Strasbourg : le campement de migrants de la place de l'Etoile démantelé, après des semaines de polémique entre la mairie et la préfecture

Il était 6h00 ce mardi 6 décembre quand les dizaines de fourgons de CRS ont encerclé la place de l'Etoile à Strasbourg. Une cinquantaine de personnes encore présentes sur le camp ont été délogées de leur tente avant d'être transportées jusqu'au gymnase Branly.

C'est donc au petit matin, alors qu'il faisait encore nuit et que les températures dépassaient à peine les 2 degrés que les fourgons de police sont arrivés place de l'Etoile. Les tentes sont fouillées une par une. Il ne reste plus grand monde sur le parc, la plupart des migrants ont quitté les lieux ce weekend.

Mihaiev, un Géorgien arrivé à Strasbourg il y 4 mois avec sa femme et son fils rassemble l'indispensable. Les papiers, quelques vêtements de rechange. Désorienté, abasourdi il ne comprend pas ce qu'il se passe. "Je ne sais pas où on va. Je ne sais pas ce qu'il va se passer pour nous" explique-t-il. Se disant malade, il est venu en France pour pouvoir être traité. Comme tous ceux qui ont passé la nuit sur le camp, il monte dans le bus affrété par la préfecture. Direction le gymnase Branly du côté de la place de Bordeaux. 

A quelques pas de là, Arla, 10 ans est avec sa mère et son petit frère. La famille albanaise est en dehors du périmètre de sécurité. Ils ont été hébergés par des citoyens la nuit dernière, après avoir eu connaissance de l'évacuation du campement. Mais toutes leurs affaires sont à l'intérieur des tentes, dans le camp encerclé par la police. "On ne sait pas quoi faire. Nous aimerions récupérer nos affaires mais j'ai école dans une heure" explique la petite fille dans un français quasi parfait. Avec sa famille, elle a vécu près de 8 mois sur le camp dans des conditions très compliquées. "Il y avait les rats, j'ai fait une allergie après plusieurs attaques de moustiques. Aujourd'hui, il fait trop froid", raconte-t-elle.

Ce mardi matin, Arla et sa famille sont perdues. Ne sachant pas quoi faire, monter dans le bus au risque d'être envoyé dans un centre de rétention, rester dans la rue, dans le froid. "C'est une situation très incertaine pour cette famille, ils n'ont pas de solution d'hébergement pour ce soir. Le 115 est déjà saturé", s'inquiète Nicolas Fuchs, coordinateur régional de la section Alsace à Médecins du monde. Les enfants finalement, iront à l'école comme tous les jours depuis la rentrée. La mère, elle va pouvoir récupérer quelques effets personnels et tenter de trouver un lieu chaud pour passer la nuit.

"L'urgence est sous les fenêtres de la mairie"

Des conditions précaires, indignes. C'est ce que dénoncent depuis des semaines, des mois les différentes associations. "Aujourd'hui, ce n'est plus tenable pour ces personnes. L'hiver s'est installé. Le camp s'est transformé en décharge à ciel ouvert. L'urgence est là sous les fenêtre de la mairie",  dénonce Tonio Gomez, porte-parole de l'association D'ailleurs et d'ici 67. Et pourtant il y avait des solutions qui auraient pu être prises dès le début soutient-il. "La préfecture comme la mairie n'ont pas assumé leur responsabilité durant tous ces longs mois. Si la politique gouvernementale est totalement inhumaine. La mairie qui se dit écologiste, de gauche, humaniste pouvait prendre les choses en main comme réquisitionner des logements vacants et ne pas laisser des enfants dormir dans la rue".

Ordonné par le tribunal administratif vendredi dernier, l'évacuation du camp s'est faite dans le calme. "45 personnes ont été prises en charge par les services de l'Etat et mises à l'abri dans un gymnase aux fins d'examen de leur situation administrative et de la détermination de solution d'hébergement adapté", précise la préfecture du Bas-Rhin dans un communiqué de presse. "Le gymnase, c'est surtout un centre de tri" déplorent les associations présentes dès l'aube. "On le sait, pour ceux qui ont épuisés tous les recours administratifs, ils seront envoyé à Bouxwiller au centre d'aide au retour. Un retour au pays alors que certains ont fui la misère, la prostitution, la mafia locale" se désole Tonio Gomez.

"On ne fait que déplacer le problème"

En colère aussi, les autres militants, "Strasbourg, capitale de Noël, capitale de la honte ! Des dizaines de famille ont été prises en otage dans un jeu de ping-pong politique entre la préfecture et la municipalité de Strasbourg. Un bras de fer qui s'est éternisé. Chacune se renvoyant la balle. Chacune attaquant l'autre en justice. La maire écologiste Jeanne Barseghian a décidé ce lundi 5 décembre de poursuivre l'Etat et sa représentante locale, la préfète du Bas-Rhin, pour carence et inaction en matière de mise à l’abri. Deux jours seulement après la décision du tribunal administratif ordonnant à la ville d'évacuer le camp. A 9h ce mardi matin, l'opération était terminée. Les tentes sont vides. Mais semblent encore habitées. Des chaises, des vêtements, de la nourriture jonchent le sol de ce parc de l'Etoile. Les services de nettoyage ont procédé au nettoyage du site.

La question qui taraude désormais les associations. Que vont-ils devenir? Pour les 48 personnes évacuées (11 femmes, 37 hommes) ce mardi matin et véhiculées jusqu'au gymnase Branly, la préfète du Bas-Rhin, Josiane Chevalier assure qu'elles seront toutes hébergées cette nuit. "Soit en centre d'acceuil, ou d'aide au retour pour une grande partie, soit dans des hôtels. Une personne en situation irrégulière a été placée en centre de rétention administrative", explique la préfète. Les 23 autres étrangers en situation irrégulière ont été conduits au centre d'aide pour le retour de Bouxwiller -(Bas-Rhin). 

En moins de 3 heures, le gymnase Branly a retrouvé ses fonctions de salle de sport. Mais difficile de savoir quel est le sort réservé à tous les migrants de la place de l'Etoile, plus de la moitié avait déjà quitté le camp avant le démantèlement.

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