34 ans après, le meurtre d’Anaïs Marcelli, retrouvée en avril 1991 au col de Bussang, n’a jamais été élucidé. La famille de la fillette, 10 ans à l’époque des faits, espère toujours faire la lumière sur cette affaire. Le juge de l'instruction chargé du dossier vient de lancer un nouvel appel à témoins.
L’espoir et le combat. Voilà comment résumer en deux mots ce qui motive cet appel à témoins, lancé ce 12 janvier par le juge d'instruction chargé du dossier. La famille d’Anaïs Marcelli salue cette démarche. "Tant qu’on ne saura pas ce qui s’est réellement passé, cela restera une plaie ouverte", confie Me Aurélie Jaafar, avocate de la maman depuis six ans au barreau de Mulhouse, à la veille de la date anniversaire de la disparition de la jeune fille.
C’est le 14 janvier 1991 que la vie de la famille Marcelli bascule. Ce jour-là, après la classe, Anaïs, 10 ans, quitte son école du Nordfled, à Mulhouse, en direction de sa maison. Elle n’arrivera jamais chez elle. Portée disparue pendant plus de trois mois, la fillette est retrouvée morte par un promeneur le 21 avril 1991 au col de Bussang. Son corps, caché par des pierres, a subi des strangulations, selon le médecin légiste, et se trouve dans un état très dégradé.
Qu'importent les raisons, certaines personnes n’ont pas parlé à l'époque et ont peut-être aujourd’hui le recul nécessaire
Me Aurélie Jaafar, avocate de la maman d'Anaïs
"Même 34 ans après, des gens ont sûrement encore des choses à dire. Qu'importent les raisons, certaines personnes n’ont pas parlé à l'époque et ont peut-être aujourd’hui le recul nécessaire pour le faire et nous aider à avancer", estime Me Jaafar. Si vous avez en votre possession des éléments susceptibles de faire avancer le dossier, vous pouvez contacter le 0800 35 83 35 ou envoyer un mail à temoignage-ocrvp@interieur.gouv.fr.
Pour l’heure, le mystère plane toujours. À l’époque, de nombreuses pistes ont pourtant été explorées par les enquêteurs : les tueurs en série Francis Heaulme ou Michel Fourniret, le pédophile belge Michel Stockx ou encore le grand-père maternel jeune fille sont tour à tour les suspects d’une affaire qui patine, avant d’être rayés de la liste.
Des suspects disculpés les uns après les autres
Le dernier cité, qui aurait fait subir à sa petite-fille des attouchements et dans l’incapacité de fournir un alibi concernant le jour où celle-ci a disparu, sera placé en garde à vue. Faute d’éléments suffisamment solides, il ne sera néanmoins jamais mis en examen. Plus aucun nom ne surgira du dossier. Un non-lieu est même prononcé en 1997, avant que le procureur de la République de Mulhouse d’alors, Dominique Alzeari, ne rouvre une information judiciaire au printemps 2015.
De quoi enfin lever le voile ? Thierry Moser, avocat du père d’Anaïs, se montrera satisfait par cette décision, indiquant qu’il a "fait valoir des éléments nouveaux" laissant présager "d’un rebondissement". Aucune preuve tangible n’émerge toutefois. Une fois encore, ce n’est pas le dénouement souhaité.
Le véritable tournant, à l’origine du récent appel à témoins et qui suscite auprès de la famille un nouvel élan, se produit peut-être en 2022. En juillet, le parquet de Mulhouse se dessaisit de l’affaire au profit d’une juridiction nouvellement créée : l’Office central pour la répression des violences aux personnes de la police judiciaire (OCRVP), à Nanterre.
Des analyses ADN pour "faire parler" des pièces à conviction ?
Ce service, chargé des crimes non élucidés, les "cold cases", repart de zéro. "Après un gros travail de numérisation des documents les plus anciens, le juge d’instruction s’est attaqué au fond du dossier. C’est un pôle qui centralise les crimes complexes et non résolus. Des recoupements sont possibles, beaucoup de moyens sont déployés", explique Me Aurélie Jaafar.
Par ailleurs, les enquêteurs, qui gèrent environ 240 dossiers, s’appuient des techniques scientifiques modernes, qui étaient imparfaites, voire inexistantes dans les années 1990. "Les analyses ADN n’ont plus rien à voir entre 1991 et 2025. Aujourd’hui, même avec des fragments, on peut réaliser des analyses pertinentes", ajoute-t-elle.
Parmi les pièces à conviction à exploiter demeure par exemple cette lettre anonyme, postée depuis Paris et réceptionnée le 27 mars 1991 à l’école mulhousienne de la jeune fille. Son auteur y revendique l’enlèvement, évoque ses pulsions sexuelles et annonce "vouloir mettre enceinte" Anaïs.
En tout, sept lettres seront envoyées et mises entre les mains des experts. L’identité du corbeau reste à ce jour une énigme. Malgré le temps qui défile et les impasses déjà rencontrées, le flou qui persiste depuis 34 ans dans ce dossier n’est peut-être pas définitif. C'est en tout cas l'intime conviction des Marcelli et de leurs avocats.