Le mardi 3 décembre 2024, les pays signataires de la Convention de Berne ont fait passer le loup d'espèce "strictement protégée" à "protégée". Thomas Pfeiffer, enseignant spécialisé sur la question, a analysé cette décision importante pour France 3 Alsace.
Un seul mot en moins mais de grandes conséquences. En classant le loup comme une espèce "protégée" et non plus "strictement protégée", les pays signataires de la Convention de Berne ont assoupli la législation qui entoure les abattages de cet animal et ainsi sa protection.
Spécialiste de la question du loup en Alsace, président d'honneur de l'association Avenir Loup Lynx Jura et porteur du projet de la Maison du loup, l'enseignant Thomas Pfeiffer était l'invité de France 3 Alsace ce mardi 3 décembre.
France 3 Alsace : Les associations de défense des animaux voient dans cette décision une victoire des lobbies des éleveurs et des chasseurs. Partagez-vous cet avis ?
Thomas Pfeiffer : Evidemment. On s'y attendait, malheureusement ce n'est pas une surprise. Ça fait plusieurs mois que c'est sur la table. On nous ferait croire qu'il y a de plus en plus de loups, on parle de 20 000 dans toute l'Europe pour 1 000 en France. Ça a d'ailleurs régressé cette année, on a presque perdu 100 loups.
Tuer plus de loups n'arrangera pas les affaires des éleveurs, bien au contraire. C'est une décision purement politique et qui n'a aucun fondement scientifique. Ursula von der Leyen (la présidente de la Commission européenne, ndlr) en a fait une affaire personnelle, depuis que son poney aurait été consommé par un loup. Et depuis, on a 25 des 27 pays de l'Union européenne qui ont décidé de déclasser le loup.
Les jeunes loups vont se rabattre encore plus sur les troupeaux
Thomas PfeifferSpécialiste du loup
En fait, on va autoriser plus de tirs. Et malheureusement, ces tirs vont aller sur des meutes qui vont être déstructurées. À chaque fois, le couple dominant, donc le mâle ou la femelle alpha, risque d'être tués. Ce qui fait que les jeunes vont se rabattre encore plus sur les troupeaux. Donc, c'est contre-productif et ça ne sert strictement à rien.
Est-ce que vous contestez qu'il puisse y avoir du désarroi chez les éleveurs ?
Pas du tout. En France, on dépense entre 20 et 30 millions d'euros et pourtant, on est le pays où il y a le plus d'attaques sur les troupeaux mais aussi celui où on tue le plus de loups. Donc ça ne fonctionne pas !
J'ai donc un projet de prévention, d'aides-bergers. C'est-à-dire des bénévoles qui viennent, le soir, pour aider les éleveurs, les suppléer. Cela permet qu'il y ait toujours une présence humaine. Parce que le loup ne craint qu'une chose, c'est l'animal vertical que nous représentons.
C'est un projet que nous avons déjà pu mener en Suisse avec Oppal. Et en deux ans, avec les chiens, les clôtures électriques et les aides-bergers, il n'y a eu aucune attaque. Mon idée, c'est de mettre en place dans les lycées agricoles, des aides-bergers qui pourraient prêter main-forte aux éleveurs. La présence humaine, c'est la seule chose qui fonctionne. Parce que le loup est très malin. Il va tout de suite sentir la moindre faille, il va s'adapter, passer entre les clôtures...
On ne promet pas qu'il n'y ait aucune attaque, ce n'est pas possible
Thomas PfeifferSpécialiste du loup
Et si ces solutions existent, comment expliquez-vous que cela ne marche pas en France ?
C'est un sujet politique et il y a de forts lobbies agricoles qui sont derrière et qui poussent à amplifier les chasses de loup. Mais on comprend bien que ce n'est absolument pas la solution. On voit que l'Allemagne a par exemple cessé les tirs de loups.
Alors, il y a parfois des attaques. On ne promet pas qu'il n'y aura aucune attaque, ce n'est pas possible. Mais ce qu'on promet, c'est de réduire l'impact de la prédation du loup, que ça devienne supportable, et qu'on remette en selle l'éleveur au centre du système.