Affaire Anaïs Guillaume : "La présomption d'innocence, c'est vous inviter à vous faire violence en permanence"

L'audience reprendra jeudi, avec une dernière parole de l'accusé avant les délibérations.

"Si vous n'avez pas d'éléments qui prouvent sa culpabilité, il ne faut pas y aller." C'est ainsi qu'Hugues Vigier, second conseil de Philippe Gillet, a conclu les trois heures de plaidoieries de la défense, ce mercredi 21 avril, à la cour d'appel de Reims. Les deux avocats de Philippe Gillet, dans des styles très différents, ont plaidé l'acquittement de Philippe Gillet, par absence de preuves évidentes. "Je savais que la tâche allait être rude", a introduit Ghislain Fay, qui défend Philippe Gillet depuis le début de la procédure. "La première fois que j'ai assisté monsieur Philippe Gillet, c'était à sa demande, car il était interviewé par des journalistes", s'est-il souvenu, d'un ton mesuré.

Lui et son confrère, plus volubile et théâtral, ont tenté de convaincre les jurés qu'il n'y a pas de preuves accablantes contre leur client. "Je pense qu’il y a un doute raisonnable, a conclu maître Fay. Vous n’avez pas d'éléments objectifs, concrets qui vous permettent d’entrer en voie de condamnation." De son côté, Hugues Vigier a fait appel à la raison des jurés, citant tour à tour des philosophes comme Vladimir Jankélévitch, André Gide ou encore le romancier Antoine Bello. "La présomption d'innocence, c'est vous inviter à vous faire violence en permanence", a-t-il rappelé, avant de souligner : "Nous n'avons pas d'éléments objectifs. Nous n'avons pas d'éléments qui montrent une volonté d'homicide. Nous n'avons pas d'éléments médicaux qui montrent qu'il y aurait eu une forme d'acharnement." Jeudi matin, Philippe Gillet aura une dernière fois la parole avant que les jurés aillent délibérer. 

>> L'article à lire pour suivre le procès de Philippe Gillet

  • Le parquet requiert la réclusion criminelle à perpétuité contre Philippe Gillet. C'est la peine maximale qu'ont requis les deux avocats généraux ce mercredi contre l'accusé. Après plus de deux heures de réquisitoire, c'est la magistrate Marlène Borde qui a prononcé la requête de la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une peine de sûreté de 22 ans. Elle a également demandé une interdiction de 15 ans de détention d'une arme et la confiscation des scellés. Elle a également insisté sur l'impossibilité de réadaptabilité de l'accusé, et n'a donc pas demandé de suivi médico-légal. "Pour l'appel, je vous demande de bien vouloir prendre en compte les faits suivants, expose la magistrate. Le corps d'Anaïs Guillaume a été enterré sous un tas de fumier, ce qui constitue un outrage supplémentaire. Et l'accusé s'est servi de sa fille, mineure, ce qui à mon sens justifie qu'on demande la peine la plus haute." En première instance, le parquet avait requis 30 ans de réclusion criminelle.

 

  • Les faits, rien que les faits, le parti pris de Damien Delavenne lors de son paidoyer ce mercredi. Après la lettre ouverte de son confrère, Olivier Menut la veille. Durant près de deux heures, le second conseil de la famille Guillaume est revenu de manière très méticuleuse sur tous les faits qui ont conduit Philippe Gillet devant la cour d'assises. "Ce qui est à mon sens accablant, la téléphonie", a-t-il, entre autre, souligné, relevant les nombreuses incohérences de la défense. "Anaïs n'avait aucun intérêt à faire de telles manipulations de cartes sim, pour envoyer un SMS afin de savoir si Philippe Gillet avait retrouvé sa carte. Il lui suffisait d'attendre le lendemain matin, puisqu'elle devait y retourner travailler." Puis l'avocat est revenu sur le courrier anonyme envoyé aux avocats des différentes parties et à la justice, qui vise à innocenter Philippe Gillet. L'accusé affirme qu'il l'a reçu dans sa cellule. "Mais le corbeau, il veut du bien à qui ? A Philippe Gillet, puisqu'il veut l'innocenter. Pourquoi ne s'est-il pas présenté en avril 2019, lors de la première instance ?" Enfin, il est revenu sur les attentes très fortes de la famille Guillaume. "Quand on passera cette porte, on repartira avec cette question : pourquoi Anaïs s'est-elle fait tuer ? Pourquoi a-t-elle été enterrée comme un animal ? Il y a également un besoin de reconnaissance du statut de victime. Avez-vous vu Philippe Gillet exprimer une seule émotion concernant Anaïs ? Lors de la projection de la vidéo des fouilles, il a seulement ajouté que la manière dont le témoin creusait avec la pelleteuse, 'c'est comme un éléphant dans un magasin de porcelaine'. On franchira donc ces portes avec cette attente absolument pas comblée. Mes clients sont condamnés à vie à ne plus revoir leur fille, leur sœur. Le combat qu'ils ont mené jusqu'à aujourd'hui, est époustouflant. Jamais Fabrice et Valérie ne se sont résignés. Jamais ils ne se sont dit qu'il fallait arrêter de chercher." Et l'avocat de conclure : "C'est bien un assassinat."
  • "J'ai le sentiment que la mort de Céline Gillet a été traitée comme l'accessoire de la mort d'Anaïs Guillaume", a déclaré Richard Delgenes mardi 20 avril. Il faut dire que la position de sa cliente est particulière. Elle est la fille cadette de l'accusé, soupçonné d'avoir tué sa mère. Après être revenu sur les lacunes de l'enquête, il a insisté sur le fait que peu d'éléments prouvent la culpabilité de Philippe Gillet dans la mort de son épouse. "C'est un peu difficile pour moi ; je ne suis pas l'accusation, je ne suis pas la défense", résume-t-il, avant de prévenir : "Quand vous jugez pour Philippe Gillet, vous jugez aussi pour l'avenir de sa fille. Quand elle rentrera chez elle le soir, elle vivra avec ça : est-ce que son père est coupable ou pas d'avoir tué sa mère ? C'est important pour sa construction." 

