L'application téléphonique StopCovid est censée permettre de casser les chaînes de transmission du coronavirus (Covid-19) en ciblant l'entourage d'un(e) malade. Par tribunes opposées publiées fin juillet, Bruno Studer (LREM) a pris position en sa faveur; Martine Wonner (EDS) est contre.
Une députée du Bas-Rhin contre un député du Bas-Rhin. Martine Wonner (EDS) n'est pas d'accord avec Bruno Studer (LREM) quand il s'agit de faire la promotion de l'application téléphonique StopCovid (fonctionnant sur iPhone et Android). Laquelle permet de détecter et prévenir l'entourage proche d'une personne infectée par le coronavirus (Covid-19) : elle suscite de nombreuses critiques.
Bruno Studer s'est publiquement prononcé en sa faveur le 24 juillet 2020, dans une tribune cosignée par plusieurs élu(e)s de la région alsacienne. S'y trouvent les signatures du député du Bas-Rhin Sylvain Waserman ou la sénatrice du Haut-Rhin Patricia Schillinger, chez En Marche. Le président de la grande région Grand Est, Jean Rottner (LR), l'a également cosignée (lire la tribune dans l'outil de visualisation PDF ci-dessous).
StopCovid - Appel des élus du Grand-Est - 24-07-2020 by Vincent Ballester on Scribd
Pour Bruno Studer, l'utilisation de cette application est nécessaire. "C'est important car il faut une stratégie 'dépister-isoler' pour casser les chaînes de transmission. Surtout en période d'été : les gens sont plus en contact, il y a des lieux de rassemblement... " Et se montre lucide : "Je ne considère pas ça comme une solution miracle, mais comme un outil en plus dans la lutte contre le coronavirus. Il existe, ce serait dommage de s'en passer."
Alsacien, il a encore en tête le cauchemar créé par le rassemblement évangélique de Mulhouse (Haut-Rhin), devenu un véritable foyer de contagion (ou "cluster"). "J'ai encore à l'esprit l'impact de ce rassemblement, et notre incapacité à endiguer le phénomène qui a suivi. On aurait été content d'avoir cette application pour tenter de retrouver une partie des personnes en remontant les chaînes."
C'est un outil en plus dans la lutte contre le coronavirus. Il existe, ce serait dommage de s'en passer.
Conscient des "réserves et interrogations" suscitées par StopCovid, il estime que "le numérique a sa place" et qu'on ne peut pas dire "si l'application est efficace", regrettant qu'elle soit "trop peu utilisée". Attaché aux "libertés publiques", il rappelle que le "traçage à tout instant par des entreprises [comme Facebook ou Google; ndlr]" n'a rien à voir avec StopCovid car "toutes les garanties lui ont été apportées".
Mais Martine Wonner ne l'entend pas de cette oreille. Récemment débarquée d'En Marche, elle écrit une tribune en réaction le 28 juillet. Parmi ses co-signataires, le vice-président de l'Eurométropole de Strasbourg Christian Brassac, ou Alexandre Feltz, l'adjoint de la maire Jeanne Barseghian à la santé publique, ainsi que Caroline Zorn, conseillère municipale strasbourgeoise déléguée au numérique (lire la tribune dans l'outil de visualisation PDF ci-dessous).
Communiqué de presse StopCovid de Martine Wonner by Vincent Ballester on Scribd
Martine Wonner s'inscrit en faux contre cet outil numérique. "Il n'y a pas eu d'appel d'offres pour cette application, conçue en concertation avec la Cnil [Commission nationale de l'informatique et des libertés; ndlr]. Je mets donc en cause la manière avec laquelle Cédric O a piloté sa création. Et en plus, la surveillance de StopCovid coûte 200.000 euros par mois : c'est complètement délirant."
"La Cnil, dans son avis du 20 juillet, s'est montrée extrêmement critique", pointe la députée. "La sécurisation des données pose problème. Une mise à jour doit absolument être faite."
Ça coûte 200.000 euros par mois : c'est complètement délirant.
D'autant que, selon elle : "Le virus ne circule plus. Ce logiciel ne protège pas, et créé une tendance à sécuriser les gens, qui font moins attention. Ils doivent continuer à respecter les gestes barrières. On entend bien sûr parler de clusters, et de gens de plus en plus contaminés... et on dépiste enfin. Mais on n'a pas d'informations sur l'état des personnes infectées. Mes échanges avec des médecins font remonter que ce sont des cas légers, qu'il y a moins d'hospitalisations. On est loin des urgences et réanimations de mars."
En conclusion, la députée tance le gouvernement : "C'est utiliser la peur d'une manière inappropriée. On n'a pas à infantiliser la population."
L'application StopCovid a déçu. Fin juin, nos collègues du Monde ne relevaient que 14 personnes averties par l'application... parmi les 1.9 millions l'ayant téléchargée.