Ils sont français ou étrangers, en première année ou en master, ils cherchent désespérément un logement à Strasbourg. La débrouille ne suffit plus et parfois l'année universitaire commence dans la déprime. Témoignages.
Rue de la Krutenau à Strasbourg, un jeune homme ouvre le coffre d'une voiture, en extirpe une grosse valise et deux sacs à dos. Samuel Morizot a pris toutes ses affaires ce matin en partant de chez ses parents à Parthenay (79).
Il a trouvé in extremis une place dans un dortoir de six lits, dans une auberge de jeunesse, c'est là qu'il dormira les deux premières nuits. "Mais à 40 euros la nuit, je ne pourrai pas y rester. Il va falloir que je trouve autre chose rapidement, une coloc ou un airbnb pas cher", explique l'étudiant en chimie.
Samuel n'est pourtant pas nouveau dans la capitale alsacienne. Il y a déjà habité un an, mais il a dû rendre son appartement fin juin, trop cher pour lui. "Cette année, la recherche de logement est catastrophique. Zéro appartement libre, dès qu'il y en avait un, il était pris en une heure ! Et moi qui était à distance en plus, je n'arrivais pas à faire de visite, les gens ne voulaient pas en faire en visio."
Cette année, la recherche de logement est catastrophique. Zéro appartement libre, dès qu'il y en avait un, il était pris en une heure ! Et moi qui était à distance en plus, je n'arrivais pas à faire de visite.
Samuel Morizot, étudiant en chimie à Strasbourg
Cette solution n'est vraiment pas confortable pour commencer son année universitaire. Il va devoir trouver une place de parking (payante sans doute), mettre sa télévision et ses quelques affaires de valeur chez un ami, et continuer de chercher avant et après les cours un logement. Il a déjà trouvé une coloc à partir du 29 septembre, la suite de son année universitaire devrait se dérouler ensuite sans difficultés.
Des logements d'urgence
Samuel ignorait que l'association des étudiants de Strasbourg (AFGES) a mis en place des logements d'urgence pour les étudiants dans sa situation : du 22 août au 15 octobre, 27 lits d'urgence sont disponibles gratuitement sur simple demande, 20 places dans trois dortoirs situés dans l'auberge de jeunesse The People et 7 places dans un hôtel à Illkirch.
Les étudiants peuvent y rester le temps de trouver un logement, et pour une durée de 10 jours maximum. "Nous avons augmenté le nombre de lits disponibles cette année, mais cette semaine, ils sont tous occupés, et la liste d'attente est longue", explique Alexa Foulon, présidente de l'AFGES.
Mohammed Margoum est l'un des étudiants qui bénéficie de ce dispositif. Il est arrivé le 21 août pour chercher un logement, en habitant chez un ami dans le Sud de la France, et même en arrivant sur Strasbourg, il n'a pas réussi à trouver.
Les 10 jours proposés par l'AFGES lui sont d'un grand secours, et lui permettent de chercher plus sereinement. "J'étais en train de répondre à une annonce à l'instant, mais je ne suis pas très satisfait. C'est à une heure de transport en commun, et c'est malgré tout très cher, 400 euros pour une coloc. Je vais chercher encore un peu, pour moi c'est trop cher".
L'étudiant est en master des sciences de l'ingénierie des systèmes numériques virtuels à l'INSPE à Colmar, et il passe tout son temps à chercher un logement. ll se connecte sur les sites (la carte des colocs, se loger, le bon coin, market place et la page étudiants à Strasbourg) pour augmenter ses chances de trouver un toit rapidement, "mais il y a beaucoup d'arnaques, alors on perd du temps à trier les fausses offres des bonnes".
Entraide
Plus loin, Abdou et Cheikhouna marchent dans la rue de Zurich, un papier à la main et le nez en l'air. Ils cherchent L'Etage, une association qui aide les jeunes de moins de 25 ans. Ils viennent d'arriver du Sénégal, Abdou a trouvé un logement alors il aide Cheikhouna.
Il n'a que 19 ans et il a commencé un BUT de techniques commerciales à Illkirch. "Mais c'est difficile de se concentrer quand on pense sans cesse qu'on n'a pas de logement. Là j'habite chez une connaissance, mais je ne pourrais pas rester longtemps."
Autre initiative solidaire, celle du bureau des élèves de l'INSA (institut national des sciences appliquées). Il propose à ses étudiants sans logement une aide ponctuelle, au mois de septembre uniquement.
"Le squat" met en relation les élèves en colocation et ceux qui cherchent. "L'idée c'est de demander à ceux qui sont en coloc d'héberger un camarade sur leur canapé, deux semaines maximum", explique Léa Tissier. "En ce moment, huit élèves de l'INSA sont hébergés ainsi, et trois ou quatre étudiants sont encore en attente. On a surtout du mal à trouver des colocations qui acceptent de jouer le jeu."
Trouvé !
Sur un quai de tram, Eva a l'air fatigué après sa première semaine de cours. Elle tient contre elle une grosse valise, elle repart à Reims pour le week-end. L'étudiante en graphisme explique qu'elle a trouvé un logement près de la Laiterie, une victoire mitigée.
"J'ai rendu mon appartement en résidence étudiante privée, c'était trop cher. Et j'ai cherché tous les jours pendant quatre mois, depuis mai."
J'ai cherché tous les jours pendant quatre mois, depuis mai, et j'ai fini par trouver.
Eva, étudiante en graphisme à Strasbourg
"J'ai fini par trouvé un appartement plus grand pour le même prix que l'autre, je passe de 18 m2 à 42 m2, c'est quand même mieux. Mais du coup je travaille à chaque vacances pour me le payer. C'est vraiment cher", soupire l'étudiante.
Chercher un logement n'a jamais été aussi difficile en cette rentrée 2023 pour les étudiants strasbourgeois.