjehi l'assure, les deux hommes ne se sont croisés qu'une fois dans la prison.

Des confusions dès les premières questions

"La deuxième fois qu'on s'est vu, c'est quand il est venu me chercher dans mon quartier en 2018. Avant cela, il n'y a eu aucun contact", continue l'accusé. Première contradiction par rapport à ce qu'il avait affirmé en garde à vue. "Vous aviez dit qu'en 2016, Chérif Chekatt vous a proposé une arme après que vous avez été victime d'une agression. Pourquoi dites-vous le contraire ?", lui demande la présidente.

"Mais je n'ai jamais dit ça. Je sais ce que je dis. Ça a dû être rajouté...", répond l'accusé, tout en disant l'inverse. "Mais peut-être que je n'ai pas dit de vraies déclarations. J'ai menti dès le départ pour couvrir certaines personnes. Je ne sais pas pourquoi j'ai dit ça, j'étais fatigué", tente-t-il de répondre dans son box. Tout au long de la journée, Audrey Mondjehi enchaîne les approximations, les confusions, commence une phrase puis la termine par son contraire. 

Au bout de vingt minutes, la présidente Corinne Goetzmann s'exaspère, lève les yeux au ciel et abandonne une question qu'elle s'apprêtait à poser. Puis vient le fond de l'affaire : pourquoi Chérif Chekatt a-t-il renoué contact avec Audrey Mondjehi en septembre 2018 ? "Il est venu dans mon quartier et m'a demandé si je pouvais lui trouver une arme. Et je l'ai mis en contact avec des personnes susceptibles d'en vendre."

De quoi étonner la présidente. "Vous acceptez de fournir une arme à cet homme que vous n'avez pas revu depuis onze ans ?". En réponse, Audrey Mondjehi explique qu'à cette époque, il était en dépression après une rupture et qu'il a surtout voulu "rendre service"

Fournir une arme pour briser la solitude d'une rupture ?

Dans un échange parfois tendu avec la présidente, Audrey Mondjehi explique qu'en aidant Chérif Chekatt à trouver une arme, il voulait briser sa routine alors qu'il s'ennuyait. Dans la foulée, Corinne Goetzmann lui rappelle que la veille, il avait expliqué qu'il avait plusieurs emplois et des clips de rap à monter. "C'est incompréhensible...", souffle la présidente.

Chacun a son jardin secret

Audrey Mondjehi

Au sujet de Chérif Chekatt

Audrey Mondjehi est le seul à avoir des charges terroristes contre lui dans ce procès. Il est accusé d'avoir été au courant du projet d'attentat de Chérif Chekatt quand ce dernier lui demande de l'aide pour obtenir une arme. Devant la cour d'assises spéciale, l'homme de 42 ans répète qu'il n'en savait rien. "Je ne pensais pas que ça servirait à un acte gravissime. Chérif était connu pour des affaires de droit commun. Il n'allait pas me dire ce qu'il comptait faire, de peur que je le balance. Chacun a son jardin secret."

Pourtant, Chekatt et Mondjehi sont très proches entre septembre et décembre 2018. S'ils ne se voient pas tous les jours, les appels téléphoniques sont quotidiens. "On parlait de tout et de rien, des choses de la vie. Je lui disais 'Viens, on va manger un snack, on va se balader au lac'. Puis parfois, il me demandait où ça en est pour l'arme. Ce n'était pas un ami proche", jure-t-il.

"On parlait beaucoup au téléphone, mais on se voyait moins. Il n'était pas marié avec moi ! Il n'y avait pas que lui dans ma vie", continue l'accusé. "Ah, donc vous ne vous ennuyiez pas tant que ça finalement", répond Corinne Goetzmann avec ironie.

Il ne m'a jamais parlé de religion

Audrey Mondjehi

Au sujet de Chérif Chekatt

Une grande partie des débats a tourné autour de la question de la radicalisation de Chérif Chekatt. Une radicalisation constatée dans des rapports de l'administration pénitentiaire, quand il glorifie en 2015 l'attentat contre Charlie Hebdo ou qu'il fait des appels à la prière depuis la fenêtre de sa cellule. Plusieurs témoignages des proches du terroriste font également état du port d'une longue barbe à l'été 2018 ou de vêtements traditionnels.

"Je n'ai jamais vu ça. Il avait les cheveux rasés et une petite barbe. Les personnes qui peuvent dire qu'il était radicalisé, c'est sa famille. Moi, il ne m'a jamais parlé de religion. Il ne parlait pas, il cachait bien son jeu", assure Mondjehi. Au sujet de la tabaâ, la marque sur front qu'avait Chérif Chekatt à force de prier au sol, Mondjehi continue ses confusions. "Je sais que c'est le signe d'une personne qui pratique assidûment l'islam. Mais je ne l'ai jamais vu faire une prière."

"Je me suis fait berner ! Je n'ai rien à voir avec tout ça. Certes, j'ai fait une erreur. Mais je suis un être humain, je souffre comme tout le monde. Je ne sais plus quoi dire. Je suis fatigué avec cette merde ! Ça y est maintenant !", s'emporte Audrey Mondjehi après une question de l'avocat général. Plus tôt dans la matinée, il avait déjà haussé le ton face à la présidente, lui demandant de ne plus prononcer le nom de Chérif Chekatt. "J'en ai marre de lui ! Ce monstre, je ne veux pas qu'on l'appelle Chérif", avait-il crié.

Vous êtes complétement paumé !

Michael Wacquez

A son client Audrey Mondjehi

Audrey Mondjehi est interrogé depuis plus de deux jours. Il mélange les dates, est de moins en moins clair dans ses réponses, appelle l'avocat général "Madame". "Vous êtes complètement paumé !", lui lance même son avocat Michael Wacquez. "C'est normal, je suis fatigué de tout ça. Ça fait cinq ans... J'étais si bête ! Si j'avais su... Il m'a eu, j'étais con", répond son client.

La semaine prochaine, Audrey Mondjehi et les trois autres accusés seront interrogés sur la fourniture de l'arme à Chérif Chekatt. Celle avec laquelle le terroriste a tué cinq personnes et en a blessé onze autres le 11 décembre 2018.

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