Procès de l'attentat de Strasbourg : le principal accusé, Audrey Mondjehi, enchaîne les contradictions lors de son interrogatoire

Les 20 et 21 mars 2024, pour la troisième semaine du procès de l'attentat du marché de Noël de Strasbourg, le principal accusé, Audrey Mondjehi, a été longuement interrogé. La cour d'assises spéciale est revenue sur son passé, entre déboires avec la justice et clips de rap provocateurs.

Depuis le début du procès de l'attentat de Strasbourg, qui a débuté le 29 février, Audrey Mondjehi est resté silencieux, dans son box, le plus souvent la tête baissée. Mais depuis le mercredi 20 mars, l'homme accusé d'association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste est entendu par la cour d'assises spéciale. Chemise sur le dos, tantôt blanche, tantôt rose pâle, il répond aux questions qu'on lui pose avec quelques contradictions malgré tout.

Audrey Mondjehi est arrivé à neuf ans en France pour rejoindre sa mère. Il n'a "manqué de rien" lors de son enfance. "J'ai vécu comme un enfant qui essaie de faire sa place dans une nouvelle famille", explique celui qui a été arraché à son père, commissaire de police en Côte d'Ivoire, pour rejoindre en 1989 ses seize beaux-frères et belles-sœurs à Strasbourg. Des proches qu'il ne connaît alors pas.

Sa place, Audrey Mondehi a aussi voulu se la faire dans le quartier de Hautepierre, là où il a grandi. C'est comme cela qu'il explique ses multiples condamnations dès 1997, pour vol en réunion ou outrage à agents. Au total, l'Ivoirien aura été condamné à 22 reprises avant son placement en détention provisoire en décembre 2018 dans le cadre de l'attentat de Strasbourg.

Quand on vit dans un quartier, on veut se faire remarquer

Audrey Mondjehi

"Les erreurs du passé, je n'en suis pas fier. Tout ça, c'est derrière moi. La personne qui est en face de vous a beaucoup changé. J'étais jeune, con ! Quand on vit dans un quartier, on veut se faire remarquer. C'était sous l'influence des copains", explique-t-il à la présidente Corinne Goetzmann.

Malgré toutes ces condamnations, auxquelles il faut ajouter celles pour violences conjugales, l'accusé refuse de se considérer comme quelqu'un de violent. De quoi interloquer la présidente. "À votre avis, combien y a-t-il de condamnations pour violence sur votre casier judiciaire ?", lui rappelle-t-elle. "Onze", poursuit-elle après un moment de silence de Mondjehi.

Avez-vous un problème avec les dates ?

Corinne Goetzmann

Présidente de la cour d'assises spéciale

Les silences de l'accusé sont rares dans ce long interrogatoire. Audrey Mondjehi s'exprime beaucoup, répond à toutes les questions. Mais plonge parfois la cour et la salle d'audience dans l'incompréhension. Il confond la date de naissance de son fils, assure qu'il lui achetait des couches alors qu'il l'a connu à l'âge de douze ans. Plus tôt, le rappeur strasbourgeois avait indiqué être né en 1981 alors qu'il prétend être né deux ans plus tôt dans une de ses chansons.

"Avez-vous un problème avec les dates ?", interroge la présidente. "Je ne comprends pas vos réponses et je suis frappée par leur confusion, en tout cas leur manque de précision. C'est ce qui m'a aussi marqué quand j'ai lu vos différentes auditions dans la procédure."

Des clips diffusés pendant le procès

L'accusé a été interrogé sur son passé de rappeur. C'est par la musique et ses vidéos qu'il s'est fait connaître sur YouTube sous le pseudo "1pulsif". En 2008, son clip "DAR" avait fait parler de lui. On y voit un policier kidnappé et roué de coups ainsi que des femmes tenues en laisse.

"J'aimais bien jouer dans la provoc'. C'est ça qui me rapporte de l'argent. J'aimais jouer sur la polémique, il fallait que mes clips passent parler d'eux. Certaines images peuvent choquer, mais tout ça, c'est scénarisé, c'est du cinéma", assure-t-il avant que trois de ces clips soient diffusés à l'audience.

Pendant ces longues minutes de rap hardcore, où armes, grosses voitures et femmes dénudées font doucement sourire l'audience quand elle n'est pas choquée, Mondjehi reste assis, la tête dans ses mains. Il ne veut pas revoir ces images dont il est pourtant à l'origine.

Là encore, Mondjehi se contredit et provoque l'incompréhension. "Je ne pensais pas que ça allait défrayer la chronique. Si j'avais su que ça aurait fait toute cette polémique... J'habite à Strasbourg, une ville paumée loin de Paris, je voulais juste montrer aux autres rappeurs comment c'était dans le quartier", lance-t-il après le visionnage de "DAR".

Deux autres clips, sortis en 2018, sont diffusés. Dans "La Concurrence", Audrey Mondjehi prie sur un tapis en portant une djellaba, entre deux plans d'une église. "Je veux dire que n'importe qui fait du mal et demande pardon le vendredi ou le dimanche, à la mosquée ou l'église. Je veux dire que peu importe l'origine, l'être humain fait des conneries", justifie l'accusé.

D'autres références à l'islam interrogent la cour. Dans "Ma signature", 1pulsif remercie le prophète et s'adresse à "Dieu le clément, le miséricordieux". Il cite également "Allah le tout-puissant, le seul dieu créateur et son prophète" dans "Cartel".

J'aurais pu dire 'Abraham, Marie, Joseph'... Ce ne sont que des dédicaces

Audrey Mondjehi

Au sujet des références à Allah dans ses clips

"Que viennent faire ces références à une religion qui n'est pas la vôtre ?", lui demande Corinne Goetzmann. "Ce sont des dédicaces à mes enfants (dont leurs mères sont musulmanes, nldr.). N'allez pas chercher si loin Madame, je ne connais pas cette religion. C'est juste un projet artistique. J'aurais pu dire 'Abraham, Marie, Joseph'... Ce ne sont que des dédicaces", répond Mondjehi qui se définit comme chrétien. Pourtant, plusieurs de ses proches ont fait part d'une conversion à l'islam pendant l'instruction.

Puis, avant même qu'il ne soit interrogé sur le fond de l'affaire, Audrey Mondjehi aborde le sujet seul. Pour rappel, il est accusé d'avoir permis à Chérif Chekatt d'obtenir l'arme avec laquelle il a commis l'attentat du marché de Noël. "Je n'ai tué personne, je ne suis pas un terroriste ! Au fond de moi, je suis abattu. Je vous écoute, mais j'ai la tête ailleurs", lâche-t-il en sanglotant.

En 2007, lui et Chérif Chekatt se rencontrent au centre de détention de Saint-Mihiel (Meuse). "Dix ans plus tard, Chérif vient me voir et me demande si je connais quelqu'un qui vend des armes. Je rends service à tout le monde. Et je faisais ça en pensant qu'il était comme avant, comme quelqu'un qui faisait des braquages. C'est là que je l'ai présenté à des personnes", explique Mondjehi.

"Il est tellement gentil, il rend service à tellement de monde qu'il a fréquenté des gens qui peuvent être instables. Ses fréquentations, c'est la seule chose que je peux lui reprocher", avait témoigné une des anciennes compagnes d'Audrey Mondjehi pendant le procès. Lui et les trois autres accusés seront entendus jusqu'à la semaine prochaine avant les plaidoiries des parties civiles.

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