 

  • La lettre ouverte d'Olivier Menut, adressée à Anaïs Guillaume. "Du 16 avril 2013 au 28 octobre 2019, il s'est passé 2.396 jours, soit six ans et demi, durant lesquels la famille d'Anaïs a constamment cherché leur fillle, leur sœur, sans relâche tous les jours." Dans une plaidoirie d'un peu plus d'une heure, il est revenu sur son enfance, ses liens affectifs avec les membres de sa famille. Avant de conclure : "J'aimerais avant de finir, rappeler le rôle des jurés. Leur rôle est d'abord de dire que le rôle d'un homme comme Philippe Gillet n'est pas de retirer la vie et de dire stop aux rêves d'une femme de 21 ans."

 

  • La fille cadette de Philippe Gillet entendue ce mardi. "Je m'en sors plutôt bien, même si la vie ne m'a pas fait de cadeau. J'ai grandi toute seule, je ne vois mon père que très rarement depuis qu'il a été transféré à Châlons." Depuis le début du procès, on ne l'a pas entendue. Ce mardi 20 avril, la fille cadette de l'accusé s'est adressée à la cour, qui juge une deuxième fois Philippe Gillet pour "violences ayant entraîné la mort" de Céline Gillet le 3 janvier 2012. Elle est revenue de manière succinte sur ses conditions de vie depuis qu'elle a perdu sa mère à l'âge de 8 ans. "Je l'ai appris très tard, se souvient la jeune Ardennaise. Elle est décédée le mardi dans la soirée et on me l'a dit le lendemain soir. Ce jour-là, j'ai perdu tout ce que j'avais. C'était plus que ma mère, c'était ma meilleure amie." Son ton est calme, le débit posé. A la question comment avez-vous préparé cette audience, elle répond : "J'ai beaucoup pleuré. On n'est jamais préparé à ce genre de choses selon moi, même avec de la préparation, c'est difficile." 

 

  • Philippe Gillet interrogé sur les circonstances de la mort de son épouse ce mardi. "On avait des hauts et des bas, comme tous les couples." Selon l'exploitant ardennais, Céline Gillet est décédée écrasée par une vache, mais les experts doutent de cette version. Blessée au visage, elle n'avait aucune lésion sur la cage thoracique laissant penser à un écrasement. Appelés à la barre mercredi et jeudi derniers, ils ont émis leurs réserves quant aux circonstances de sa mort. "Il y aurait dû y avoir une autopsie. Il n'y en a pas eu et je le regrette fortement. Seule une autopsie aurait pu déterminer les causes du décès", a conclu le docteur Spitakis. Un peu plus tard, le médecin réanimateur qui a tenté de sauver Céline Gillet a reconnu une erreur en n'entravant pas l'incinération. "J'ai passé la journée à réanimer cette femme, il était tard..." a-t-il lâché. Mêmes réserves de l'expert vétérinaire, qui estime qu'une vache ne peut pas tomber sur son train arrière comme l'avance l'accusé. "Je n'en ai jamais vu, assurait Gilbert Mouthon. En parlant avec mes anciens confrères qui avaient une très grosse habitude, on s'est dit que ces chutes ont toujours eu lieu avec des vaches en chaleur, qui se chevauchent et glissent."

 

  • Philippe Gillet longuement entendu vendredi et lundi au sujet d'Anaïs Guillaume. Il est accusé d'avoir assassiné la jeune femme, qui fut son employée puis son amante. Elle a disparu dans la nuit du 16 au 17 avril 2013 et son corps n'a été retrouvé qu'en octobre 2019, après des fouilles sauvages entreprises par Victoria Gillet, la fille de l'accusé, sur demande de ce dernier.

 

  • L'accusé clame son innocence. Depuis le début de ces deux affaires, l'exploitant ardennais "dément tout ce qui lui est reproché". En première instance, il a été condamné à une peine illégale de 22 ans de réclusion criminelle pour le meurtre (et non l'assassinat) d'Anaïs Guillaume, et a été acquitté dans le volet concernant Céline Gillet. Les jurés rendront leur verdict cette semaine.

 

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