Alerte aux moustiques : "cette espèce évolue tellement vite que nous n'avons pas le temps d'intervenir"

Depuis le début de l'été, la plaine champenoise est en proie à une attaque massive de moustiques, notamment autour d'Arcis-sur-Aube. Une espèce particulièrement virulente dont la prolifération est causée par les fortes précipitations qui touchent le territoire depuis le printemps.

"Je suis venu à pied à la mairie ce matin et ça mord encore", déclare-t-il dans un sourire faussement amusé. Charles Hittler, le maire d'Arcis-sur-Aube ne cache plus son exaspération. Depuis le début de l'été, sa commune semble avoir été choisie comme lieu de villégiature par une horde de moustiques. "C'est difficilement tenable, ajoute l'élu. Dès que vous vous approchez d'une haie ou d'un buisson, vous voyez des nuages d'insectes voler. Et ils sont particulièrement voraces. Hier par exemple, j'ai pris ma voiture. En ouvrant la porte, une cinquantaine de moustiques m'ont suivi dans l'habitacle. Une cinquantaine", répète-t-il, toujours médusé.

Sa commune n'est pas la seule concernée. Sur son site internet, le syndicat départemental des eaux de l'Aube (SDDEA) précise que ce sont les vallées de l’Aube et de la Seine ainsi que leurs affluents crayeux qui sont affectés. Et cette invasion revêt un caractère exceptionnel : "Cette année, le nombre de moustiques explose. Le phénomène est assez récent, la première prolifération de ce type sur le territoire remonte à 2021 seulement", précise Lucile Gaillard, directrice générale adjointe en gestion des milieux, prévention et patrimoine au SDDEA. "Moi, je n'ai pas souvenir d'en avoir déjà vu autant dans ma commune. En tout cas, la dernière fois que des moustiques nous ont pourri l'été, c'était dans les années 60", abonde Charles Hittler, le maire d'Arcis-sur-Aube.

Une espèce particulière

Le coupable a un nom barbare qui fait presque penser à celui d'un envahisseur de la Rome antique : aedes sticticus. Mais l'insecte est bel et bien le fruit de notre époque, comme l'explique Lucile Gaillard de la SDDEA : "En fait, ces moustiques ne sont que le reflet de la météo spéciale que nous avons cette année et plus globalement du dérèglement climatique. Pour se développer, ils ont besoin de secteurs d'assèchement et de remise en eau. Et c'est exactement ce que l'on a depuis le printemps, à savoir plusieurs épisodes de crues couplées à des températures douces puis chaudes."

Aedes stiticus est un moustique que l'on qualifie d'estival. Sa particularité, c'est qu'il passe de l'état larvaire à l'état adulte en quelques jours. Les moustiques dits hivernaux, eux, mettent plusieurs semaines à opérer cette transformation. "Tout cela complexifie notre travail, détaille encore Lucile Gaillard. Parce que pour traiter, c'est aux larves que nous nous attaquons. Pour cela, nous utilisons des produits biocides, moins néfastes pour l'environnement que les produits qui s'attaquent au stade adulte. Mais cette espèce évolue tellement vite que nous n'avons pas le temps d'intervenir."

Pourtant, au printemps déjà, constatant l'éclosion précoce des œufs, l'organisme avait lancé une action de lutte contre la prolifération. Un hélicoptère avait survolé le département pour un épandage anti-larves depuis les airs. Mais cela n'a donc pas suffi.

Nous avons été battus par les crues qui ont eu lieu après, dans les semaines qui ont suivi. Elles ont recréé de nouvelles conditions favorables au développement de cet insecte.

Lucile Gaillard, directrice adjointe en gestion des milieux prévention et patrimoine au SDDEA

Cet été les Aubois vont donc devoir vivre avec cet invité indésirable. La dernière grosse éclosion a eu lieu aux alentours du 14 juillet. Ce moustique vivant trois semaines en moyenne, leur nombre devrait commencer à baisser. "Sauf si on connaît de nouveau de fortes pluies qui intensifient l'inondabilité des zones dans les prochains mois", modère Lucile Gaillard.

Le mot d'ordre est désormais l'anticipation. Le SDDEA mise sur l'observation et le réaménagement des secteurs touchés. Par exemple, une refonte de certains chemins pour limiter le nombre d'ornières, terrain propice à la prolifération.

Quelques précautions à prendre

En attendant, pas de solution miracle à espérer. "Il n'existe que les répulsifs, les vêtements couvrants et les moustiquaires pour limiter le risque de piqûre", rappelle le Docteur Hervé Ruinart, médecin généraliste à Reims.

De son côté, l'agglomération de Troyes Champagne Métropole rappelle quelques gestes simples dans un communiqué, comme l'élimination des eaux stagnantes dans les bidons ou les pots de fleurs, le nettoyage des gouttières, l'entretien régulier des piscines ou encore l'introduction de poissons dans les bassins puisque ces derniers se nourrissent des larves de moustiques.

Le maire d'Arcis-sur-Aube, lui, n'a d'autres choix que de parer au plus urgent : "J'ai par exemple équipé les agents municipaux en extérieur de répulsifs ou dû trouver un lieu couvert pour le déjeuner du centre aéré le midi. Mais je ne peux pas faire plus. Il va falloir qu'on soit patients."

En attendant de pouvoir retrouver un peu de quiétude, le SDDEA rappelle que "les moustiques n’en demeurent pas moins des espèces importantes pour les milieux naturels. S’ils piquent les humains et les animaux pour obtenir une protéine du sang qui leur permet de se reproduire, ils se nourrissent également du nectar des fleurs, ce qui en fait d’excellents pollinisateurs." À méditer à la prochaine piqûre...

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