Rund Um. Roland Ketterlin a dirigé la police de la chasse dans le Haut-Rhin. Il retrace une soixantaine d'affaires, insolites, truculentes ou inquiétantes, dans un livre : "Au cœur de la lutte anti-braconnage".
En 35 ans de carrière à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), il aura tout connu. Du petit braconnier amateur au gros poisson. Roland Ketterlin en a arrêté des centaines partout dans le Haut-Rhin. Une mission essentielle pour protéger la faune et la biodiversité, mais souvent méconnue du grand public. Il en délivre quelques secrets dans un livre Au cœur de la lutte anti-braconnage.
L'idée lui est venue pendant le confinement, en 2020, alors qu'il mettait de l'ordre dans ses documents. L'ancien agent a beau être à la retraite depuis 12 ans, il n'a rien jeté de ses carnets dans lesquels il inscrivait chaque procédure. Il a également conservé des piles entières d'articles de journaux en rapport avec les affaires qu'il a traitées.
Un "trésor de guerre" qu'il a eu envie de partager : "Mes petits-enfants me disent souvent, « papy tu peux nous raconter l'histoire de ce braconnier, ou de celui-là ». Ce sont des choses qui intéressent. Sauf que les gens ne savent pas ce qu'était notre travail. On pouvait interpeller, désarmer, menotter...". De vrais policiers, mais de la chasse.
Des affaires sérieuses, face à des meurtriers
Parmi tous ses souvenirs, Roland Ketterlin a sélectionné une soixantaine d'affaires pour les relater en détail. Elles parlent de cerfs, chevreuils, sangliers, blaireaux, chardonnerets, canards, chamois, faisans, buses, et même de loups et de gorilles. Tous tristement pris à partie par des prédateurs à deux pattes.
Il y a par exemple ce braconnier qui a tué un cerf le soir du réveillon de Noël. C'était en 1984, mais le septuagénaire n'a rien oublié de cette nuit-là. Avec ses collègues, il avait veillé la bête de 18 heures jusqu'au lendemain en fin de matinée. Ils attendaient le retour du délinquant, qui avait déjà en partie décapité l'animal : "On pensait qu'il viendrait chercher le trophée, alors on a tenu bon. Il faisait très froid. Avant minuit, les cloches se sont mises à sonner aux alentours pour annoncer la messe, c’était dur émotionnellement. Nos familles étaient à table, et nous, en pleine forêt, loin d'elles."
Roland Ketterlin a aussi eu affaire à des individus dangereux. Certains ont essayé de foncer sur les agents au cours de leur intervention, d'autres ont retourné le bureau des gendarmes, d'autres encore ont été condamnés des années plus tard pour meurtre, sur des humains cette fois.
Un dictionnaire de la bonne pratique de la chasse
Il fallait à chaque fois savoir gérer les situations, face à des braconniers parfois lourdement armés. Mais l'ancien chef de la police de la chasse dans le Haut-Rhin assure n'avoir jamais eu peur, du haut de son mètre 63. "C'est un métier, on était formés pour", indique-t-il sobrement.
Certaines histoires sont plus insolites. Alors qu'il voulait arrêter un homme - caché dans son mirador - pour braconnage, il est tombé nez à nez sur une situation... embarrassante : "Le gars nous a demandé d'attendre avant d'entrer car il était avec une femme. Les deux étaient en petite tenue. Puis, il nous a dit « Vous pouvez m'envoyer la contravention, mais envoyez-la au bureau s'il vous plaît, surtout pas chez moi. »"
Roland Ketterlin, qui a eu la vocation en observant son garde-chasse de papa s'affairer face à des braconniers, affirme ne pas être un anti-chasse. Lui-même est d'ailleurs engagé dans la régulation de la population de sangliers. Mais il se bat pour un exercice "dans les règles". Son ouvrage se veut un dictionnaire amoureux de la nature et de la bonne pratique de la chasse.