Dans le pays du Der, les pluies diluviennes du 14 juillet dernier et les crues qui ont suivi ont détruit une bonne partie des cultures environnantes à quelques jours des récoltes. Les agriculteurs espèrent une indemnisation rapide et un nouveau règlement d'eau pour le lac du Der.
5 hectares d'orge de printemps noyés sous les débordements de la rivière Blaise qui coule dans le petit village Landricourt, dans la Marne. Quatre jours après les violentes intempéries du 14 juillet 2021, le propriétaire de la parcelle, Jean-Louis Leroux, ne peut que constater les dégâts : "L'orge est en train de pourrir sur pied avec toute l'eau qui reste. Elle n'est ni récoltable, ni commercialisable, explique-t-il. En plus, elle commence à germer". Et si l'orge de printemps est germée, elle ne peut être vendue à la malterie pour fabriquer de la bière. "Eux, procèdent à une germination à sec dans le processus de fabrication. Si je leur propose de l'orge déjà germée, ça ne va pas aller". L'orge ne pourra pas non plus être utilisée pour l'alimentation animale, puisque la germination enlève de trop nombreuses qualités nutritives à la graine. Pour l'agriculteur marnais, c'est donc une perte sèche. "On a subi la sécheresse trois années d'affilée, maintenant, c'est trop d'humidité. C'est une grosse perte financière."
Sur sa parcelle d'orge de printemps, Jean-Louis Leroux peut perdre jusqu'à 1 600 euros à l'hectare. En tout, c'est presque 40% de son exploitation qui ont été touchés par les pluies diluviennes de la fête nationale. Les pâtures aussi ont été noyées. "Le surlendemain de la crue, j'avais des bêtes qui étaient complètement inaccessibles. Elles avaient trouvé refuge sur un petit monticule. On a essayé de leur apporter du foin", se souvient-il. Et si les vaches ont encore un peu les pattes dans l’eau, ce n’est pas ça qui pose problème. Le stress dû aux intempéries peut provoquer quelques avortements chez celles qui viennent d’être inséminées. L’herbe, souillée par les alluvions de la rivière, peut aussi poser problème pour l’alimentation du troupeau.
Soja, colza et lentilles aussi fortement touchées
D’autres cultures fragiles ont aussi pâti des crues et des pluies. Laurent Champenois, agriculteur et secrétaire général de la FDSEA de la Marne, n’a pu lui aussi que constater les dégâts dans son champs de lentilles. Encore une dizaine de jours et la récolte aurait été exceptionnelle selon lui : "Les autres années, les lentilles avaient pâti de la sécheresse, on avait eu peu de rendements. Cette année, toutes les conditions étaient réunies, on aurait pu faire une belle récolte".
C'est ma 8e campagne de lentilles et cela ne ne m'était jamais arrivé. Cette année avait été plutôt convenable, avec un potentiel assez exceptionnel. Mais maintenant, la récolte de lentilles risque d'être faible ou nulle.
Mais finalement, avec la pluie, le problème est le même qu'avec l'orge : les averses ont couché les tiges au sol ; avec l'eau et la proximité de la terre, les graines de lentilles se sont mises à germer et sont donc devenues impropres à la consommation humaine. Laurent Champenois devra donc attendre encore quelques jours pour savoir si une partie de sa récolte peut être sauvée ou si toute la parcelle est perdue. Le tout, c’est qu’il ne faut plus qu’il pleuve. Lui, estime les pertes dues aux intempéries à 30% de son exploitation de 250 hectares.
Le rôle du lac du Der en question
Dans ce coin de la Marne où les cours d’eau sont régulés par des lacs réservoirs artificiels comme le lac du Der-Chantecoq, le règlement d’eau de ces ouvrages datant des années 70 prend une importance toute particulière. "Cela fait plusieurs années que la profession demande à ce que l’on puisse avoir une marge de sécurité, explique Mickaël Jacquemin, élu à la chambre d’agriculture de la Marne. On se rend bien compte qu’avec le changement climatique et l’artificialisation des sols, ce genre d’intempéries se reproduit de plus en plus en été. Si le lac du Der n’était pas rempli à 100% au 1er juillet, et qu’il l’était à 90%, il pourrait donc absorber cette eau, et les crues seraient moins importantes".
Depuis le 16 juillet, le lac du Der a en effet dépassé sa cote d’alerte. Mais pour le gestionnaire du site Seine Grands Lacs et son représentant Jérôme Brayer, ces 10% de marge de sécurité n’aurait pas suffi. Selon lui, il est tombé lors de cet épisode de la mi-juillet entre 20 et 25 % des capacités de stockage de l'ouvrage. Malgré tout, pour limiter au maximum les crues, il assure que le lac continue à pomper plus d’eau dans la Marne qu’il n’en rejette.
Il s’agit d’une situation exceptionnelle. Nous n’avons pas connu cela sur le Der depuis mai 2013. C’est la deuxième fois depuis la création du lac que nous atteignons des hauteurs si importantes, et c’est la première fois au mois de juillet.
Pour lui, il faut donc maintenir un remplissage du Der à 100% au début de l’été, arguant qu'à l'avenir, le département aurait à faire face plus souvent à des épisodes de sécheresse qu’à des pluies diluviennes.
Au lac du Der, l’eau continue donc pour le moment de monter d’1 cm toutes les 4 à 5 heures. En ce lundi 19 juillet, à 15 heures, le niveau d’eau atteignait 139m93 sur un maximum de 140. Au-delà, la structure même de l’ouvrage serait mise en danger comme les digues par exemple, qui risqueraient d’être fragilisées. Le gestionnaire n’ira donc pas au-delà d’une hauteur de 139m97, au cas où il pleuve à nouveau. Après, il devra rejeter de l’eau dans les rivières en espérant que d’ici les décrues soient suffisamment avancées.