Le service départemental d'incendie et de secours (Sdis) du Bas-Rhin a reçu un appel un peu particulier de la part de la préfecture. La participation des pompiers était demandée pour mettre sous pli la propagande électorale, les vendredi 25 et samedi 26 juin.
C'est appel pour les uns, une réquisition pour les autres. Et pour ces derniers, ça ne passe pas. Des effectifs du service départemental d'incendie et de secours (Sdis) du Bas-Rhin ont été demandés par la préfecture pour une tâche bien particulière.
Les pompiers ont reçu la demande de contribuer à la mise sous pli de la propagande électorale. Elle est destinée à atterrir dans les boîtes aux lettres des électeurs et électrices, qui doivent se prononcer ce dimanche 27 juin 2021. Date du deuxième tour des élections départementales et régionales.
L'envoi de ces professions de foi devait être assuré par des prestataires, dont les défaillances ont été reconnues. C'est pour ça qu'il a fallu envoyer des pompiers à Colmar (Haut-Rhin, voir sur la carte ci-dessous) des pompiers pour pallier "les carences de l'État", avance Cédric Hatzenberger. C'est le secrétaire général de Force ouvrière (FO) chez les pompiers du Bas-Rhin : il a répondu aux questions de France 3 Alsace.
Que s'est-il passé ?
"On ignore encore combien de pompiers ont été concernés... Mais ce qu'on sait, c'est que tous les chefs de casernes du Bas-Rhin ont été sollicités pour rameuter le maximum de monde pour se présenter à cette mise sous pli, à Colmar."
En quoi ça s'inscrit - ou pas - dans vos missions ?
"On est sous le choc. On ne pensait pas qu'on pouvait appeler des sapeurs-pompiers, qui sont quand même des spécialistes du secours... à faire de la mise sous pli. Ce qu'on a compris, c'est qu'il y a effectivement de grosses carences par rapport à l'organisation de ces élections, que de nombreux Français n'ont pas eu leur propagande électorale à temps... Je pense qu'il y a une pression du ministre de l'Intérieur [ministère de tutelle des pompiers; ndlr], car le département de la Savoie est aussi concerné, pour que certains pompiers se prêtent à ce jeu. Ce n'est pas nos missions."
Quels sont les risques posés par cette démarche, s'il y en a ?
"On est extrêmement perturbé... On trouve ça complètement hallucinant... Comment on peut utiliser des sapeurs-pompiers pour faire ce type de mission ? Le risque, c'est que la majorité des sapeurs-pompiers se mobilisent pour donner un coup de main, et que ça réduise le nombre de personnes d'astreinte, et que ça mette en péril les gardes."
"Si on prend l'exemple du vaccinodrome à Strasbourg et du vaccicar, ça a généré des carences. La direction générale de la sécurité civile a imposé à tous les Sdis de France de catégorie A - comme le Bas-Rhin - ces vaccinodromes. Ils sont encadrés à 100% par des sapeurs-pompiers. Forcément, ça a généré des problèmes d'effectifs. Rajouter à cela la mise sous pli... surtout sur le week-end, là où en général on a une forte sollicitation - en plus les températures s'y prêtent..."
Quel est votre avis sur la question ?
"Jusqu'à où est-on capable d'utiliser les sapeurs-pompiers ? On est complètement hors-sujet. C'est pas d'utilité publique. Le vaccinodrome, on peut comprendre, c'est de la sécurité civile, c'est pour soulager le milieu hospitalier. Mais faire la mise sous pli ? C'est du jamais vu."
Comment cette sollicitation aurait pu mieux se passer ?
"Non, on va être assez radical sur le sujet : les sapeurs-pompiers n'ont pas à être utilisés pour ce genre de problématique que rencontre l'État. Quand on voit un peu le nombre de chômeurs, le nombre de gens qui recherchent un emploi, les intérimaires qui pourraient donner un coup de main... Et qu'on arrive encore à utiliser un service public comme ça pour de la mise sous pli... Pour nous, c'est un grand non, j'ai envie de dire : foutez-nous la paix."
Comment expliquez-vous ce choix de la préfecture ?
"Un sapeur-pompier qui va se mobiliser pour faire ça, c'est sous le statut de sapeur-pompier volontaire. Ce qui fait que c'est des vacations. Elles sont exonérées de charges sociales pour le Sdis, ça ne coûte pas cher du tout. C'est comme avec le vaccinodrome, le sapeur-pompier volontaire coûte beaucoup moins cher que si on devait mobiliser le service public hospitalier. Nous dénonçons fortement ce type de réquisition [lire le tract ci-dessous; ndlr], nous ne sommes pas des bonnes à tout faire pour se substituer aux carences de l'État. Demain, ce sera quoi ?"
Communiqué Sapeurs-Pompiers Couteaux-Suisses by Vincent Ballester on Scribd
Réponse de la préfecture
Sollicitée, la préfecture du Haut-Rhin dément. "Aucune réquisition n'a été prise par le préfet du Haut-Rhin pour la mise sous pli des documents de propagande électorale. Un appel a été lancé auprès des services de l'État et du Sdis pour venir contribuer à la mise sous pli. En complément, la préfecture a recruté des demandeurs d'emploi et des personnes en structure d'insertion." C'était effectivement le cas en milieu de semaine. Toutes les enveloppes doivent avoir été envoyées samedi soir.