C'est la première fois qu'une dissolution a lieu à la suite d'élections européennes. Les Français sont appelés à voter pour leurs députés le 30 juin et 7 juillet prochain. Le politologue Olivier Dupéron, enseignant à l'université de Reims, analyse les enjeux de ces élections anticipées.
De l'incertitude. C'est ce qui plane au-dessus de l'hémicycle et du gouvernement français depuis dimanche 9 juin 2024 et l'annonce des résultats des élections européenne ainsi que de la dissolution de l'Assemblée nationale.
Les Français sont appelés aux urnes le 30 juin et 7 juillet prochain pour élire leurs nouveaux députés. Un calendrier "très serré" avec une "campagne éclair", juge le politologue Olivier Dupéron, enseignant à l'université de Reims Champagne-Ardenne.
- Qu'est-ce qu'une dissolution ?
C'est l'article 12 de la Constitution qui l'autorise. Grâce à ce texte, « le président de la République peut, après consultation du Premier ministre et des présidents des assemblées, prononcer la dissolution de l'Assemblée nationale ».
Cette décision d'Emmanuel Macron entraîne des élections législatives anticipées. Elles se dérouleront en deux tours à une semaine d'écart. "Dans les jours qui viennent, les parties vont devoir très rapidement s'organiser, désigner les candidats, nouer d'éventuelles alliances", décrit l'expert.
- Quelle est la stratégie politique d'Emmanuel Macron ?
La dissolution de l'Assemblée nationale est utilisée quand il n'est plus possible pour le chef de l'État de gouverner avec un Parlement trop hétérogène. Ou quand le Parlement n'est plus réputé comme représentatif du vote des citoyens.
Olivier Dupéron analyse la situation. "On peut considérer que la situation n'était plus tenable, qu'il allait vers un enlisement. Peut-être et probablement vers une motion de censure avec un renversement du gouvernement à l'automne. Il vaut mieux prendre la main, être en situation d'organisation du calendrier plutôt que de le subir".
Cette nouvelle campagne surprise pourrait "mettre en difficultés" tous les partis tout en "provoquant un sursaut des électeurs".
- Le vote Rassemblement national est-il un vote de contestation ou de conviction ?
En Champagne-Ardenne, le Rassemblement national de Jordan Bardella atteint 43% des voix aux élections européennes 2024, un score augmenté de dix points par rapport au précédent scrutin.
Pour Olivier Dupéron, le vote RN est à la fois un choix de contestation et de conviction. "Il est difficile de dresser un portrait type de l'électeur d'extrême droite", prévient-il."Il y a l'électeur qui adhère aux propositions du parti et puis celui qui est en colère sans forcément vouloir déboucher sur une majorité", ajoute-t-il en précisant qu'aujourd'hui "on a vraiment un vote du Rassemblement national rural et un autre plus urbain lié au déclin industriel".
- Que pourrait-il arriver à la suite de ces élections ?
"Est-ce que ça peut être pire qu'aujourd'hui ? C'est possible", assure Olivier Dupéron. Selon lui, l'enjeu principal à l'heure actuelle est de savoir qui sera le ou la cheffe du gouvernement. Il ajoute : "Cette période d'incertitude pourrait durer longtemps si le RN est élu".
Le groupe qui sera majoritaire à l'Assemblée à l'issue du scrutin du 7 juillet devra désigner un Premier ministre même s'il n'appartient pas au même parti que le président. C'est ce qu'on appelle une cohabitation. Il est alors plus difficile, voire impossible, pour le président de faire voter des textes puisqu'il n'a plus l'apanage des projets de loi, soumis au débat et au vote par le chef du gouvernement.
- Y a-t-il déjà eu des précédents ?
C'est la sixième fois de la Vᵉ République que le président dissout l'Assemble. Avant Emmanuel Macron, le Général de Gaulle l'a fait à deux reprises : 1962 et 1968. François Mitterrand a, lui aussi, activé à deux reprises l'article 12 de la Constitution : 1981 et 1988. Pour ces deux présidents, les élections législatives ont été remportées par la majorité présidentielle.
Mais c'est la première fois qu'elle a lieu à la suite des élections européennes. La dernière remonte à 1997, quand Jacques Chirac était encore au pouvoir. "Et ça n'avait pas réussi au Président d'ailleurs", se souvient le politologue. Elle avait entraîné une cohabitation de cinq ans avec Lionel Jospin à tête du gouvernement.